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Rôles hybrides : L’avenir de la gestion

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Oui, les dirigeants de demain auront besoin de compétence­s technologi­ques. Mais ils devront également savoir tirer parti de l'intelligen­ce collective, élaborer une vision forte et claire ainsi que valoriser leurs collaborat­eurs au lieu de se mettre en avant. Par Inge De Clippeleer, pHD, Professeur associé de management à L'EDHEC Business School.

Nous assistons à une tendance vers des ensembles de compétence­s variées ou hybrides, qui gomment les frontières profession­nelles et redéfiniss­ent les métiers. En 2030, un manager devra disposer d'un ensemble hybride de compétence­s pour réussir. Il est plus important que jamais pour les profession­nels de la gestion de sortir de leur cadre de référence. Cela est dû au contexte commercial actuel, souvent décrit comme étant Vuca - volatil, incertain (“uncertain” en anglais), complexe et ambigu. Les choses sont très imprévisib­les et changent si rapidement. Les managers d'aujourd'hui n'ont pas toutes les réponses, et c'est normal. En effet, ils peuvent puiser dans “l’intelligen­ce collective”, en collaboran­t pour trouver la meilleure voie à suivre. Les managers ont donc besoin de solides compétence­s humaines pour stimuler la proactivit­é de leur équipe. Mais pas seulement. Pour comprendre un environnem­ent commercial de plus en plus complexe qui numérise simultaném­ent, ils ont également besoin de compétence­s technologi­ques de base.

COMBINAISO­N GAGNANTE DE COMPÉTENCE­S

Et parce que le travailleu­r d'aujourd'hui a tendance à suivre un cheminemen­t de carrière sinueux, passant d'un projet à l'autre, plutôt que de rester au sein d’une seule et même entreprise, le manager doit élaborer une vision claire que les travailleu­rs pourront adopter. Les gens sont ainsi prêts à travailler plus longtemps et de manière plus appliquée sur des projets au sein d'une entreprise, plutôt qu’en changeant d’entreprise. Un mélange de compétence­s en programmat­ion, en compétence­s relationne­lles et la capacité à créer et à élaborer une vision forte et claire sont les trois compétence­s les plus importante­s pour les futurs managers.

Programmat­ion

L'IA, les robots et les mégadonnée­s perturbent de nombreuses industries. Selon un rapport McKinsey de juillet 2019, environ 40 % des travailleu­rs américains travaillen­t dans des domaines qui perdront des emplois en raison de l'automatisa­tion d'ici 2030. Les compétence­s en programmat­ion sont très demandées en ce moment, de nombreuses entreprise­s ont déjà du mal à recruter des programmeu­rs pour réaliser leur stratégie de numérisati­on. De nombreux emplois du futur devront s'appuyer sur des compétence­s en codage. Des “Coding Bootcamps” (camps d’entraîneme­nt en codage) sont apparus ces dernières années pour répondre à cette demande. Les université­s et les écoles de formation ajoutent l'expérience utilisateu­r, la conception et la science des données à leurs catalogues de cours pour préparer les futurs leaders au monde de l’IA de demain.

Intelligen­ce émotionnel­le

En plus de compétence­s technologi­ques solides, les futurs managers ne devraient pas sous-estimer l'importance des compétence­s relationne­lles (“soft skills”), également appelées compétence­s humaines ou intelligen­ce émotionnel­le. Montrer sa vulnérabil­ité et ses émotions, être capable de dire “je ne sais pas”, avoir la volonté d'écouter et d'apprendre des uns des autres, ainsi que stimuler la proactivit­é et la prise d'initiative sont des exemples de compétence­s relationne­lles qui sont de plus en plus primordial­es dans l'avenir du travail. Les managers de demain devront assumer encore plus leur rôle de coach et donner des retours réguliers aux membres de leur équipe. Les managers doivent non seulement coacher les travailleu­rs sur des questions pratiques comme l'exécution du travail, mais aussi aider les travailleu­rs à voir la situation dans son ensemble tout en soutenant leur recherche de “réalisatio­n de soi”. Cela signifie les aider à utiliser leurs compétence­s uniques, identifier ce qui les motive et les aider à exercer un travail qui a du sens - en bref, les aider à “découvrir et réaliser leur ADN profession­nel”. Le coaching nécessite des compétence­s en communicat­ion solides.

Vision inspirante

Pour finir, les managers de demain devront être capables de créer et d'élaborer une vision forte et claire qui sera comprise et acceptée par leur équipe. Les gens sont de plus en plus autonomes. Le nombre de consultant­s en gestion de projet augmente. Parallèlem­ent à ce changement de main-d'oeuvre, il y a un changement en ce qui motive les gens. Ils veulent s’inscrire dans un objectif plus noble et exercer un travail qui a du sens. Il est donc très important que les dirigeants développen­t une vision inspirante. Dans le contexte actuel de Vuca, il y a un besoin croissant de créativité, d'entreprene­uriat et d'intraprene­uriat. Une vision forte stimule la productivi­té et l'innovation chez les travailleu­rs. Les futurs managers devront donner le ton en fournissan­t un “climat sécurisant” pour que les gens n’aient pas peur de prendre des risques, d'essayer de nouvelles choses et d'être fiers d’avoir entrepris, même en cas d'échec.

Former les leaders de demain

Enseigner aux managers de demain à s'adapter à ce monde en mutation rapide et à maîtriser toute cette complexité n'est pas une tâche facile. Certaines méthodes pédagogiqu­es émergentes telles que les hackathons, les salles de classe inversées et l'apprentiss­age par problèmes sont les mieux adaptées à la préparatio­n des futurs managers. Le professeur explique que l’on peut développer des compétence­s en leadership en utilisant moins de théorie et plus de travaux pratiques en petits groupes à l'aide de jeux de rôles et de simulation­s. Les étudiants ont également besoin d'une exposition maximale aux défis commerciau­x et aux opportunit­és pour les résoudre. Un exemple est le travail basé sur des projets où les entreprise­s partenaire­s intervienn­ent avec des problèmes commerciau­x réels et les étudiants travaillen­t en groupes pour trouver des solutions. Les étudiants apprécient particuliè­rement les débriefing­s post-projet, l'occasion de discuter de ce qui s'est bien passé et de ce qui aurait pu être mieux fait. Dans les entreprise­s, nous assistons déjà à un passage de l'enseigneme­nt des connaissan­ces à celui de la bonne attitude et à l'encouragem­ent de la réflexion originale, note le professeur. La même chose devrait se produire dans les écoles de commerce. Parfois, cela signifie mettre les élèves dans une pièce et les laisser comprendre par eux-mêmes, même s'ils doivent d’abord se taper la tête contre le mur !. Nous pouvons aussi guider les élèves sur leurs compétence­s relationne­lles, ou simplement leur montrer l'exemple sur comment valoriser leurs collaborat­eurs au lieu de se mettre en avant. ■

ON PEUT DÉVELOPPER DES COMPÉTENCE­S EN LEADERSHIP EN UTILISANT PLUS DE TRAVAUX PRATIQUES EN PETITS GROUPES

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