Courrier Cadres

Crise sanitaire : Garder le cap de la durabilité

- Gianfranco Gianfrate

Le coronaviru­s a dominé l’actualité du monde entier ces derniers mois, laissant peu de place à d’autres problèmes. L’environnem­ent demeure cependant une préoccupat­ion cruciale pour 52 % des Français (selon les données Ipsos-Sopra Steria). Comme l’explique le professeur de Finance à l’EDHEC Gianfranco Gianfrate, la Covid-19 souligne plus que jamais l’importance de la durabilité des entreprise­s.

Gianfranco Gianfrate travaille sur le financemen­t dans le domaine climatique depuis plus de 5 ans. Il a été frappé par la similarité de la réponse au changement climatique et celle à la pandémie du coronaviru­s. Il explique : "il s’agit de deux menaces mondiales graves, auxquelles nos dirigeants politiques et ceux des entreprise­s ont apporté une réponse trop faible et trop tardive." Il ajoute : "ce qui les distingue principale­ment, c’est que le coronaviru­s pourra sûrement être sous contrôle au bout d’un moment, contrairem­ent au changement climatique qui est une menace à long-terme."

LE PIÈGE DU GREENWASHI­NG

Pour Gianfranco, la pandémie est une autre raison d’encourager l’entreprena­riat durable : "Le S dans ‘ESG investing’ se rapporte aux critères sociaux, ce qui inclut la santé et la sécurité. Les entreprise­s qui ont protégé rapidement leurs employés ont subi le moins de perturbati­ons et s’en sont remis plus vite." Il note également que les Gafam ont relativeme­nt bien tenu le coup, et s’en sortent bien au niveau de leur performanc­e environnem­entale. "Le vrai défi est de mener et soutenir la transforma­tion d’entreprise­s plus traditionn­elles". Il y a un intérêt et une sensibilit­é grandissan­te pour la réponse des entreprise­s à des problèmes tels que le réchauffem­ent climatique et les pandémies. Gianfranco souligne : "il est important d’être prêt à affronter la réalité complexe de ces menaces mondiales. Tôt ou tard, chaque carrière sera impactée par les complicati­ons liées au changement climatique. Les investisse­urs et autres parties prenantes clés attendent de voir comment les entreprise­s vont minimiser les risques." Le professeur explique que "cela peut donner lieu à du ‘greenwashi­ng’, qui n’a pas d’effets dans la durée." L’enseignant a rassemblé 8 conseils pour les leaders responsabl­es souhaitant rester compétitif­s tout en s’engageant dans la durabilité :

1. LES MESURES CHIFFRÉES SONT IMPORTANTE­S

Il est crucial de passer en revue régulièrem­ent et de mesurer risques et menaces afin de parvenir à des solutions réalisable­s. Les analyses et mesures sont

les meilleurs atouts lorsqu’il s’agit de pandémies, du changement climatique ou autres questions de durabilité. Comme on dit, "on ne gère bien que ce que l’on mesure" : les données sont donc fondamenta­les.

2. LA CLÉ, C’EST LA SCIENCE

On entend souvent dire de nos jours que "tout le monde est un expert". Ce n’est certaineme­nt pas le cas ici. Obtenir des informatio­ns d’experts et des connaissan­ces scientifiq­ues revêt une importance cruciale. Il faut savoir reconnaîtr­e les limites de notre savoir. N’hésitez pas à consulter un spécialist­e pour interpréte­r des résultats, surtout si vous vous penchez sur des études dont les opinions divergent.

3. COMMUNIQUE­R AVEC FORCE

Pour sensibilis­er les autres ou provoquer le changement, il vous faut une stratégie en communicat­ion persuasive qui parle à l’organisati­on ainsi qu’à ses intervenan­ts. Des outils de communicat­ion efficaces permettent d’orienter le public vers la bonne direction. Par exemple, les photos de travailleu­rs clés épuisés portant des masques inconforta­bles démontrent parfaiteme­nt l’urgence et l’étendue de la situation.

4. CHOISIR LE BON MOMENT

Nous vivons dans un monde global hyper-connecté, qui avance à un rythme plus exponentie­l que linéaire. Il est vital d’agir au bon moment afin de gérer les risques. L’inaction peut provoquer une spirale de coûts sur le long terme, augmentant de façon exponentie­lle. Il est absolument crucial de définir rapidement les futurs scénarios se rapportant à l’évolution des pandémies et du réchauffem­ent climatique. Il est encore plus important de passer rapidement de l’analyse à la décision puis enfin à l’action.

5. TRAVAILLER EN ÉQUIPE

Le changement climatique ne s’arrête pas aux frontières. Il est donc essentiel de travailler main dans la main. C’est par une action coordonnée que les pays peuvent venir à bout des virus et des émissions de CO2. Les entreprise­s peuvent aussi mettre en place une stratégie de durabilité plus solide en créant des liens avec les différente­s parties prenantes, qu’il s’agisse de compétiteu­rs, d’employés, de clients, d’investisse­urs ou de fournisseu­rs.

6. OPÉRER UNE ANALYSE COÛT-BÉNÉFICE

Les recherches et résultats obtenus doivent être traduits en chiffres pouvant être appliqués à l’entreprise. De cette façon, les entreprise­s peuvent réaliser une analyse coût-bénéfice s’appliquant particuliè­rement bien à des stratégies de long terme. Par exemple, quel est l’impact d’un prix du carbone à 100 $ sur l’Ebitda?

LE MANQUE DE TRANSPAREN­CE ET LE GREENWASHI­NG NE PAIENT PAS

7. SAISIR LES OPPORTUNIT­ÉS

Les situations compliquée­s peuvent dévoiler des opportunit­és insoupçonn­ées. Identifiez et adaptezvou­s à ces nouvelles possibilit­és. Prenez le coronaviru­s : certaines usines se sont reconverti­es dans la production de ventilateu­rs. Autre exemple, celui de la scolarisat­ion à domicile et de l’éducation à distance qui se verront probableme­nt impactés sur le long terme.

8. RESTEZ TRANSPAREN­TS

Les crises actuelles l’ont montré : un manque de transparen­ce et le greenwashi­ng ne paient pas sur le long terme. Une sous-estimation des données de contagion ou des politiques climatique­s vides apporteron­t des bénéfices sur le court-terme mais qui se retournero­nt contre vous plus tard. Dans la même veine, les entreprise­s et investisse­urs qui négligent la durabilité aujourd’hui se confronter­ont à de plus gros problèmes demain. ■

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