Courrier Cadres

Le monde d’après Laurent de la Clergerie (LDLC) : “Le manager doit être accompagna­nt”

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Six mois après la mise en place de la semaine de 4 jours au sein de ses équipes, le PDG de LDLC tire un bilan positif de ce nouveau système. Ce rythme a permis, selon lui, de confirmer que la confiance doit primer au coeur de tous les échanges profession­nels. Bilan. Propos recueillis par Marie Roques. Quel regard portez-vous sur la crise sanitaire ? Comment l’avez-vous traversée ?

La période a été plutôt bénéfique pour LDLC. Avec toutes les évolutions liées au télétravai­l et à une plus grande présence au domicile, les Français se sont clairement rééquipés en matériel informatiq­ue. Résultat, à périmètre constant, nous avons enregistré un chiffre d’affaires en hausse de 25 %. Au sein de la société, il y a eu les salariés qui étaient au front à préparer les colis. Si les débuts, notamment, au premier confinemen­t, ont été un peu difficiles, après tout a véritablem­ent bien tourné. Dans les bureaux, nous sommes passés en full time télétravai­l de manière assez facile, tout simplement car le dispositif existait déjà chez nous. Bien sûr, certains ont apprécié, d’autres n’ont pas du tout aimé mais la société a continué à tourner normalemen­t et ça, nous pouvons nous en féliciter.

Que vous a-t-elle appris en matière de management ? Sur vous-même ? Sur vos équipes ?

Nous étions déjà dans une démarche d’entreprise libérée, pas contrôlant­e, avec une place importante laissée à la confiance et une hiérarchie écrasée au maximum. Cette période de crise m’a montré qu’en faisant confiance aux collaborat­eurs, et s’ils savent très bien ce qu’ils ont à faire, les choses tournent.

Cela fait trois ans maintenant que j’essaye de suivre ce dogme et de convaincre les managers, même si certains ont toujours un doute.

Quand nous sommes passés à la semaine de 4 jours, les managers étaient stressés, certains ont toujours besoin d’être dans le contrôle et finalement de se dire que si les choses se passent bien, c’est grâce à eux. J’ai d’ailleurs observé que ça ne partait pas forcément d’un mauvais sentiment mais le 100 % télétravai­l, associé à la semaine des 4 jours a provoqué chez eux, une profonde remise en question.

Vous êtes donc passés à la semaine de 4 jours il y a 6 mois. Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui ?

Cela m’a appris que les gens ne viennent pas uniquement travailler pour un salaire, ça existe mais ce n’est pas la majorité. Si l’entreprise se porte bien et si les collaborat­eurs s’y sentent bien, ils feront tout pour la faire avancer. Avec le recul, aujourd’hui, même les managers sont satisfaits.

J’ai lancé un sondage interne la semaine dernière pour voir si certains salariés souhaitaie­nt revenir en arrière et bien 97 % sont satisfaits de cette situation. J’ai aussi appris que 7 % disent ne pas encore avoir trouvé leur rythme. Sur le 5e jour, soit ils travaillen­t, soit ils s’ennuient chez eux. Seul 1 % des répondants souhaitent revenir en arrière, et ce sont des managers.

D’où est venue cette idée et aussi la volonté de la mettre en place ?

J’ai eu l’idée d’adopter ce système après la lecture d’un article sur Microsoft. J’ai trouvé cela intéressan­t et en posant le problème dans tous les sens, j’ai réalisé que je n’avais rien à y perdre, hormis de procéder à quelques embauches. Je me suis aussi dit qu’en général les gens ne travaillai­ent pas le vendredi après-midi dans la plupart des entreprise­s, alors passer à 4 jours et 32 heures, ce n’était pas très risqué. D’un autre côté, pour les salariés, ce jour supplément­aire pouvait leur changer la vie. J’ai très vite pu constater que les gens sont plus efficaces et moins fatigués. On le voit au niveau de la logistique, les collaborat­eurs gardent la même cadence sur quatre jours et font même plus de colis. Au final, ça tourne, il n’y a pas de coût supplément­aire, les gens sont plus reposés alors qu’ils font globalemen­t le même travail qu’avant. Certains collaborat­eurs viennent encore 5 jours, moi aussi d’ailleurs mais il m’arrive plus souvent de partir plus tôt car s’il y a moins de monde sur site, j’ai donc moins de travail car une grande partie de mes fonctions sont liées au relationne­l. Ce nouveau rythme a des impacts positifs sur la QVT, sur les collaborat­eurs, les clients et donc le business. On sent aussi que les collaborat­eurs sont fiers d’être dans une entreprise en avance sur ce type de dispositif. Ils se rendent également compte qu’ils sont plus efficaces car en s’absentant un jour, c’est un collègue qui va prendre le relais sur les dossiers, ils s’efforcent donc de tout laisser d’équerre pour que la relève soit assurée de la meilleure des manières.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Cela fait un moment que je m’intéresse au principe de l’entreprise libérée avec une hiérarchie écrasée au maximum, mais je me suis réellement rendu compte que ce n’était pas ça le plus important. Le plus important, encore une fois, réside dans la confiance. Si un collaborat­eur vous demande de changer ses méthodes de travail, même si cela vous paraît incohérent, il faut lui faire confiance, car si ce nouveau système lui convient mieux, il sera plus heureux et plus efficace. Le manager doit devenir davantage accompagna­nt et moins contrôlant. Pour moi, le manager est, quelque part, plus un professeur dont le seul but est de faire grandir son équipe pour progresser chaque jour. Un manager n’a pas toutes les compétence­s. Si c’est ce qu’il croit alors ce n’est pas un bon manager. ■

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