Courrier Cadres

Mutation : De la transforma­tion digitale à la mode éthique

D'ingénieure télécoms, Inès Boumiza est passée au conseil en transforma­tion digitale, avant d'effectuer un virage à 180 degrés, pour suivre sa passion : la couture. Sous un angle éco-responsabl­e, puisqu'elle donne une seconde vie aux vêtements. Auto-entre

- Par Fabien Soyez.

Après avoir décroché son Bac S au lycée français de Tunis, Inès Boumiza prépare les concours des écoles d’ingénieur au sein d'une classe préparatoi­re scientifiq­ue. En 2010, elle intègre Télécom SudParis, avant de suivre un Master en programmat­ion à l’université de Dublin. “Au départ, orientée réseaux télécoms”, elle rejoint un important cabinet de conseil en cybersécur­ité et systèmes d’informatio­n, en tant qu’architecte informatiq­ue. “Mais au gré des opportunit­és et à mesure que mon profil devenait senior, je me suis dirigée vers le conseil en transforma­tion digitale”, raconte-t-elle.

À LA RECHERCHE DE L’IKIGAÏ

Au bout de 5 ans, l’ingénieure est “lassée par le côté grosse boîte”, dans laquelle elle “ne se retrouve plus”. Elle reste dans le domaine du conseil en transforma­tion, mais dans une autre entreprise, plus petite. Elle développe des méthodes agiles chez ses clients du lundi au vendredi matin. “Mais l’après-midi, nous avions tout un temps réservé à autre chose : des débats, des ateliers de design thinking… À la découverte d’autres univers”, raconte-t-elle. C’est lors de

l’un de ces ateliers qu’un déclic se produit. “Pour mes études, je me suis laissée porter : j’étais bonne élève, donc j’ai suivi le parcours classique prépas - école d’ingénieur. J’ai aussi rejoint un cabinet de conseil sans me poser de questions. Même si je savais que je n’étais pas tout à fait à ma place, le confort du CDI était plus fort. Mais un jour, j’ai réalisé que ce que je faisais n’avais pas beaucoup de sens, en plus d’avoir (indirectem­ent) un impact négatif sur l’environnem­ent. J’ai alors décidé de reprendre la main”, relate l'ex-cadre. L’écoute de podcasts sur les nouveaux modes de consommati­on et l’entreprene­uriat achèvent de la sensibilis­er à “l’importance d’être cohérent entre ce que l’on pense et ce que l’on fait”. Pendant son temps libre, depuis longtemps, elle s’adonne à l’une de ses passions : la couture. “Je cherchais un métier plus concret, et en même temps avec un impact environnem­ental positif. J’ai eu l’idée de créer mon activité, un job que je maîtrise à 100 %, autour de l’habillemen­t éco-responsabl­e”. Son concept : récupérer les vêtements “jamais portés” dans les placards de ses clients, et les utiliser pour concevoir de nouveaux vêtements sur-mesure.

En 2019, Inès Boumiza quitte son cabinet de conseil (qui prévoyait alors de lui confier un poste de manager), via une rupture convention­nelle. “Ses dirigeants, eux-mêmes entreprene­urs, m’ont mis en relation avec un comptable qui m’a aidé à trouver un business model”, explique-telle. En parallèle, elle suit un programme de développem­ent personnel au sein de l’organisme de formation Wake Up. Au programme : trouver son “ikigaï”. Un concept philosophi­que japonais, qui peut se traduire par “raison d’être”, et qui consiste à trouver un juste milieu entre ce que l’on “aime faire”, ce “pour quoi l’on est doué”, ce “dont le monde a besoin” et ce “pour quoi l’on est payé”. Cette formation lui permet de “mieux cerner” son projet, et surtout de se mettre en action. “Cela m’a poussée à me rendre à des événements, à la rencontre d’autres entreprene­urs. Je me suis aussi faite accompagne­r par un coach pour travailler mes offres et mon concept”.

Enfin, afin de perfection­ner sa pratique de la couture, elle suit des cours auprès d’une styliste modéliste. À Paris, l’ancienne cadre crée ensuite son entreprise, Panachées, sur ses fonds propres.

“J’ai misé sur une croissance naturelle, liée à l’augmentati­on de l’activité, sans levées de fonds. Aujourd’hui, cela commence a être rentable”,

indique-t-elle. Comme souvent dans l’entreprene­uriat, sa reconversi­on est une prise de risques.

“Je suis passé d’un statut confortabl­e, avec un salaire garanti chaque mois, à quelque chose de plus fluctuant. C'est pourquoi pour se lancer, il faut avoir réalisé tout un travail intérieur, afin de surmonter ses peurs et ses croyances limitantes. Il est aussi important de ne pas rester seul, et de s’entourer d’ondes positives”, conseille-t-elle. Inès Boumiza a bien sûr vécu quelques moments de doute. “Vous n’y échapperez pas. Mais il faut accepter que votre quotidien sera tout sauf routinier, qu’il y aura des hauts et des bas. C’est justement le fait que je ne sais jamais à quoi vont ressembler mes journées, ainsi que cette idée que tout est possible et que je peux prendre mes propres décisions, qui changent tout. En plus de faire quelque chose qui a du sens”, explique-t-elle.

En parallèle de ses créations, elle anime désormais des ateliers de DIY (“do it yourself”), durant lesquels elle “forme” ses clients à la réutilisat­ion des vêtements et à la couture sur-mesure. “Je ne sais pas si j’ai suivi le bon chemin, mais je ne regrette rien : on passe 80 % de son temps au travail, alors autant faire ce que l’on aime. Peutêtre un jour changerais-je encore de voie, mais l’important est de continuer d’avancer. Si vous vous sentez mal là où vous êtes, essayez d’avancer, au lieu de vous plaindre !”, conclut-elle. ■

L’IMPORTANCE D’ÊTRE COHÉRENT ENTRE CE QUE L’ON PENSE ET CE QUE L’ON FAIT

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