L’ESSOR DES AVANTAGES NON MONÉTAIRES
Au-delà des salaires et de leur augmentation, de plus en plus de cadres souhaitent bénéficier d’autres formes de reconnaissance, souvent liées à l’amélioration de la qualité de vie. Une tendance qui s’est renforcée avec la pandémie.
Tous les experts en ressources humaines l’assurent : aujourd’hui, le télétravail n’est plus une option ni une faveur accordée mais un incontournable, un élément fondamental pour attirer et/ou fidéliser les talents. Il fait désormais partie du package global visant à les séduire, les récompenser et les motiver. En effet, les cadres cherchent, en priorité, un meilleur équilibre entre vies professionnelle et personnelle, avec davantage de liberté et de flexibilité, dans l’aménagement des horaires notamment. "C’est la différence avec la période d’avant Covid-19 : il n’y a même plus besoin de demander tout cela, c’est presque devenu de l’acquis, observe Frédéric Guzy, directeur général d’Entreprise & Personnel, réseau associatif réunissant les directions des ressources humaines de grandes sociétés. La crise n’a pas provoqué de révolution dans les rémunérations des cadres. Ce qui change, c’est la capacité des entreprises à considérer la qualité de vie au travail : politique de prévoyance, prise en compte de la parentalité, possibilités de formation, conditions de télétravail plus confortables avec des outils numériques performants."
Le niveau des salaires n’étant pas remis en question, les attentes des cadres se focalisent donc sur ce qui est parfois qualifié de véhicules de rémunérations annexes ou de "rémunérations servicielles", note Delphine Lancel, directrice du groupe RH&M, think tank rassemblant des professionnels des ressources humaines : "Ce terme est utilisé par la Mutuelle Générale pour sa plateforme de services, qui sont gratuits ou dont le coût est partagé. Cela devient une offre construite et intégrée dans la stratégie de ressources humaines et de rémunération. Ce n’est plus seulement un système de conciergerie qui constituerait la cerise sur le gâteau, mais une expérience collaborateur intégrée à une réflexion plus globale sur les ressources humaines. Et l’employeur a intérêt à bien communiquer à ce sujet, à le valoriser aux yeux de ses équipes, pour qu’elles comprennent que c’est un gain financier indirect, au-delà des revenus. Et même une amélioration du pouvoir d’achat dans son ensemble ainsi que de la qualité de vie en général, puisqu’on ne perd plus de temps ni d’argent à mobiliser certains services." C’est ce que l’on appelle également la proposition de valeur pour les employés, ou "employee value proposition" (EVP), souligne Bruno Rocque
mont, directeur conseil Gestion des Talents et Rémunération au sein du cabinet spécialiste des ressources humaines Mercer France : "Il faut que les entreprises soient agiles pour répondre à ces enjeux sans pour autant présenter cela comme un troc : par exemple, davantage de formation ou de sens donné au travail plutôt qu’une augmentation ou un bonus." Elles doivent savoir jouer sur les deux tableaux pour prendre soin de leurs salariés et les accompagner dans un esprit de Care Management qui est devenu encore plus tendance avec la pandémie. C’est alors un levier très efficace pour parvenir à recruter les profils indispensables, ou à les conserver, au moment où la guerre des talents reprend de plus belle.
GAGNER EN AGILITÉ
Néanmoins une structuration s’avère nécessaire. "Il y a une grande diversité des pratiques, souvent sans y associer de politique de ressources humaines clairement définie, constate Marie Bouny, co-directrice de la Practice Stratégie et Performance sociale chez LHH, division du groupe Adecco spécialisée dans l’accompagnement et le conseil en ressources humaines. Cependant, certains accords de télétravail mettent en place un catalogue de services." Comme une prime d’installation ou le financement d’équipement tels qu’un grand écran ou un siège et un bureau ergonomiques chez soi. Ou encore la contribution au paiement de certaines factures (électricité, chauffage, abonnement internet), à la location d’une place dans un espace de co-working ou à d’éventuels frais de déplacement (billets de train voire d’avion pour ceux qui se délocalisent plus loin). Mais aussi des solutions de garde d’enfants et d’aide au quotidien avec l’octroi de chèques emploi service universel (CESU) pour les jeunes parents ou bien l’élaboration d’un plan de préparation à la retraite pour les profils senior.
Les propositions varient selon les situations particulières, ce qui conduit à un renforcement de l’individualisation des politiques de rémunération : "Chaque entreprise cherche la bonne formule, c’est presque du cas par cas dans ce contexte nouveau dont il est trop tôt pour tirer des généralités, résume Delphine Lancel de RH&M. Le champ des possibles est devant nous. Nous pouvons inventer comme jamais en matière de politique de rémunération au sens large. À période exceptionnelle, solutions exceptionnelles!
Cela dit, je suis persuadée que les efforts réalisés pour développer le Care management pendant la crise vont perdurer." Valoriser financièrement la réussite des collaborateurs est une condition sine qua non, mais elle n’est pas suffisante pour la plupart des cadres qui attendent plus des employeurs, ou des recruteurs quand ils décident de jouer la carte de la mobilité dans un marché du travail de nouveau dynamique et favorable. ■