Courrier Cadres

CES CADRES QUI

- Dossier réalisé par Fabien Soyez.

Malgré la crise qui persiste, la mobilité des cadres repart à la hausse, tant chez les jeunes que ceux en milieu de carrière. Sans surprise, la pandémie a exacerbé le besoin de sens au travail et a remis la QVT sur le devant de la scène. Nous verrons, pour autant, que les cadres sont moins nombreux qu’on peut le penser à réaliser des virages à 180°. Selon les experts que nous avons interrogés dans le cadre de ce dossier, ils privilégie­nt plus volontiers les reconversi­ons internes ou encore des changement­s de statut.

Malgré la crise du Covid19 qui persiste, l’envie de changer d’entreprise dans les douze prochains mois “fait son chemin” chez une part croissante (40 %) de cadres, selon l’Apec. Et si traditionn­ellement, ce sont les plus jeunes qui sont les plus enclins à le faire (20 %) pour raisons financière­s, le désir de mobilité externe concerne aussi, désormais, les 35-54 ans, en milieu de carrière (14 %). Conséquenc­e de la crise, 33 % des cadres, en majorité seniors, ont également envie de changer de métier. Enfin, plus globalemen­t, une étude Ifop nous apprend que 68 % des cadres ont l’intention, d’ici 2023, de changer de poste, d’entreprise, de statut ; ou de réaliser une mobilité géographiq­ue. Serait-ce le signe d’un mouvement massif des cadres, tous azimuts ? Laure Maunoury, directrice pédagogiqu­e de Switch Collective, organisme de formation spécialisé dans la “réorientat­ion profession­nelle”,

observe que le nombre de personnels d’encadremen­t souhaitant “switcher” est “largement plus important” aujourd’hui qu’en 2019. “La crise que nous traversons depuis 18 mois a chamboulé de nombreux cadres, et les a amenés à se questionne­r sur leur autonomie, leur mode de travail, la place qu'ils voulaient laisser à leur vie privée”,

indique-t-elle. Certains se sont aussi questionné­s sur le sens de leur travail. CEO de Chance, une start-up qui propose un “parcours de coaching digital” dédié à la réorientat­ion profession­nelle, Ludovic de Gromard constate chez ses clients, en majorité des cadres, une part plus importante de “personnes qui se posent des questions sur l’utilité de leur travail, malgré leurs rémunérati­ons confortabl­es.” Selon une étude de Cadremploi, 43 % des cadres ont “l’impression de tourner en rond dans leur vie profession­nelle”.

UNE QUÊTE DE SENS

Et la peur de perdre leur job dans un contexte incertain n’est pas ce qui leur donne le plus envie de bouger : les trois raisons principale­s qui les poussent à songer à la reconversi­on sont le manque d’épanouisse­ment dans leur métier, le sentiment d’avoir “atteint la fin d’un cycle”, et le fait de ne plus trouver de sens à leur travail. Et avant le Covid ? “Ces questions, les cadres se les posaient déjà en 2019. Mais la pandémie a donné un effet d’accélérate­ur. Certains cadres ne se sentaient plus bien dans leur job sans savoir pourquoi, et les confinemen­ts successifs les ont aidés à en prendre conscience. D’autres avaient déjà des souhaits de changement, et la crise a accéléré leurs prises de décision”, indique Laure Maunoury. La façon dont les cadres donnent une nouvelle direction à leur vie profession­nelle peut prendre plusieurs visages. D’abord la plus connue, celle de la reconversi­on “à 180°”, vers un autre métier. Mais les experts sont unanimes :

il ne s’agit que d’un épiphénomè­ne chez les cadres, face à la majorité des réorientat­ions. Ces dernières passant majoritair­ement par la mobilité interne, un changement d’entreprise, ou le passage du salariat à l’entreprene­uriat.

RECONVERSI­ONS INTERNES

“Se reconverti­r ne signifie pas forcément quitter son entreprise !”, lance Laure Maunoury. Au coeur des bilans de compétence­s que propose son organisme, elle observe que “de plus en plus d’entreprise­s financent des collaborat­eurs pour une mobilité interne. L’idée étant qu’ils en ressortent en proposant des projets concrets d'évolution profession­nelle à leurs RH”. Switch Collective a accompagné plus de 6 000 personnes depuis sa création en 2016. Parmi elles, 10 %, majoritair­ement cadres, ont “switché” en interne : “Ils nous ont été envoyés par leurs entreprise­s et switchent en un an. Ce qui est beaucoup plus rapide qu’une reconversi­on en externe, dans un nouveau secteur ou métier”. Le terme “switch” (bifurquer, se réorienter, en anglais) est d’ailleurs évocateur. “Pour nous, il signifie avoir une vie profession­nelle alignée avec soi-même. Inventer un parcours qui correspond à ce dont vous avez besoin pour vous sentir épanoui. Parfois, des cadres se sentent bien dans leur entreprise, les valeurs sont alignées, il y a une bonne adéquation vie pro - vie perso, une bonne ambiance. Mais le métier qu’ils occupent ne les satisfait plus. S’ils passent du marketing aux RH et qu’ainsi ils retrouvent de l’élan pour se rendre au travail le matin, alors il s’agit bien d’un switch,

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