CES CADRES QUI
Malgré la crise qui persiste, la mobilité des cadres repart à la hausse, tant chez les jeunes que ceux en milieu de carrière. Sans surprise, la pandémie a exacerbé le besoin de sens au travail et a remis la QVT sur le devant de la scène. Nous verrons, pour autant, que les cadres sont moins nombreux qu’on peut le penser à réaliser des virages à 180°. Selon les experts que nous avons interrogés dans le cadre de ce dossier, ils privilégient plus volontiers les reconversions internes ou encore des changements de statut.
Malgré la crise du Covid19 qui persiste, l’envie de changer d’entreprise dans les douze prochains mois “fait son chemin” chez une part croissante (40 %) de cadres, selon l’Apec. Et si traditionnellement, ce sont les plus jeunes qui sont les plus enclins à le faire (20 %) pour raisons financières, le désir de mobilité externe concerne aussi, désormais, les 35-54 ans, en milieu de carrière (14 %). Conséquence de la crise, 33 % des cadres, en majorité seniors, ont également envie de changer de métier. Enfin, plus globalement, une étude Ifop nous apprend que 68 % des cadres ont l’intention, d’ici 2023, de changer de poste, d’entreprise, de statut ; ou de réaliser une mobilité géographique. Serait-ce le signe d’un mouvement massif des cadres, tous azimuts ? Laure Maunoury, directrice pédagogique de Switch Collective, organisme de formation spécialisé dans la “réorientation professionnelle”,
observe que le nombre de personnels d’encadrement souhaitant “switcher” est “largement plus important” aujourd’hui qu’en 2019. “La crise que nous traversons depuis 18 mois a chamboulé de nombreux cadres, et les a amenés à se questionner sur leur autonomie, leur mode de travail, la place qu'ils voulaient laisser à leur vie privée”,
indique-t-elle. Certains se sont aussi questionnés sur le sens de leur travail. CEO de Chance, une start-up qui propose un “parcours de coaching digital” dédié à la réorientation professionnelle, Ludovic de Gromard constate chez ses clients, en majorité des cadres, une part plus importante de “personnes qui se posent des questions sur l’utilité de leur travail, malgré leurs rémunérations confortables.” Selon une étude de Cadremploi, 43 % des cadres ont “l’impression de tourner en rond dans leur vie professionnelle”.
UNE QUÊTE DE SENS
Et la peur de perdre leur job dans un contexte incertain n’est pas ce qui leur donne le plus envie de bouger : les trois raisons principales qui les poussent à songer à la reconversion sont le manque d’épanouissement dans leur métier, le sentiment d’avoir “atteint la fin d’un cycle”, et le fait de ne plus trouver de sens à leur travail. Et avant le Covid ? “Ces questions, les cadres se les posaient déjà en 2019. Mais la pandémie a donné un effet d’accélérateur. Certains cadres ne se sentaient plus bien dans leur job sans savoir pourquoi, et les confinements successifs les ont aidés à en prendre conscience. D’autres avaient déjà des souhaits de changement, et la crise a accéléré leurs prises de décision”, indique Laure Maunoury. La façon dont les cadres donnent une nouvelle direction à leur vie professionnelle peut prendre plusieurs visages. D’abord la plus connue, celle de la reconversion “à 180°”, vers un autre métier. Mais les experts sont unanimes :
il ne s’agit que d’un épiphénomène chez les cadres, face à la majorité des réorientations. Ces dernières passant majoritairement par la mobilité interne, un changement d’entreprise, ou le passage du salariat à l’entrepreneuriat.
RECONVERSIONS INTERNES
“Se reconvertir ne signifie pas forcément quitter son entreprise !”, lance Laure Maunoury. Au coeur des bilans de compétences que propose son organisme, elle observe que “de plus en plus d’entreprises financent des collaborateurs pour une mobilité interne. L’idée étant qu’ils en ressortent en proposant des projets concrets d'évolution professionnelle à leurs RH”. Switch Collective a accompagné plus de 6 000 personnes depuis sa création en 2016. Parmi elles, 10 %, majoritairement cadres, ont “switché” en interne : “Ils nous ont été envoyés par leurs entreprises et switchent en un an. Ce qui est beaucoup plus rapide qu’une reconversion en externe, dans un nouveau secteur ou métier”. Le terme “switch” (bifurquer, se réorienter, en anglais) est d’ailleurs évocateur. “Pour nous, il signifie avoir une vie professionnelle alignée avec soi-même. Inventer un parcours qui correspond à ce dont vous avez besoin pour vous sentir épanoui. Parfois, des cadres se sentent bien dans leur entreprise, les valeurs sont alignées, il y a une bonne adéquation vie pro - vie perso, une bonne ambiance. Mais le métier qu’ils occupent ne les satisfait plus. S’ils passent du marketing aux RH et qu’ainsi ils retrouvent de l’élan pour se rendre au travail le matin, alors il s’agit bien d’un switch,