VERS UNE NOUVELLE DONNE ?
Alors que le rapport de force s'est inversé en faveur des cadres sur un marché de l’emploi très tendu, le contexte semble favorable pour oser bouger. D’autant que l’immobilier atteint un point de bascule et que l’inflation croissante peut inciter à privil
La formule est pertinente : "travailler où l'on veut vivre, plutôt que vivre où l'on doit travailler". C'est ainsi que Cevan Torossian, directeur études et recherche chez Arthur Loyd, réseau national de conseil en immobilier d'entreprise, résume la nouvelle donne de l’emploi des cadres. Lesquels bénéficient d’organisations plus hybrides, voire, dans certains cas, en 100 % distanciel. Il n’y a donc plus seulement trois grandes étapes de la vie qui conduisent généralement à déménager : les études, une éventuelle mutation professionnelle et la retraite. La bougeotte gagne du terrain, assure le cabinet international de recrutement Robert Walters qui avait mené une étude en 2021 montrant que 47 % des cadres interrogés voulaient déménager à la campagne à la suite des confinements successifs. Une nouvelle enquête, menée auprès de 750 cadres en France au cours du premier semestre 2022, met à jour ces aspirations. Logiquement, c’est en Ile-de-France que le désir de changer est le plus fort, soit 48 % des cadres interrogés. Mais le passage du souhait à la réalité concerne une moindre proportion. En effet, un tiers de l’échantillon pris en compte par l’étude a concrétisé son projet : 19 % des mouvements se sont dirigés vers Auvergne-Rhône-Alpes, 15 % vers Provence-Alpes-Côte d’Azur et 10 % vers la Nouvelle-Aquitaine. Les deux-tiers qui n’ont finalement pas déménagé l’expliquent pour diverses raisons : un peu plus d’un quart d’entre eux n’a pas trouvé d’emploi dans la région visée et un quart n’a pas obtenu, de la part de l’employeur, un nombre de jours en télétravail suffisant pour changer de vie tout en restant en poste.
Ces envies de mobilité sont relativisées par Pierre Lamblin, directeur des données et études de l'Apec, à l’aune des principaux critères des cadres dans leur recherche d'emploi : "Ils considèrent en premier lieu le montant de la rémunération : dans un contexte d'hyperinflation, les candidats sont d'autant plus regardants sur ce point, surtout que déménager peut induire de devoir prendre sa voiture tous les jours et donc engendrer un coût élevé en matière de carburant." Selon lui, cette réalité économique va continuer à s'imposer, car il y a en moyenne 15 à 20 % d’écart de salaires entre l’Ile-de-France et les autres régions. Il poursuit : "La deuxième priorité porte sur l'intérêt des missions. Puis vient la localisation des entreprises, en l'occurrence proche ou au sein d'une métropole. Sachant que plus du tiers des cadres travaillent en Ile-de-France et que la moitié des recrutements de cadres se fait dans cette région. C'est un phénomène structurel qui n'est pas près de changer."
Une fois posée cette mise en perspective, il convient de souligner l’intérêt que peut représenter une implantation en région : "Cela peut permettre de trouver un poste plus personnalisé et multitâche, avec davantage de responsabilités et d'autonomie, car les entreprises qui ne sont pas des grands groupes sont prêtes à adapter l'organisation du travail, à composer avec le profil et les envies du candidat ou avec ses compétences transversales, détaille Bruno Rollin, dirigeant de Lucy&Co, cabinet de recrutement spécialisé dans les cadres et basé à Angers. Certes, ce sont des missions plus opérationnelles, moins stratégiques et internationales, mais est-ce que tout le monde y a accès, même en Ile-de-France ? Pas sûr ! En région, on n’a pas nécessairement les mêmes ambitions, mais quand on va au-delà des représentations sociales, on peut très bien réussir sa vie professionnelle sans passer par tel poste de tel grand groupe. Ainsi, aujourd'hui, devenir entrepreneur est plus valorisé qu’avant." Et Paris n’est plus forcément un passage obligé pour mener à bien sa carrière. Alors, attention au départ, préparez vos cartons !