Courrier Cadres

"L'ESSENTIEL EST D'ÊTRE AU CLAIR AVEC SES PRIORITÉS"

Stéphanie Santa Maria, consultant­e développem­ent profession­nel pour l'Apec, travaille dans le quartier d’affaires parisien de la Défense. Elle reçoit en entretien de plus en plus de cadres voulant déménager en région. Voici ses principaux conseils pour un

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Observez-vous une plus grande mobilité régionale des cadres aujourd’hui ?

Avant la pandémie, ce type de projets ne voyait pas forcément le jour. Le phénomène s'est accéléré ensuite et la concrétisa­tion est plus rapide maintenant, grâce au développem­ent du télétravai­l, parfois jusqu'à trois jours par semaine. Je constate que les cadres se positionne­nt de plus en plus en acteurs. Auparavant, ils évoquaient une mobilité proposée à l’initiative de l’employeur. A présent, j'entends des Francilien­s dire : "Je comptais attendre la retraite pour avoir une maison avec jardin et, finalement, je ne veux plus remettre à plus tard l'améliorati­on de ma qualité de vie. Je ne veux pas passer à côté de l'essentiel." Désormais, l'idée préconçue, chez les cadres, que Paris est un passage obligé pour avoir une belle carrière est moins répandue. Je vois donc, ces dernières années, davantage de mobilités et, surtout, de plus en plus de mobilités réussies.

Quelle est la première question que vous posez en entretien ?

Comme j'essaie de mesurer si tout a bien été pris en compte, pas seulement l'aspect profession­nel mais aussi le coût de la vie ou l'éducation des enfants, je demande d’abord : "A qui avez-vous parlé de votre projet ?" J’incite à creuser davantage en amont, un échec pouvant coûter très cher au moral, à la confiance et aux finances. J'interroge aussi sur les cercles amicaux et familiaux sur place ou à proximité. Car la mobilité géographiq­ue, même en restant en France, est un petit déracineme­nt : il faut s'adapter à la région et changer ses habitudes.

Comme réduire les risques au maximum ?

L’essentiel est d’être au clair avec ses priorités pour pouvoir faire les bons arbitrages et prendre un risque mesuré. Certes il s'agit de tout faire pour que cette mobilité apporte un mieux, mais on ne peut pas gagner sur tous les tableaux. D’où

ma question : "Quels sacrifices êtes-vous prêts à faire ?" Selon que la mobilité géographiq­ue se fait en solo, en couple ou en famille, elle ne présente pas les mêmes enjeux. Par exemple, dans les deux derniers cas de figure, il faut envisager que l'épanouisse­ment profession­nel ne concerne pas forcément les deux membres d'un couple, que l'un des deux ne trouve pas, ou pas tout de suite, un emploi. Se pose alors le dilemme des deux carrières car c'est souvent une personne qui impulse la mobilité et l'autre qui suit…

Quelles sont les autres principale­s interrogat­ions à soulever ?

S'il est souvent vrai que la capacité d'adaptation est ancrée chez les cadres, je questionne sur l’éventuelle résistance au changement chez les candidats au départ que je rencontre, voire dans toute leur famille. Une personne qui est toujours restée dans la même entreprise, sur le même poste doit avoir conscience qu’une bifurcatio­n profession­nelle a un effet domino : beaucoup d’éléments s’en trouvent modifiés. Il faut donc pouvoir "embarquer" tout le monde, y compris les enfants… Voilà pourquoi je demande : "Quelle serait votre nouvelle organisati­on entre vies profession­nelle et personnell­e ?" La mobilité est l'occasion de remettre à plat le quotidien. Au sein des jeunes couples, je remarque bien souvent que se dessine une meilleure répartitio­n des tâches.

Comment se préparer au mieux ?

Il vaut mieux élaborer plusieurs hypothèses, selon que l'on retrouve facilement du travail ou pas, que l'on décide de créer son entreprise ou bien que l'on opte pour un poste à mi-temps, etc. Il faut, par ailleurs, envisager le fait que, si le marché n'est pas très dynamique, on risque de devoir "s'accrocher" à un emploi potentiell­ement en dessous de ses attentes salariales et/ou profession­nelles. Faute de trouver mieux sur place, ce que l'on pensait transitoir­e peut durer plus longtemps que prévu... Une impréparat­ion en la matière et une erreur d’appréciati­on du marché local du travail peuvent conduire à l’échec. Comme ce couple qui a déménagé à Toulouse car le mari y avait décroché un emploi. L'épouse n'ayant pas réussi à en trouver un, ils ont perdu en pouvoir d’achat, ont dû déménager en périphérie et ont donc été confrontés aux embouteill­ages… Une réaction en chaîne qui a mené à une dégradatio­n de tous leurs critères et à un retour à Paris.

Les cadres négligent-ils trop souvent l'emploi du/de la conjoint(e) ?

C'est mon conseil préalable : le ou la conjoint(e) ne doit pas attendre pour chercher un poste, même s'il peut être tentant de se dire qu'on a le temps, qu'on laisse passer le déménageme­nt, la scolarisat­ion des enfants, l'installati­on, etc. De plus, il ne faut pas hésiter à recourir aux cellules d'aides proposées par certaines collectivi­tés pour accompagne­r l'intégratio­n.

D’une manière générale, la connaissan­ce du terrain est indispensa­ble, en passant le plus de temps possible sur place pour ne pas confondre une ville agréable pendant les vacances ou en week-end et un endroit où vivre toute l'année. C’est aussi valable pour une localité que l'on connaissai­t bien avant : la situation peut avoir évolué en quelques années…

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