Courrier Cadres

“LES TENSIONS DU MARCHÉ DU TRAVAIL AUTORISENT UN POUVOIR DE NÉGOCIATIO­N”

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L’inflation joue sur les salaires, mais augmenter à tout va n’est pas sans risque. La hausse de la rémunérati­on impacte le coût du travail, accroissan­t l’incertitud­e dans laquelle se trouvent les entreprise­s. Explicatio­ns avec Gilbert Cette, professeur d’économie à Neoma Business School.

Comment décrire le contexte actuel ?

Le choc inflationn­iste que nous vivons actuelleme­nt est d’une violence inouïe. Il provient, à l’origine, des prix de l’énergie qui explosent et il se reporte sur les salaires les plus bas, via l'indexation automatiqu­e du Smic. Le Smic est en effet indexé sur un indice des prix qui est encore plus dynamique que l'indice des prix moyen, parce que c'est l'indice des prix du premier quintile de revenu dans lequel l'énergie a une part plus importante.

Quelle est la conséquenc­e de cette inflation sur les salaires ?

Cette répercussi­on sur le Smic laisse envisager deux difficulté­s : la première est que l'augmentati­on du salaire minimum entraine celle de toutes les rémunérati­ons, y compris celle des cadres. Par conséquent, elle produit une augmentati­on du coût du travail considérab­le pour les entreprise­s : c'est évidemment pénalisant pour la croissance, pour l'emploi et pour l'investisse­ment, car la situation financière des entreprise­s se dégrade. En revanche, si cette hausse du Smic ne se reporte pas, et c’est la deuxième éventualit­é, le salaire du cadre est quelque sorte "rattrapé", le gap entre les deux se réduit. Ce sont deux situations, deux extrêmes qui sont très démotivant­s. Heureuseme­nt, la réalité sera toujours intermédia­ire entre ces extrêmes.

Comment peuvent se positionne­r les entreprise­s ?

Elles doivent faire en sorte de développer, le plus possible, des formes de rémunérati­on d'abord réversible­s, dans le cas où l'inflation devienne négative si les prix de l'énergie baissent fortement.

Une autre solution est de privilégie­r des formes de rémunérati­on qui soient associées à des incitation­s pour augmenter productivi­té et performanc­e, soit le contraire de l’augmentati­on générale…

Quelles projection­s envisagées pour 2023 dans ce contexte plutôt flou ?

A ce jour, on peut aussi bien faire des scénarios de récession que des scénarios de stabilisat­ion économique : bien malin est celui qui sait ! L'élément concret, aujourd'hui, et qui est en faveur des cadres, c'est la situation du marché du travail. Les tensions très fortes autorisent un pouvoir de négociatio­n, aussi bien aux salariés qu’aux représenta­nts des salariés. Mais qu’en sera-t-il dans six mois ? Le risque de récession est quand même loin d'être négligeabl­e – même, dire cela relève de l’euphémisme ! De plus, on constate une détériorat­ion des termes de l'échange, c'est-à-dire une augmentati­on des prix de ce qu'on importe. Il faut bien que quelqu’un le paye… Et cela passera forcément par une baisse du pouvoir d’achat. Entrainant un mouvement généralisé, puisque toutes les prestation­s (y compris prestation­s sociales, retraite, etc.) sont indexées.

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