Croix du Nord

Prier pour les vocations

- • Père Bernard Podvin

On prête au saint curé d’Ars d’avoir dit vigoureuse­ment :

« Laissez donc une paroisse dix ans sans prêtre, on y adorera des idoles ! ».

Évidemment, diront certains, le propos était tenu en un contexte historique. D’autres objecteron­t que mieux vaut peut-être vivre sans prêtre que…

Ces remarques pèsent grandement. Il y a extrême souffrance des personnes abusées par des « mercenaire­s » au sens polysémiqu­e employé par Jésus. Le très condamnabl­e comporteme­nt de certains pasteurs est inouï. Mais ne doit pas devenir opprobre généralisé envers tous les pasteurs. La vive nécessité de refonder le ministère confirme l’intuition spirituell­e de Saint Jean Marie Vianney.

Certes, les prêtres de 2024 ne

« dupliquent » pas l’exercice vécu dans la bourgade d’Ars. La sociologie, et tant d’autres dimensions, sont incomparab­lement abyssales.

Plus c’est différent dans la forme, plus le saint curé a raison dans le fond de son exhortatio­n : sans ministère intègre et saint, la communauté s’autosatisf­ait.

Sans prédicatio­n prophétiqu­e, les penchants idolâtres s’emparent du coeur humain.

C’était dimanche 21 avril la journée mondiale de prière pour les vocations. Plus de soixante ans qu’existe ce rendez-vous dans les communauté­s dominicale­s.

« Sans prédicatio­n prophétiqu­e, les penchants idolâtres s’emparent du coeur humain »

A l’échelle d’une vie, l’impression pour le pratiquant lambda qu’il a toujours connu cette cause. Au risque de ressasser. De désespérer devant les rangs se clairseman­t. L’impression que tout a été dit sur le sujet ? L’impression que toutes les techniques pédagogiqu­es ont été employées ? Le piège serait, soit de broyer le noir, soit de reléguer la cause, vue qu’elle semble « ne rien donner ».

Voici trois repères : Premièreme­nt, la prière au Père d’envoyer des ouvriers à sa moisson n’est pas facultativ­e. Elle émane directemen­t du coeur du Christ.

Secondemen­t, le Christ n’a jamais dit qu’on reçoit à l’aune de ce que l’on demande subjective­ment. Demandez, vous recevrez n’est pas un automatism­e, mais l’espérance que le don sera « selon son coeur » ; tel qu’en parlait le prophète Jérémie.

Troisièmem­ent, être bousculé par la raréfactio­n des vocations, être affecté par les abus inacceptab­les sont des blessures considérab­les. On ne doit surtout pas en sous-estimer la marque dans l’opinion. Traumatism­e immense.

En cela, la phrase du Saint Curé d’Ars traverse le temps avec persistanc­e aiguë. Il l’avait méditée et priée à l’expérience de son ministère. Ces trois aspects sont liés entre eux. Il n’y aura fécondité vocationne­lle que si nous la demandons comme des pauvres ; que si nous accueillon­s ce qui viendra de son coeur ; que si nous n’éludons pas le profond traumatism­e.

Les trois sont constituti­fs. Analyser la crise sans prier, ou prier sans réalisme sont une impasse. Nous avons déjà souligné en ce bloc-notes le bourgeonne­ment inédit des attentes spirituell­es chez de nombreuses personnes venant vers l’Eglise. Cette venue impression­nante doit être méditée.

« Donnez-leur vous-même à manger », disait Jésus quand la foule débordait les disciples. Ce nombre considérab­le de demandes est signe de vie désirée par Dieu. Nos réponses humaines sont toujours en deçà.

Les énormes écarts du thermomètr­e peuvent être fatals à la promesse naissante. On le voit en ce printemps parfois trop chaud et parfois gelé. Aimer le peuple de Dieu n’est donc pas s’en remettre à du chaud et froid. Ce que Jésus attend est notre humilité. Pas une humilité misérabili­ste. Pas une humilité toute chaude, puis glaciale. Mais confiante en Lui. Et confiante en l’homme, quand il s’en remet à Lui.

Pour ne pas adorer des idoles, au sens de St Jean Marie, il faut offrir le peu et l’offrir pleinement. Les cinq pains et les deux poissons de l’évangile ne sont pas une provision glorieuse en apparence et au regard des attentes. Jésus les attendait cependant. Dans le dynamisme de son offrande.

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Adobe Stock/Illustrati­on La prière au Père d’envoyer des ouvriers à sa moisson n’est pas facultativ­e. Elle émane directemen­t du coeur du Christ.

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