Prier pour les vocations
On prête au saint curé d’Ars d’avoir dit vigoureusement :
« Laissez donc une paroisse dix ans sans prêtre, on y adorera des idoles ! ».
Évidemment, diront certains, le propos était tenu en un contexte historique. D’autres objecteront que mieux vaut peut-être vivre sans prêtre que…
Ces remarques pèsent grandement. Il y a extrême souffrance des personnes abusées par des « mercenaires » au sens polysémique employé par Jésus. Le très condamnable comportement de certains pasteurs est inouï. Mais ne doit pas devenir opprobre généralisé envers tous les pasteurs. La vive nécessité de refonder le ministère confirme l’intuition spirituelle de Saint Jean Marie Vianney.
Certes, les prêtres de 2024 ne
« dupliquent » pas l’exercice vécu dans la bourgade d’Ars. La sociologie, et tant d’autres dimensions, sont incomparablement abyssales.
Plus c’est différent dans la forme, plus le saint curé a raison dans le fond de son exhortation : sans ministère intègre et saint, la communauté s’autosatisfait.
Sans prédication prophétique, les penchants idolâtres s’emparent du coeur humain.
C’était dimanche 21 avril la journée mondiale de prière pour les vocations. Plus de soixante ans qu’existe ce rendez-vous dans les communautés dominicales.
« Sans prédication prophétique, les penchants idolâtres s’emparent du coeur humain »
A l’échelle d’une vie, l’impression pour le pratiquant lambda qu’il a toujours connu cette cause. Au risque de ressasser. De désespérer devant les rangs se clairsemant. L’impression que tout a été dit sur le sujet ? L’impression que toutes les techniques pédagogiques ont été employées ? Le piège serait, soit de broyer le noir, soit de reléguer la cause, vue qu’elle semble « ne rien donner ».
Voici trois repères : Premièrement, la prière au Père d’envoyer des ouvriers à sa moisson n’est pas facultative. Elle émane directement du coeur du Christ.
Secondement, le Christ n’a jamais dit qu’on reçoit à l’aune de ce que l’on demande subjectivement. Demandez, vous recevrez n’est pas un automatisme, mais l’espérance que le don sera « selon son coeur » ; tel qu’en parlait le prophète Jérémie.
Troisièmement, être bousculé par la raréfaction des vocations, être affecté par les abus inacceptables sont des blessures considérables. On ne doit surtout pas en sous-estimer la marque dans l’opinion. Traumatisme immense.
En cela, la phrase du Saint Curé d’Ars traverse le temps avec persistance aiguë. Il l’avait méditée et priée à l’expérience de son ministère. Ces trois aspects sont liés entre eux. Il n’y aura fécondité vocationnelle que si nous la demandons comme des pauvres ; que si nous accueillons ce qui viendra de son coeur ; que si nous n’éludons pas le profond traumatisme.
Les trois sont constitutifs. Analyser la crise sans prier, ou prier sans réalisme sont une impasse. Nous avons déjà souligné en ce bloc-notes le bourgeonnement inédit des attentes spirituelles chez de nombreuses personnes venant vers l’Eglise. Cette venue impressionnante doit être méditée.
« Donnez-leur vous-même à manger », disait Jésus quand la foule débordait les disciples. Ce nombre considérable de demandes est signe de vie désirée par Dieu. Nos réponses humaines sont toujours en deçà.
Les énormes écarts du thermomètre peuvent être fatals à la promesse naissante. On le voit en ce printemps parfois trop chaud et parfois gelé. Aimer le peuple de Dieu n’est donc pas s’en remettre à du chaud et froid. Ce que Jésus attend est notre humilité. Pas une humilité misérabiliste. Pas une humilité toute chaude, puis glaciale. Mais confiante en Lui. Et confiante en l’homme, quand il s’en remet à Lui.
Pour ne pas adorer des idoles, au sens de St Jean Marie, il faut offrir le peu et l’offrir pleinement. Les cinq pains et les deux poissons de l’évangile ne sont pas une provision glorieuse en apparence et au regard des attentes. Jésus les attendait cependant. Dans le dynamisme de son offrande.