L’Art et la Science enfin mariés au Forum des Sciences par Léonard de Vinci
Il existe, rien qu’à Rome, trois musées fabuleux sur cet artistesavant, génie universel (on disait jadis « polymathe »): le « Museo Leonardo Da Vinci » jouxtant l’église Santa Maria del Popolo, la « Mostra di Leonardo » sur la Piazza della Cancelleria (près du Campo de’Fiori), et la « Leonardo Da Vinci Experience » Via della Conciliazione (en direction de la place St Pierre). Deux immenses autres musées à Milan… Enfin, bien sûr, un musée dans son hameau natal (1452) de Anchiano, près de Vinci (à l’ouest de Florence), et un (le Clos Lucé) proche de sa sépulture (1519) au château d’Amboise. C’est de ce dernier site culturel que vient l’exposition passionnante que nous présente le « Forum des sciences » de Villeneuve-d’Ascq jusqu’au 25 août prochain.
A la recherche des secrets de Léonard
Deux longues salles parallèles tendues de noir. La première offre aux yeux des familles qui se pressent là - nombreuses durant ces vacances de printemps - les 19 peintures les plus connues du Maître toscan de la Renaissance. Bien entendu, la Joconde ! Je précise que sont ici accrochées, sous les spots, des reproductions d’excellente qualité, aux dimensions d’origine.
Elle nous suit chacun de ses yeux un peu plissés et de son léger sourire, la fameuse Monna Lisa, épouse de sieur del Giocondo.
Les médiateurs-trices, affables et connaisseurs, nous expliquent les procédés du « sfumato », du « non finito », du « chiaroscuro », la datation tardive (1514 ?) de ce tableau - le plus connu du monde et le plus visité au Louvre - qui ne quitta jamais le peintre jusqu’à sa mort.
Mais, étrangement, le portrait de femme qui semble le plus fasciner les visiteurs est la « Belle ferronnière », cette fort jolie Italienne (sans doute Lucrezia Crivelli, maîtresse de Ludovic Sforza à partir de 1495 ?) qui nous défie avec un petit air penché, farouche, interrogatif…, et cela depuis le séjour de Léonard à la cour du duc de Milan ! On nous explique que c’était ce tableau qui y avait la faveur du public jusqu’en 1911, année où fut volée, puis retrouvée, la Joconde… Les massifs médias et l’esprit grégaire ont fait le reste !
La « Cène », large peinture murale à la détrempe (4,60 × 8,80m), fut réalisée vers 1498 pour le réfectoire des dominicains du couvent de Santa Maria delle Grazie à Milan. L’impact de cette oeuvre, de sa composition en lignes de fuite sophistiquées, du substrat émotionnel de cette représentation vivante du Jeudi Saint, de la figure des 12 apôtres, si expressive… fut considérable sur tous les contemporains de Léonard, et jusqu’à nos jours (Une « colle » : cherchez où est Judas !)
Le roi de France en fut si touché qu’il voulut la faire ôter du mur et la faire transporter dans son Val de Loire. Grâce à Dieu, tous l’en dissuadèrent !
Un devancier de l’ingénierie moderne
L’autre salle donne un aperçu des calculs mathématiques, géométriques (l’Homme de Vitruve)… des innombrables inventions techniques de cet esprit jamais inoccupé - projets irréalisés et irréalisables à son époque, mais qui tous aboutirent dans les siècles suivants. Le parachute, le deltaplane, le char d’assaut, l’arbre à cames, le vilebrequin, le pont autoportant et tournant, les écluses pour moulins-pompes à drainer les marais, les forteresses à bastions enterrés (comme les bâtira Vauban), les « villes idéales » à plusieurs niveaux d’élévation dont un pour l’adduction d’eau, l’assainissement et les approvisionnements (comme l’imaginera C.-N. Ledoux sous la Révolution…)
Le roi François Ier, grand admirateur et ami de Léonard, lui avait demandé de transformer le bourg de Romorantin (actuel Loir-et-Cher) en nouvelle capitale du Royaume de France ! Léonard en dessina sans sourciller les plans détaillés.
Des vidéos montrent en 3D et en couleurs ce qu’aurait été ce « Paris solognot » : ses « citéslotissements » alignées, uniformes, confortables, ses rues orthogonales, ses casernes, son immense château royal… Après tout, le cardinal de Richelieu le réalisa en sa ville éponyme (Indre-et-Loire) au XVIIe siècle, ou les Brésiliens à Brasilia en…1960 ! En pratique, les spécialistes pensent qu’à la place, le roi fit construire Chambord, le génie du Génie (militaire, urbain etc.) étant mort dans ses bras.
En effet, ce château ressemble (en minuscule !?) au projet gigantesque de Léonard ; d’ailleurs l’escalier à double volée du donjon central de Chambord semble directement inspiré des schémas des Carnets de Léonard. Les fameux « codice » écrits à la main gauche et à l’envers, lisibles à l’aide d’un miroir. Mais, hic ! ils sont écrits en « vieux toscan », la langue de Dante. Un curieux personnage que ce Léonard de Vinci, empiriste et métaphysicien : 6000 pages de croquis, de notices, de descriptions… Certains disent qu’il ne pouvait plus se servir de sa main droite (Dupuytren ?), d’autres qu’il craignait l’espionnage industriel… Les guerres étaient féroces entre bons catholiques à la fin du XVe siècle !
Léonard était également devenu un anatomiste hors pair après avoir aidé à « décortiquer », avec des médecins de profession, une trentaine de cadavres ! La visite se termine donc, derrière une bâche noire, par une salle de dissection : une bande-son donne des explications… d’une voix d’outretombe !
■ Plus d’infos sur le site : forumdepartementaldessciences.fr