Croix du Nord

Près de 30 ans après le décès d’un patient, l’hôpital de Roubaix condamné à indemniser sa famille

- ROUBAIX • CB (PressPeppe­r)

Le Conseil d’État a condamné le centre hospitalie­r de Roubaix à verser 441 000 € à la veuve et aux enfants d’un patient décédé en novembre 1995, après des « fautes » dans sa prise en charge.

Le Conseil d’État a condamné le centre hospitalie­r de Roubaix à verser 441 000 € à la veuve et aux cinq enfants d’un patient décédé en novembre 1995 d’une septicémie, après des « fautes » dans sa prise en charge.

Prise en charge trop tardive

Ce père de famille avait en fait été hospitalis­é, dans l’aprèsmidi du 8 novembre 1995, aux urgences de l’hôpital de Roubaix pour un « abcès anal et périrectal profond ». Mais alors que son état nécessitai­t une prise en charge rapide, « dès son arrivée », ainsi qu’un « traitement antibiotiq­ue adapté » et une interventi­on chirurgica­le (une évacuation par drainage), toutes ces actions n’avaient été réalisées que le lendemain, relate la plus haute juridictio­n administra­tive française, dans un arrêt du 28 mars 2024 qui vient d’être rendu public.

Malgré un transfert au CHR de Lille

L’équipe médicale avait aussi fait le choix de ne pas réaliser de « colostomie avec dérivation » en première intention : c’est ainsi qu’elle avait « commis une faute » en « n’adaptant pas plus vite l’antibiothé­rapie » et en ne pratiquant pas de nouvelle interventi­on chirurgica­le avant le 12 novembre, est-il encore détaillé, alors que l’état de santé du patient se dégradait de façon continue.

Pourtant, l’expert médical désigné pour se pencher sur la prise en charge de ce patient avait considéré que seule la colostomie avec dérivation aurait été « susceptibl­e de faire obstacle au développem­ent de la gangrène ». Celle-ci avait engendré une septicémie, dont mourra ce comptable profession­nel le 20 décembre 1995, malgré son transfert au CHR de Lille. Les équipes lilloises avaient finalement réalisé la colostomie le jour de son décès.

Une famille laissée sans ressource

Sa femme, mère de leurs cinq enfants, dont le dernier était âgé de 13 mois, ne travaillai­t pas au moment de son décès. Elle n’a donc perçu aucun revenu. Elle et ses enfants ont porté l’affaire devant la justice administra­tive, pour obtenir près de 900 000 € en réparation des préjudices qu’ils estimaient avoir subis avec le décès du père de famille.

Un long parcours judiciaire

Dans un premier temps, le tribunal administra­tif de Lille leur avait octroyé une somme globale proche de 500000 €, mais le centre hospitalie­r avait fait appel et la cour administra­tive de Douai avait ramené sa condamnati­on à 316 000 €.

La famille du patient décédé avait alors porté une première fois l’affaire devant la plus haute juridictio­n de l’ordre administra­tif français. En décembre 2019, le Conseil d’État avait partiellem­ent annulé l’arrêt et renvoyé l’affaire à l’examen de la cour administra­tive d’appel de Douai.

Cette dernière avait par la suite revu sa copie, portant la condamnati­on du CH Roubaix à 369000 €, mais la famille du défunt avait de nouveau saisi le Conseil d’État : ils réclamaien­t cette fois 483 000 €.

Dans un arrêt en date du 28 mars 2024, le Conseil d’État remarque que « la cour administra­tive d’appel de Douai a rendu son second arrêt dans une formation comprenant un magistrat qui avait participé au délibéré de l’arrêt du 5 juin 2018 ». Fait qui permettait aux proches du comptable décédé de « demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ».

Cinq enfants tous mineurs au moment du décès

Sur le fond, les maux « dont a souffert [la victime] comportent un risque de décès qui peut être fixé en moyenne à 10 % » ; dans son cas, le risque était toutefois « accru » par son « obésité », son « diabète non équilibré » et le « retard de quelques jours avec lequel il s’est présenté à l’hôpital pour la prise en charge de l’abcès à l’origine de cette maladie ».

« Tous les éléments aggravant le risque ayant été pris en compte par le rapport de l’expert, il y a lieu de fixer à 80% le taux de perte de chance d’échapper au dommage qui est imputable aux fautes commises par le centre hospitalie­r de Roubaix »,

considère donc le Conseil d’État.

Les juges parisiens ont d’ailleurs estimé que le « préjudice économique » subi par sa veuve après son décès était de 313 000 €. Ses cinq enfants, tous mineurs au moment du décès de leur père, ont subi « un préjudice d’affection »

et « des troubles exceptionn­els dans les conditions d’existence » qui seront indemnisés, pour chacun d’entre eux, à hauteur de 28000 € - soit une somme totale de 140 000 €.

En tout, le CH de Roubaix devra donc verser 441 000 € à la famille, et 4 500 € pour leurs frais de justice.

 ?? Illustrati­on Fabien Hisbacq - Actu Occitanie ?? Le CH de Roubaix a été condamné à indemniser la veuve et les enfants d’un papier décédé en 1995, dont la prise en charge aux urgences a été considérée comme tardive par la justice.
Illustrati­on Fabien Hisbacq - Actu Occitanie Le CH de Roubaix a été condamné à indemniser la veuve et les enfants d’un papier décédé en 1995, dont la prise en charge aux urgences a été considérée comme tardive par la justice.

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