Cuisine et Vins de France - Hors-Série
L’excellence du Douro : Quinta da Côrte
Au coeur de la vallée du Douro, dans le triangle d’or du Cima Corgo, au milieu des vignes centenaires, visite guidée dans un domaine réenchanté avec brio.
L’
homme d’affaires Philippe Austruy a plusieurs cordes à son arc. Grand collectionneur et passionné de vins, il a ajouté à ses propriétés vinicoles le domaine Quinta da Côrte, situé dans la vallée du Douro au Portugal. Pour repenser totalement la maison principale et étoffer l’outil de production d’un nouveau chai, il a fait appel aux talents de l’architecte Pierre Yovanovitch. En 2013, lorsque Philippe Austruy prend possession de cette
quinta (domaine viticole ou vinicole) parmi les plus réputées au monde, il apprécie d’abord le formidable potentiel de son terroir et sans doute tombe sous le charme de cette propriété, dont les vignobles en espaliers descendent jusqu’à la rivière et cernent l’habitation principale tel un collier de perles la sublimant. Plus belle, mais un peu endormie... Il décide alors de construire un nouveau chai, un espace de dégustation et de réhabiliter l’ancienne maison.
Une pépite au milieu d’un exceptionnel terroir
La vallée du Douro au Portugal est connue pour les grands portos qu’elle produit, moins pour les vins non mutés qui s’y sont développés il y a une vingtaine d’années. C’est décidé, dans l’ancien chai seront les portos et dans le nouveau les autres vins désormais élaborés sur le domaine. La maison
défraîchie redeviendra pimpante pour accueillir ses hôtes. Le cahier des charges est simple pour Pierre Yovanovitch : mettre en valeur l’authenticité de La Casa. Le chai, lui, doit conserver son côté gravitaire, fort utile. Pour le reste, Philippe Austruy lui fait con ance. Les deux hommes se connaissent déjà, et l’homme d’affaires et grand collectionneur apprécie la force et la sobriété des réalisations de l’architecte, sa volonté de tendre vers une apparente simplicité, de mettre en avant des matériaux qui lui sont chers comme le bois, la pierre, le marbre, d’utiliser des jeux de lumières… mais surtout sa vision des lignes, volumes et perspectives, qui donnent à chacun de ses projets une rare élégance. Pour venir, il faut emprunter un chemin sinueux qui serpente dans les vignobles et les oliveraies. Et tout à coup apparaît la Quinta da Côrte, blottie dans les vignes mosaïques, dont de nombreuses parcelles sont encore non mécanisables. Comme depuis toujours, chevaux et hommes y travaillent de concert. Les chemins d’accès et les murets on été entièrement rebâtis en pierre sèche. Le regard s’accroche d’abord aux oliviers de la propriété pour aller se perdre dans la rivière au fond de cette vallée enchanteresse. Tout a changé, rien n’a changé. Du nouveau bâtiment à la maison d’habitation La Casa, Pierre Yovanovitch a fait en sorte que tout s’intègre sans heurts comme si le domaine avait toujours été là. Plus de trois ans de travaux ont été nécessaires. Pierre a chiné alentour masques de carnaval, appliques en céramiques, assiettes anciennes, tables de nuit, lavabos… Il a choisi de peindre certains des murs en ocre rouge, d’habiller les autres avec des azulejos portugais. Sur la grande table en chêne massif qui réunit les hôtes dans
la salle à manger, une artiste a dessiné le Douro et ses entrelacs sur le plateau composé de carreaux de faïences. La suspension lumineuse en verre souf é suggère l’idée d’une grappe de raisin. Chacune des dix chambres est différente, mais toutes sont douillettes et accueillantes comme une maison de famille idéale. Le chai, lui, est beaucoup plus radical Pierre Yovanovitch a imaginé une architecture épurée et contemporaine. Mystérieux, religieux, dépouillé, l’espace est cadencé par de hautes colonnes revêtues de chaux qui s’arrondissent doucement en ogive vers le plafond, lorsque le schiste, taillé en immense plaque, gaine sol et murs. L’idée d’une cathédrale qui invite à la solennité et au recueillement vient à l’esprit. Au milieu, pareil à une colonne vertébrale, se trouve un grand escalier carrelé de faïences artisanales. Ici, tous les outils nécessaires à la fabrication de grands vins sont en place, mais si facilement intégrés, que malgré la stature des cuves, des pressoirs, la technique se fait oublier pour ne laisser apparaître que la nature divine des vins. Lorsque le visiteur déguste en n, tout en haut du chai, les derniers millésimes, solaires et concentrés, en contemplant par les larges ouvertures la vue spectaculaire sur le vignoble et la vallée, il se dit que forcement, il est lui aussi béni des dieux.