Des musiciens au diapason des publics
Qu'ils soient anonymes au fond de la fosse d'orchestre ou solistes virtuoses, les musiciens classiques doivent faire l’épreuve de la scène, affronter un public exigeant, gérer le trac, suivre une solide préparation physique aussi. Les écoles de musique et
un tissu social.
Marie Linden est responsable du service Apprentissage de la scène au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, un service entièrement dédié à la rencontre des jeunes musiciens et danseurs en formation avec le public. Ce service est chargé d'organiser les passages sur scène qui jalonnent la scolarité des 1 200 élèves et font partie de leur cursus. Concerts symphoniques, concerts de musique de chambre ou de jazz, préludes aux concerts de l'orchestre de Paris à la Philharmonie, concerts en bibliothèque ou au musée, concertslectures, concerts de classe, ballets… les formes proposées sont nombreuses et variées.
Des concerts pédagogiques
La programmation des concerts des élèves en dehors des salles du Conservatoire s'appuie sur un maillage partenarial solide. Des structures aussi diverses que la Philharmonie de Paris, l'opéra national de Paris, le Théâtre du Châtelet, le musée de l'armée, des festivals en région, font partie des partenaires réguliers. Les orchestres et ensembles, comme l'orchestre de Paris, l'orchestre philharmonique de Radio France ou l'ensemble intercontemporain, contribuent également à la formation des jeunes musiciens. Les partenaires permettent d'organiser chaque année 150 concerts, parmi les 300 proposés par le Conservatoire. Le service Apprentissage de la scène assure le lien administratif, budgétaire, contractuel, mais aussi logistique et artistique. Il est le rouage entre les demandes de ces différents organisateurs et ce que souhaitent les responsables pédagogiques pour leurs élèves. « Nous avons une relation de confiance avec tous nos partenaires. Ils savent que nous sommes une école, pas une structure de production », souligne Marie Linden, « d'ailleurs, le service s'appelle Apprentissage de la scène et non Production. Même si les élèves ont un très haut niveau d'excellence et sont, pour certains, des quasi-professionnels, tous les concerts auxquels ils participent restent des concerts donnés dans un cadre d'enseignement. Ces partenariats constituent une opportunité extraordinaire pour offrir des expériences différentes aux élèves. »
Dans des lieux inhabituels
La diversité des expériences, la rencontre de publics différents, le « dépaysement » du musicien hors de l'orchestre ou de la salle de concert, constituent l'un des piliers de la politique pédagogique du Conservatoire de Paris souhaitée par son directeur Bruno Mantovani. C'est d'ailleurs dans cet objectif qu'est programmé, chaque année, à la Bpi, un concert de jeunes interprètes issus de ses rangs. Le Conservatoire encourage tout ce qui permet de s'ouvrir à des publics qui ne sont pas les habitués des salles de concerts. « Des concerts peuvent être donnés dans des lieux qui ne sont pas conçus pour, dans les musées, au sein des collections. On l'a fait par exemple au musée du Louvre, on le fait au musée d'orsay, ou au Centre Pompidou dans le cadre de Museum Live. C'est très formateur pour les élèves car cela demande de la concentration lorsque des gens rentrent, sortent… Il y a la proximité physique entre
l'interprète et l'auditeur. Les rencontres à l'occasion de ces concerts sont souvent de très belles surprises. Depuis cette année, nous avons un partenariat avec l'hôpital Trousseau, et nous poursuivons notre travail avec le Centre de réadaptation de Bobigny. Deux groupes de musique de chambre ont travaillé avec ATD Quart Monde. Ce sont des petits concerts et, à chaque fois, les rencontres sont extrêmement fortes. »
Pour un maximum d’ouverture
Si un concert dans un musée ne donne pas lieu à un accompagnement spécifique, en revanche les élèves volontaires pour intervenir à l'hôpital ou en maison de retraite bénéficient d'un cours de « médiation ». Celui-ci doit leur permettre de mieux appréhender les situations difficiles qu'ils pourraient rencontrer. « Mais la meilleure des formations », rappelle Marie Linden, « c'est d'être confronté directement à ces publics. D'ailleurs, les publics “difficiles” ne sont pas ceux qu'on croit en réalité… Nous pensons vraiment que le musicien d'aujourd'hui n'est plus seulement un musicien qui sait parfaitement jouer de son instrument. On essaie d'apporter un maximum d'ouverture à nos élèves pour qu'ils aient une vie de musicien très riche et variée. » C'est également l'une des clefs d'une insertion professionnelle réussie, qu'elle se traduise par l'obtention d'un poste de musicien permanent dans un orchestre ou d'une activité en tant qu'intermittent. « Pratiquer la scène, rencontrer les publics, gérer le trac, monter des pièces du répertoire ou aborder la création, c'est le coeur du métier », rappelle Marie Linden, « ne pas proposer la scène à nos élèves serait comme former des médecins qui, dans le cadre de leurs études, ne mettraient jamais les pieds à l'hôpital ».