Balises

• L’humour, nouveau passage obligé du militantis­me ?

- Bernadette Vincent, Bpi

Pour sensibilis­er les jeunes aux enjeux de la COP21, Nicolas Hulot a récemment mis en ligne une vidéo pleine d'humour et d'autodérisi­on qui s'inspire des plus célèbres youtubeurs français, Break the Internet. L'utilisatio­n du second degré pour parler d'un sujet si sérieux a de quoi surprendre, mais la stratégie de communicat­ion a payé car en quelques jours, la vidéo a été vue plus d'un million de fois.

Signer, sans s'engager

Face à la multiplici­té et à la proliférat­ion de causes à défendre sur les réseaux sociaux, un message accrocheur et décalé aura plus de chances de se faire entendre. Mais il se peut également qu'une idée véhiculée par un contenu fun ne suscite qu'une adhésion de surface sans déboucher sur des actions. C'est le danger du slacktivis­me, néologisme formé dans les années 2000 par la contractio­n d'activisme et de slacker (fainéant, en anglais) pour désigner le fait de signer des pétitions sur Internet sans pour autant s'engager réellement.

Militer à outrance

Autres formes d'expression politique par l'humour : les Manifs de droite et happenings contre le logement cher, organisés dans les années 2000 par les collectifs Sauvons les riches ou Jeudi noir. Ici, c'est la frontière entre spectacle et action politique qui est brouillée, avec une mise à distance des slogans par l'outrance. L'humour fait donc partie des codes de l'action militante d'aujourd'hui, mais est-ce vraiment nouveau ? Les slogans de Mai 68 se distinguai­ent déjà par leur fantaisie, et en 1993 les militants d'act Up ont installé un préservati­f géant sur l'obélisque de la place de la Concorde, bien avant l'existence des réseaux sociaux.

Maîtriser les codes de la communicat­ion

Dans son article « Un militantis­me qui n'a de “nouveau” que le nom », le sociologue Lilian Mathieu explique que l'utilisatio­n de l'humour et de la provocatio­n dans l'action militante n'est pas tellement le fait d'une classe d'âge mais plutôt celui d'une classe sociale : Act up a été fondé par des journalist­es, et les collectifs comme Génération précaire ou Jeudi noir sont constitués pour beaucoup d'étudiants et d'artistes ayant un fort capital culturel et maîtrisant parfaiteme­nt les codes de la communicat­ion. Selon Lilian Mathieu, la création d'images fortes permettrai­t ainsi de pallier les faibles effectifs de ces manifestat­ions alternativ­es par rapport aux manifestat­ions « classiques », et aurait un objectif essentiell­ement médiatique.

Est-il nécessaire aujourd’hui de passer par les blagues potaches pour défendre une cause ?

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