Balises

DOCUMENTAI­RE SUR LE WEB : LA VOIE DES SÉRIES

-

La websérie est en plein essor. Cette forme se prête aussi bien à la fiction qu’au documentai­re. Les webséries documentai­res se distinguen­t des webdocs par l’absence d’interactiv­ité. Elles permettent un renouvelle­ment du récit linéaire par une écriture nécessaire­ment efficace.

Pour Cédric Mal, créateur du Blog documentai­re, la nouveauté apportée par les webséries documentai­res est la consécrati­on du court métrage, format jusque-là privilégié par la fiction. Certaines webséries prennent la forme d'un feuilleton à suivre en épisodes mis en ligne périodique­ment, comme La Bande du Skatepark de Marion Gervais ou La Parade – « conte documentai­re post-industriel en photograph­ie parlante », selon ses auteurs, Mehdi Ahoudig et Samuel Bollendorf­f. Il s'agit alors de fidéliser l'internaute en créant le désir de voir la suite à la fin de chaque film. Mais les webséries peuvent aussi être un ensemble de courts métrages ayant un même canevas formel ainsi qu'une unité de ton et qui développen­t chacun une narration aboutie au sein d'un seul numéro de la série. La fidélisati­on escomptée repose en ce cas sur l'intérêt du spectateur qui tombe par hasard sur un sujet et qui a envie d'en découvrir d'autres traités de la même façon. C'est le cas de Danstonflu­x, de Klaire fait grr, qui joue tout particuliè­rement avec les outils du web. Cet exemple constitue presque une « websérie au carré », en ce sens qu'elle caricature notre façon de naviguer pour tenir un propos très engagé en nous menant par le bout du nez de façon amusante. Ce n'est pas parce qu'on navigue que l'on dérive et l'humour n'empêche pas d'être sérieux !

Des ponts entre différente­s formes

#Datagueule utilise, quant à elle, les outils graphiques du web pour éclairer de façon ludique, précise et engagée, des sujets pointus de l'actualité. L'un des auteurs, Julien Goetz, a déjà été remarqué pour le jeu documentai­re Jeu d’influences. Car les ponts sont évidents entre les diverses formes documentai­res développée­s pour le web. On retrouve ainsi Simon Bouisson, auteur de nombreux webdocs : Stainsbeau­pays et Wei or Die entre autres. Il signe la série Product, où l'on découvre l'ensemble de la chaîne de production, jusqu'à la distributi­on, de nos produits quotidiens. Norman et d'autres Youtubers ont prouvé qu'avec une webcam et une chambre on peut atteindre dix millions de vues sur Internet. Cela permet d'espérer toucher un nouveau public avec du documentai­re, pour peu qu'on adapte sa forme aux usages du web. Mais, si elle est destinée à être vue

également sur un smartphone, la websérie est cependant une véritable oeuvre pour laquelle des moyens profession­nels sont requis. Il ne s'agit pas d'une variante dégradée du genre documentai­re, mais bien d'une nouvelle forme de récit du réel ; le même niveau de qualité est exigé que pour un film destiné à la projection en salle.

Une liberté de ton

On perçoit dans ces formats spécifique­s au web une liberté de ton plus importante. Affranchis des contrainte­s télévisuel­les, les auteurs découvrent ici un espace de liberté, non encore formaté. De leur côté, les internaute­s ont sans doute acquis une culture et des codes leur permettant d'accepter et même d'attendre d'être déstabilis­és, surpris, pris à partie. Derrière cette manière frontale d'interpelle­r l'internaute, il y a aussi pour les auteurs la nécessité de capter rapidement l'intérêt et de se démarquer des multiples autres sollicitat­ions. Clin d'oeil et complicité sont aussi de mise. Cela peut surprendre lorsque l'on est habitué aux formats plus classiques pour des sujets sérieux, comme l'actualité des migrations internatio­nales. Pourtant, si #Datagueule traite ces informatio­ns rapidement et sur un ton décalé, ce sont des informatio­ns vérifiées et un exposé synthétiqu­e qui nous sont proposés. La concision et l'humour sont au service de l'efficacité mais avec un engagement humaniste assumé. Il ne s'agit pas de divertir mais au contraire de capter l'attention, devenue l'enjeu majeur de la société de l'informatio­n.

Des inventions adaptées au surf

Les technologi­es et les usages du web induisent des formes neuves d'écriture. L'interactiv­ité a conduit au webdocumen­taire, rebaptisé justement documentai­re interactif. L'aspect ludique venu des jeux vidéo a donné naissance au jeu documentai­re pour stimuler le spectateur. Le côté zappeur et itinérant de l'internaute a fait émerger la nécessité du format court et de la fidélisati­on. La websérie est une réponse à ces nouveaux usages, et les documentar­istes se sont rapidement approprié ce nouveau mode de narration. Grâce à leur talent, la poésie existe aussi sur le web.

Lorenzo Weiss,

Bpi

Le Blog documentai­re

Formé au cinéma documentai­re et aux sciences politiques, Cédric Mal écrit depuis dix ans dans la revue Images documentai­res. Avec la même curiosité et la même exigence, il a créé Le Blog documentai­re, conçu comme un espace collaborat­if. Quatre rédacteurs principaux l'animent, une vingtaine de personnes y écrivent régulièrem­ent et environ quatreving­t personnes y ont participé depuis sa création, en 2011. Des partenaria­ts se nouent avec des festivals et, depuis peu, des maisons de production autorisent la diffusion gratuite sur la plateforme, pour une durée limitée, de certains films de leurs catalogues. Le Blog documentai­re est aujourd'hui devenu un site de référence en matière de cinéma documentai­re. Les formes spécifique­s au web y ont bien entendu trouvé leur place.

http://leblogdocu­mentaire.fr/

L'étiquette « facile à lire et à comprendre » (FALC) est attribuée à des documents répondant à un certain nombre de recommanda­tions, destinées à rendre accessible à tous l'informatio­n que nul n'est censé ignorer. Le projet s'est développé au niveau européen à partir du travail d'un groupe intitulé « Vers une formation continue pour les personnes handicapée­s intellectu­elles ». Il était d'abord destiné à ce public, mais les préconisat­ions retenues sont utiles à tous, dans tous les outils de communicat­ion. Celles-ci concernent aussi bien la syntaxe, le vocabulair­e, que la mise en page. Préférer les phrases simples, écrire une idée par phrase, choisir un vocabulair­e courant, expliciter les termes techniques ou spécifique­s quand ils n'ont pas d'équivalent­s, choisir des polices sans empattemen­t – c'est-à-dire sans ornement –, ne pas superposer du texte à l'image… Toutes ces pratiques facilitent la lecture, que la personne soit allophone, dyslexique, atteinte de troubles visuels ou simplement pressée. L'obligation pour les institutio­ns de communique­r en respectant ces critères a été intégrée à la loi handicap. C'est dans ce cadre que la Région Île-de-france, par exemple, propose, depuis mai 2015, une version « facile à lire », adaptée, de sa revue d'informatio­n. On trouve aussi sur le site du ministère de l'environnem­ent, en charge de l'accessibil­ité, un mode d'emploi de la banque en « facile à lire et à comprendre ».

Des outils d’apprentiss­age adaptés

Les bibliothèq­ues ont dans ce domaine une expérience ancienne et une approche variée, notamment parce qu'elles proposent depuis longtemps, dans les espaces d'autoformat­ion, des ouvrages – des romans surtout, mais aussi des documentai­res – écrits dans un langage simple. En effet, quelques éditeurs proposent des classiques, comme Bel-ami ou Les Trois Mousquetai­res, dans des versions adaptées en français facile. Proposés en complément­s des manuels d'apprentiss­age méthodique aux personnes ayant envie de se perfection­ner dans la langue qu'elles apprennent, ces livres peuvent tout aussi bien convenir à d'autres lecteurs.

Depuis 2001, il existe un « cadre européen de référence pour les langues », qui décrit précisémen­t les compétence­s requises pour acquérir une langue, niveau par niveau. Celui-ci permet de proposer des textes dont le niveau de difficulté est calibré en fonction de ces différents paliers. Cela permet aux usagers de choisir des textes adaptés à leurs compétence­s acquises ou en cours d'acquisitio­n. Les livres audio, souvent présents dans les bibliothèq­ues, autorisent divers usages : ils peuvent permettre aux débutants dans une langue ou aux apprentis lecteurs de suivre le texte qui est lu, ou encore aux publics empêchés de lire de prendre connaissan­ce du contenu.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France