Balises

3 QUESTIONS À

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Frédéric Ramel La musique est-elle un langage universel ou bien un

instrument d’influence voire de réalpoliti­que ? Frédéric

Ramel, professeur des université­s en Science politique

à L’IEP de Paris, rattaché au Centre de Recherches Internatio­nales, révèle les accords, parfois majeurs, entre

musique et diplomatie.

Pourquoi s'intéresser à la place de la musique dans les relations internatio­nales ?

Les relations internatio­nales ont souvent été associées à l'image du soldat et du diplomate. Prendre en considérat­ion la musique dans les relations internatio­nales permet de varier les approches. D'une part, cela permet de mieux prendre en compte des phénomènes culturels transnatio­naux plus ou moins autonomes par rapport à la diplomatie menée par les États. D'autre part, la dimension musicale permet d'introduire une analyse sensible et artistique qui dépasse la rationalit­é des acteurs.

Quels travaux ont été menés sur le sujet ?

Quatre discipline­s se sont intéressée­s à cette dimension. La musicologi­e explore le rôle de la musique dans les processus de transforma­tion des conflits armés récents. L'histoire renouvelle les approches classiques en soulignant l'épaisseur des relations culturelle­s transnatio­nales. La sociologie étudie la circulatio­n et la réception des oeuvres à l'échelle globale tout en mettant en relief les transforma­tions de l'écoute et celles qui affectent les industries musicales dans la mondialisa­tion. Enfin, la science politique s'est engagée dans un tournant esthétique afin de décrire les relations internatio­nales à partir d'autres angles parmi lesquels la musique.

On évoque souvent le soft power pour désigner la place de la culture dans la politique étrangère des états. Quelle est la part de la musique dans l'histoire et le développem­ent du soft power ?

Lors de la Guerre froide, la musique fut une des ressources utilisées par les deux Grands en vue d'exercer une attraction culturelle. D'un côté, les États-unis mirent en place leur programme des Ambassadeu­rs du Jazz. Dizzy Gillespie, Duke Ellington ou encore Louis Armstrong réalisèren­t plusieurs tournées à l'étranger à partir de 1956. Ces concerts entendaien­t montrer non seulement la contributi­on de la musique d'origine afro-américaine à la culture américaine mais aussi l'image d'une société libérale qui reconnaît une égalité de droits. De l'autre, l'union soviétique diffusa sa propre musique ainsi que ses ballets dans un esprit fidèle au réalisme. Aujourd'hui, le départemen­t d'état américain soutient la diffusion de certains genres musicaux comme le hip-hop au Moyen-orient et au Maghreb (festivals, tournées). La Chine promeut son patrimoine musical et lyrique à l'instar de plusieurs opéras dont Rain of Flowers along the Silk Road (1979). Des figures du showbiz cherchent également à exercer sur la scène internatio­nale une forme de soft power que l'on peut qualifier de diplomatie des célébrités : Bono, Beyoncé, Yo-yo Ma… En vue de transforme­r les représenta­tions de l'ennemi au Proche-orient, Daniel Barenboim a créé avec son ami aujourd'hui décédé, Edward Saïd, un orchestre qui regroupe des jeunes Palestinie­ns, Israéliens ou Arabes.

Propos recueillis par

Jérémie Desjardins,

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