L’EXPÉRIENCE DE LA SINGULARITY
Près de San Francisco, au coeur de la Silicon Valley, sur
le campus désaffecté de la NASA se retrouvent ceux qui ambitionnent de « changer la vie d'un milliard de
personnes ». La Singularity University (SU) a été créée pour cela, en 2008, par Ray Kurzweil et Peter Diamandis.
Margaux Pelen, la tête bien faite et les pieds sur terre, a eu l'opportunité d'y suivre le cursus d'été. Créateur de plusieurs entreprises pionnières dans le domaine de la reconnaissance optique de caractères, de la synthèse et de la reconnaissance vocales, ainsi que des synthétiseurs électroniques, Ray Kurzweil est, depuis 2012, directeur de l'ingénierie chez Google. Il est également une icône du transhumanisme. Pour les tenants de ce mouvement, les progrès technologiques vont permettre d'améliorer les caractéristiques physiques et mentales de l'homme, de rapprocher ses performances de celles des machines, et à terme d'éliminer la maladie, le vieillissement, voire la mort. Ray Kurzweil défend aussi l'idée de la singularité technologique : au vu de l'accélération du rythme des changements technologiques, il prévoit un point de rupture, autour des années 2040, où l'intelligence artificielle des machines dépassera celle des humains et prendra le contrôle de l'avenir de l'humanité.
Une école pour le futur
La thèse a donné son nom à l'école. « Je n'ai pas de connexions particulières avec le transhumanisme », (r)assure d'emblée Margaux Pelen. Passionnée par les questions d'éducation, la jeune femme s'intéresse aux technologies efficientes, c'est-àdire adaptées à l'usage que peuvent en faire les pays en voie de développement. « Par exemple », explique-t-elle, « au Kenya, des cartes SD d'appareil photo peuvent servir à stocker des vidéos de cours ». En 2014, elle postule, un peu par hasard, à la session d'été de la SU. Elle fait partie des 80 personnes, venues du monde entier, retenues parmi des milliers d'autres. Mieux, elle obtient une bourse et part dix semaines, tous frais payés. « Ce n'était pas du tout l'objectif de ma vie, mais j'y ai vu une formidable opportunité de rencontres. Khan Academy, Coursera, Stanford, de nombreux acteurs de l'éducation sont là. »
La Singularity University est souvent accusée de prosélytisme. Elle semble surtout dispenser une formidable énergie. « On a l'impression qu'on change le monde même quand on prend le métro », raconte Margaux, « Des professeurs, des entrepreneurs viennent partager leur expérience ou parler de ce qui va se passer dans les années à venir. Le Lab, avec ses robots et ses imprimantes 3D, permet d'apprendre en pratiquant. La richesse du programme vient de la diversité du groupe. Avec 80 personnes, 80 cultures différentes, il n'y a pas de pensée unique. » Si elle reconnaît que quelques entreprises cherchant à améliorer l'embryon gravitent autour de SU, Margaux Pelen dit être revenue de son séjour californien « avec encore plus de questions » et de curiosité pour les « idées à la marge ». Pour les idées singulières en quelque sorte.
Marie-hélène Gatto,
Bpi