INÉDIT
Apparue à la fin du XIXE techniques permettent de réduire significativement le temps Incipit
siècle, au moment où les progrès de pose, la photographie de classe s'est largement développée au cours du XXE siècle, jusqu'à devenir un rituel scolaire.
Extrêmement codifiée, cette mise en scène de l’institution
(et de l'autorité) est aussi pour chacun des participants un support qui condense les émotions d'une année scolaire.
S’inspirant d’une photographie typique des années quatrevingt,
Tanguy Viel explore, dans un texte inédit, les possibilités temporelles d'une telle image. C’est toujours la même chose avec une photo de classe. Elle se jette dans le temps futur de nous, elle le recouvre d’un voile venu d’une heure depuis longtemps close, sorte de saint suaire annuel que nous conservons pour ce qu’elle est : une flèche envoyée du lointain et qui suture le temps. Et ce serait sûrement peu de dire cela si on ne soupçonnait pas que ce savoir-là, cette prescience de l’aura qui l’englobera bientôt, n’était déjà là, présente dans la malice latente de l’enfance capturée. Oui, que les enfants le savent, cela se voit, le jour même où le photographe surgi du monde du dehors avec son gros appareil a demandé de sourire en regardant l’objectif, après que l’instituteur au grand col a prévenu la veille qu’il faudrait s’habiller parce que demain, exceptionnellement, demain, les enfants, on enverra une carte postale au lointain futur. L’instituteur pense : nous envoyons une carte postale à la mort elle-même, mais cela, je ne peux pas le leur dire, ils ne comprendraient pas, ils ne voudraient pas le comprendre. Les enfants pensent : nous savons très bien que nous posons pour longtemps mais dans ce longtemps à nous, c’est vrai, il y a plus de vie que de mort. Alors nous regardons fixement l’objectif mal posé dans un coin et nous envoyons ce message à nous-mêmes adultes, cette carte postale écrite avec un semblant de désinvolture parce qu’on ne veut pas trop avouer qu’elle appartiendra définitivement, radicalement au grand livre de nous.