En une nuit, nous avons bondi dans l’hiver, dans
sa lenteur, sa presque immobilité. On tourne en rond dans la maison,
étonnés de la brièveté des jours. Au jardin ou ce qu’il en reste, les escargots portent le temps sur leur coquille. Mais est-elle si triste cette saison qu’on dit froide ? S’il est vrai que le jardin endormi nous enseigne à cesser toute agitation, toute germination, à préférer le calme aux projections folles et aux déplacements désordonnés, il sait aussi nous tenir en haleine. Il nous offre le chant inattendu d’un oiseau, la feuille de perce-neige qui pointe, prémices de futurs lampions blancs et verts, la fourrure des bourgeons de saule, les subtils dessins d’une écorce. Il nous donne la minuscule fleur rouge du noisetier, celles de l’hamamélis, inexplicables dans leur désordre, le gonflement déroutant d’un bourgeon de camélia. Il nous réveille avec le parfum provocant des daphnés, ou la fleur jaune soleil d’un jasmin d’hiver qui nargue le gel. Pour le jardinier, voir est au fond aussi créatif que faire si l’on possède l’art de regarder.