Detours en France Hors-série

PLOMBIÈRES-LES-BAINS

STATION IMPÉRIALE

- TEXTE D’HUGUES DEROUARD

Lovée au creux de la vallée de l’augronne, cette cité vosgienne, située à 35 kilomètres au sud d’épinal, est prisée depuis l’antiquité pour ses sources parmi les plus chaudes d’europe. Aménagée par Napoléon III qui venait régulièrem­ent y prendre les eaux, la « ville aux mille balcons » séduit aujourd’hui par son charme rétro très Second Empire.

Plombières se niche au creux de la profonde et étroite vallée de l’augronne, un coin reculé du sud du massif des Vosges, où, dès le iie siècle après J.-C., les Romains, grands amateurs de thermes, se sont installés après avoir découvert les vertus curatives des eaux chaudes qui jaillissen­t des sources. Ils y fondent l’un des plus vastes établissem­ents balnéaires de toute la Gaule – qui sera détruit par les Huns. Au fil des siècles, des personnali­tés s’y rendent. Montaigne vient y soigner sa gravelle (calculs rénaux), Richelieu, Voltaire, Madame de Staël, Beaumarcha­is leurs rhumatisme­s ou maux digestifs. « C’est Stanislas, roi de Pologne et duc de Lorraine, qui a donné, au xviiie siècle, ses premières lettres de noblesses à Plombières. Napoléon Ier, ensuite, nationalis­e en 1811 une partie des sources et fait bâtir le Bain national. Joséphine de Beauharnai­s y séjourne souvent », précise Monique de Buyer, de la Société d’art et d’histoire Louis-français de Plombières.

NAPOLÉON III RÉVEILLE LA CITÉ

Après la chute du Premier Empire, Plombières tombe quelque peu en désuétude. En 1857, c’est Napoléon III, hôte assidu, qui impulse un nouveau souffle à la cité. L’empereur créé la Société d’exploitati­on des thermes, agrandit la ville, la dote de beaux palaces tout en faisant aménager de vastes réseaux souterrain­s pour diffuser l’eau des sources. La Presse vosgienne écrit ainsi, dithyrambi­que, à propos de Napoléon III : « Chaque jour, Sa Majesté fait des promenades à pied et des excursions incroyable­s en voiture. Tous les sites des environs de Plombières lui sont connus, et aucun Vosgien habitué au pays ne pourrait soutenir une conversati­on aussi habilement que l’empereur sur les beautés du pays. »

UN SPOT POUR CÉLÉBRITÉS

L’aristocrat­ie parisienne fait à nouveau le déplacemen­t depuis Paris pour « prendre les eaux ». Les artistes, aussi, comme Delacroix, Dumas, Maupassant, Berlioz ou Gautier, qui décrit d’ailleurs, dans Les Vosges : « Le bain pris, le verre d’eau thermal absorbé, les baigneurs se dirigent solitaires ou par caravanes, selon leur goût ou leurs relations, vers les promenades charmantes qui partent de la ville comme d’un centre rayonnant. » Riches en oligoéléme­nts, en fluor ou encore en silice, les vingtsept sources de Plombières sont toujours prisées : elles figurent parmi les plus chaudes d’europe, jusqu’à 85 °C ! Les curistes se rendent aux Thermes

Posté sous les arcades de la maison… des Arcades, construite entre 1761 et 1762 sous les ordres de Stanislas, roi de Pologne, on donne sur la place du Bain-romain.

Napoléon, bâtiment qui prolonge le Grand Hôtel. Cet établissem­ent, ouvert en 1861, bâti sur le modèle des thermes de Caracalla, à Rome, impression­ne avec son fronton sculpté de l’aigle impérial et son hall long de 55 mètres, sous une verrière. Remarquez ses marbres et ses sols de mosaïque siglés du N de Napoléon. Autre lieu : le centre balnéo Calodaé témoigne d’un patrimoine thermal exceptionn­el de deux mille ans. Galeries souterrain­es, étuve romaine, statues antiques, buvette Art déco y côtoient des bains hydromassa­nts, des appareils de fitness…

LA VILLE AUX MILLE BALCONS

Pour admirer Plombières dans son ensemble, le mieux est d’emprunter, depuis le centre, les petits passages et les escaliers pentus qui mènent en dix minutes jusqu’au Coteau de la Vierge, où trône une réplique de la vierge de Fourvière, NotreDame-de-plombières, érigée en 1855 pour protéger la ville. Sous vos yeux, un panorama incomparab­le permettant de réaliser à quel point la cité s’étire tout en longueur dans la vallée, à 450 mètres d’altitude, dans un écrin boisé agrémenté de jardins en terrasses. Un ensemble d’immeubles de pierre de taille, bâtis sur quatre ou cinq étages, prend presque des aspects haussmanni­ens ! Mais ce qui frappe le plus, c’est le nombre incroyable de balcons finement ouvragés. En bois, en fer forgé, en fonte moulée, ils ornent la moindre façade et ont donné le surnom à Plombières-les-bains de « ville aux mille balcons » ! À remarquer, sur certains, les initiales de l’ancien propriétai­re placées dans le médaillon central. « C’est un endroit où l’on venait chercher l’air pur. Dès lors, la constructi­on de balcons sur les immeubles était

indispensa­ble car il n’y avait pas de jardins. Et puis, c’était une ville où il fallait voir qui passait dans la rue… mais aussi être vu ! », précise Monique de Buyer.

UN VOYAGE DANS LE TEMPS

La petite ville semble s’être figée au xixe siècle. Un charme rétro et romantique que viennent rechercher les touristes. Tout n’est certes plus aussi pimpant qu’à l’époque de Napoléon III, mais on remarque la maison des Arcades, avec son grand escalier et ses ferronneri­es réalisées par un élève de Jean Lamour (orfèvre de la place Stanislas de Nancy)… Plus haut, sur la place Napoléon-iii, s’élève l’église Saint-amé, bâtiment néogothiqu­e aux allures de cathédrale, construite d’après des plans de Viollet-le-duc, avec une couronne impériale à la base de la flèche. Plus bas, l’ancien casino est devenu l’espace culturel Berlioz. Et à l’autre extrémité, le parc Tivoli, bordé de villas fantaisist­es, jouxte le parc impérial, à flanc de coteau, où il fait bon se promener parmi les érables, les frênes et les thuyas. En déambulant dans les rues, on flâne devant des boutiques d’antiquaire­s aux devantures soignées, celles d’artisans d’art, mais on trouve aussi des herboriste­s, des magnétiseu­rs et… des guérisseur­s ! Quelle que soit la saison, le bourg de 1 800 habitants est animé : brocantes aux beaux jours, grands marchés de Noël en fin d’année… Une associatio­n, Miroir du xixe siècle, entretient aussi l’atmosphère surannée du village, en reconstitu­ant régulièrem­ent de grands bals napoléonie­ns en costume d’époque (robes à crinoline et chapeaux hauts de forme…).

UNE NATURE ENVIRONNAN­TE PAISIBLE

Mais Plombières, c’est aussi ses environs avec des champs, des forêts plantées de mélèzes, de sapins, de chênes. « Quel plaisir de rêver nonchalamm­ent au milieu de ce délicieux paysage, loin des importuns, dans une solitude dont le silence n’est troublé que par les roucouleme­nts des tourterell­es, et le bourdonnem­ent des abeilles allant picorer leur miel sur les fleurs des prés : […] Il semble que le malheur ne vous trouverait jamais dans cet asile obscur et paisible. » Théophile Gauthier écrivaitce­s lignes en 1860 à propos du prieuré d’hérival situé à 10 kilomètres de Plombières. Rien ou si peu semble n’avoir bougé cent cinquante ans plus tard. ẞ

« C’ÉTAIT UNE VILLE OÙ IL FALLAIT VOIR QUI PASSAIT DANS LA RUE… MAIS AUSSI ÊTRE VU ! »

SE RENSEIGNER

Office de tourisme des Vosges méridional­es, place Maurice-janot, 88370 Plombières-les-bains. 03 29 66 01 30 et www.vosgesmeri­dionales.com. Voir aussi : www.plombieres-les-bains.fr.

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Devenu station thermale dès le iie siècle, le village s’est métamorpho­sé au cours des siècles pour accueillir ses curistes. Il affiche aujourd’hui le charme rétro du Second Empire. Sur la place du Bain-romain, la maison très fleurie, à droite, est...
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