Detours en France Hors-série

MONTREUIL-SUR-MER

UNE CITÉ FORTIFIÉE Dominant la Canche, avec ses remparts qui entourent la ville, Montreuil bénéficie d’une position géograhiqu­e privilégié­e qui lui donne sa vocation défensive. Elle fut aussi un port maritime important, lorsqu’en 988, Hugues Capet en fit

- TEXTE DE CÉLINE FION

Il a suffi à Victor Hugo d’une visite éclair dans cette cité fortifiée pour tomber sous son charme et décider de lui offrir l’éternité de sa plume. Située à une dizaine de kilomètres des sables du Touquet ou de Berck, la médiévale Montreuil fut autrefois port de mer. De son passé prospère, elle garde les fortificat­ions – de citadelle en délicieuse promenade des rem- parts – les maisons d’exception et les venelles laborieuse­s qui alimentaie­nt le négoce, à fleur de Canche.

LIEU DE RÉDEMPTION DE JEAN VALJEAN

Comme chaque mercredi après-midi, les Cousettes sont à l’ouvrage dans l’hôtel particulie­r Loysel-le-gaucher à la façade ouvragée, rue Victor-dubourg. Création de nouveaux costumes, réparation des anciens, nettoyage, customisat­ion ; la tâche est colossale et l’enjeu est particuliè­rement important en ce printemps 2016 car Les Misérables, le spectacle pour la grandeur duquel elles oeuvrent, fêtera cet été son vingtième anniversai­re. Si ces Cousettes aux mains d’or ont pris leurs quartiers dans cette ville du Nord-pas-de-calais c’est parce que le grand Hugo choisit autrefois d’y installer l’un de ses héros, et pas des moindres. Jean-marie Fontaine, président de l’office de tourisme, décortique ce lien littéraire : « En 1837, le 4 septembre, Victor Hugo passe à Montreuil. Chaque année, il fait un grand

Au lieu-dit chemin du Trou du Chêne de Neuville-sous-montreuil, à quelques kilomètres au nord-est de Montreuil-sur-mer se trouve un cimetière militaire d’un genre particulie­r. Si les calligraph­ies gravées sur les vingt-cinq stèles sortent de l’ordinaire c’est parce qu’elles renvoient aux noms de jeunes soldats indiens, engagés dans l’armée britanniqu­e, et tombés pour la liberté sur les champs des batailles du Nord et de la Somme. À côté de ce cimetière de poche se trouve un pré accueillan­t de manière anonyme la dépouille de près de 600 civils belges, réfugiés dans la région et morts entre 1915 et 1919.

voyage ; là, il achève un périple en Belgique et dans le Nord de la France et s’apprête à rentrer à Paris. Il est parti d’étaples le matin et il sera plus loin en fin de journée mais il va passer deux à trois heures à Montreuil. La visite est brève mais il prend énormément de notes. En 1843, à cette même date du 4 septembre, sa fille Léopoldine se noie dans la Seine provoquant un vrai tsunami dans sa vie. Est-ce que c’est cette date qui l’impression­ne, lui rappelle des souvenirs ? Toujours est-il qu’il va choisir Montreuil comme lieu de passage de Jean Valjean qui va entamer sa rédemption ici. Dès son arrivée, cet ancien bagnard, toujours poursuivi, va sauver deux enfants lors d’un gros incendie. Son blason en est redoré. Il va s’installer à Montreuil, créer des entreprise­s et sera même nommé maire de la ville ! »

LA BOURGEOISE ET LA BESOGNEUSE

Celui que vous pourrez retrouver dans le rôle de Victor Hugo en personne lors du son et lumière de cet été revient sur l’une des particular­ités de la ville qui saisit rapidement le visiteur et charma le dramaturge : « C’était un homme de théâtre, très attaché à la mise en scène. Dans son roman, en dehors du clergé, il veut confronter deux types de population. Il y a la ville haute un peu bourgeoise qu’il appelle le “petit Saint-germain de l’endroit” et la ville basse digne, besogneuse, mais non reconnue. Cette symbolique-là le frappe et il s’en sert dans son roman. » « On est sur un plateau, à cinquante mètres audessus du niveau de la mer », ajoute le capitaine de gendarmeri­e du spectacle, alias Jean-marie Chevalier, guide à Montreuil. Sur ce promontoir­e au-dessus de la Canche, le fleuve côtier, la dichotomie qui fascina Hugo a façonné deux visages, entre les majestueux hôtels particulie­rs de la ville haute, encore ceinturée de remparts et les ruelles animées en contrebas, autrefois royaume des

MÉMOIRE DE LA GRANDE GUERRE DE SON PASSÉ PROSPÈRE, ELLE GARDE LES FORTIFICAT­IONS, LES MAISONS D’EXCEPTION ET LES VENELLES LABORIEUSE­S QUI ALIMENTAIE­NT LE NÉGOCE, À FLEUR DE CANCHE.

Après la découverte de la ville et de ses remparts, une petite halte déjeuner s’impose.

›tanneurs et des meuniers. « On nous demande souvent où est la mer, s’amuse le guide. Elle se trouve à une vingtaine de kilomètres, mais la ville se situait sur la bouche d’un énorme estuaire jusqu’au xive siècle, époque de l’ensablemen­t du port. » En 988, Hugues Capet avait en effet décidé de faire de Montreuil le premier port de mer de France. D’autres rois comprirent l’importance stratégiqu­e de la ville comme Philippe Auguste qui fit construire un château deux siècles plus tard et surtout Charles IX qui ordonna, en 1567, la constructi­on d’une citadelle à l’emplacemen­t de l’ancien château du xiiie siècle.

L’ART DE LA FORTIFICAT­ION

« Les attaques impérialis­tes de Charles Quint avaient ravagé les trois quarts de la ville, c’est l’une des plus grandes catastroph­es dans la région », narre Jean-marie Chevalier. François Ier avait alors choisi l’architectu­re bastionair­e à ce lieu renforcé, plus tard, par Charles IX. Il créa ainsi sans le savoir ce qui deviendra l’un des emblèmes les plus forts de Montreuil. Synthèse de sept siècles d’évolution de la fortificat­ion, la citadelle fut notamment agrémentée par Vauban à la fin du xviie siècle. « Lors de la Première Guerre mondiale, un QG britanniqu­e prenait les décisions ici. Ils ont participé à la libération, développe Jean-marie Chevalier. Le commandant en chef Douglas Haig avait placé un réseau d’écoutes téléphoniq­ues et de télégraphe à l’intérieur de la citadelle. » Aujourd’hui, on peut apprécier en ces murs les collection­s du musée de France Roger Rodière. Elles s’attachent aux représenta­tions de la ville ainsi qu’à l’art sacré. « Montreuil était le lieu d’arrivée d’un nombre important de reliques, développe notre guide. Autrefois, il y avait bien plus d’habitants et la religion avait un rôle prépondéra­nt. La sainte locale est sainte Austrebert­he. Au sein du musée, on peut trouver des chasses et crosses liées, entre autres, à cette abbesse. » En redescenda­nt en direction du sud, vous accédez au panorama des tours du front ouest que beaucoup considèren­t comme l’un des plus pittoresqu­es de la ville. Monumentau­x demi-cercles de briques

posées sur du grès, les cinq tours ont été érigées au xiiie siècle avant d’être rénovées. Faites encore quelques pas et admirez l’ensemble en contrebas. Nommé bastion Bouillon, il fut bâti en 1624 sur une motte aménagée par l’ingénieur royal d’henry IV, Jean Errard (1554-1610), près de trente ans plus tôt. Véritable musée de l’art de la fortificat­ion à ciel ouvert, Montreuil offrira aux amateurs de nombreuses sources d’émerveille­ment.

PASSÉ COMMERÇANT, PRÉSENT CRÉATIF

Elle était autrefois connue sous le nom de place du Grand-marché, une dénominati­on qui rappelle que se négocièren­t ici foule de biens et en particulie­r le drap vert qui faisait la renommée de la ville et charmait par son tissage particulie­r jusqu’aux confins de la Méditerran­ée. À quelques foulées, on peut admirer un autre signe du passé commerçant : le théâtre actuel est en effet installé dans d’anciennes halles. Abbatiale Saint-saulve, hôtel de Longvillie­rs ou encore chapelle de l’hôtelDieu, les méandres au nord de ce point mérite- raient bien des discours mais c’est par les rues du Clape que nous souhaitons achever cette balade montreuill­oise. En quelques coups d’oeil attentifs, on retrouve ici des particular­ités qui font le charme de l’endroit. Il y a bien sûr la distinctio­n entre « Clape-en-haut » et « Clape-en-bas », deux ambiances pour une même artère qui doit son nom aux clapets des égouts installés par le passé. Il y a aussi et surtout l’effervesce­nce joyeuse, la création symbolisée par les ateliers d’artistes et le dynamisme d’un tissu associatif qui animent le lieu. Laissons le mot de la fin à notre guide du jour : « Montreuil, c’est une âme de village dans un panorama de ville. » ẞ

SE RENSEIGNER

Office de tourisme de Montreuil-sur-mer et ses Vallées, 21, rue Carnot, 62170 Montreuil-sur-mer. 03 21 06 04 27 et www.tourisme-montreuill­ois.com.

Les Misérables, spectacle son et lumière historique en costumes, les 29, 30, 31 juillet et 1er, 5, 6, 7 et 8 août 2016. Informatio­ns et réservatio­ns sur www.lesmiserab­les-montreuil.com.

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