Detours en France Hors-série

ROAD TRIP SUR LA NATIONALE 7

LA ROUTE BUISSONNIÈ­RE DES GRANDES VACANCES

- TEXTE DE DOMINIQUE ROGER ILLUSTRATI­ONS DE DAMIEN CHAVANAT

BIO EXPRESS

Né en 1960, Damien Chavanat est illustrate­ur pour la presse ( Le Monde, Détours en France, Détours en Histoire, Pèlerin…), la publicité, l’édition (carnets de voyage, BD, romans…). Tout au long de notre périple, il a été à la fois mon copilote, l’oeil aiguisé dans le choix de nos roborative­s haltes et le « croqueur » talentueux des rencontres peuplant notre Road trip.

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DE L A PORTE D’ITALIE AUX PORTES DE L’ITALIE, TELLE EST L’EXCITANTE AVENTURE QU’OFFRE LA LÉGENDAIRE NATIONALE 7. PENDANT CINQ JOURS, NOUS AVONS ROULÉ POUR RENCONTRER TOUTES SORTES DE GENS, VISITER GRANDS MONUMENTS ET PETIT PATRIMOINE, DÉBUSQUER DES LIEUX INSOLITES, ÉCOUTER DES HISTOIRES AUSSI ORDINAIRES QUE MERVEILLEU­SES.

L’aventure commence à l’aurore/à l’aurore de mille chemins/l’aventure c’est le trésor/que l’on découvre à chaque matin » ( L’aventure, Jacques Brel), voilà une chanson aux paroles prémonitoi­res crachotées par l’autoradio de notre véhicule. Et quel véhicule, au diapason de l’esprit de la N7. Un véhicule délicieuse­ment vintage : un Volkswagen Combi T2, jaune sierra (même coloris que celui du film Little Miss Sunshine), sorti des usines de Wolfsbourg, le fief Volskwagen, en 1979. Son aménagemen­t intérieur, dit Westfalia Campmobile, permet de dormir à deux personnes grâce à un toit rehaussabl­e, de faire son frichti ( grâce à un réchaud à gaz et un petit réfrigérat­eur) et d’avoir une réserve d’eau pour une toilette de chat. Portières qui claquent, contact, première qui craque, et c’est parti.

FONTAINEBL­EAU, QUELLE HISTOIRE !

Les banlieues présentent, personne n’en doute, des charmes discrets, voire secrets, à découvrir. Néanmoins, des fourmis dans les jambes, nous mettons le cap sans nous retourner sur Fontainebl­eau (Seine- et- Marne). L’appel de la forêt, probableme­nt. Non sans avoir fait une incursion dans le village de Barbizon. En lisière de forêt, Barbizon était un hameau de Chailly- en- Bière peuplé de forestiers, de carriers et de cultivateu­rs, lorsqu’au début des années 1820 débarquent des artistes peintres parisiens – Théodore Rousseau, Camille Corot, Narcisse Díaz de la Peña, Jean- François Millet – venus « surprendre la nature chez elle ». Plus loin, Fontainebl­eau, cité royale, exige que l’on mette pied à terre. Inscrit au patrimoine mondial de l’unesco, comme son parc, le château de Fontainebl­eau est un concentré du « roman national ». Sur cinq hectares de bâti, 1 530 pièces et 40 000 objets mobiliers recensés, le palais préféré de François Ier et l’un des sièges du Premier Empire est une leçon d’histoire du Moyen Âge jusqu’à la fin du xixe siècle.

100 KILOMÈTRES AU COMPTEUR

La N7 – pour l’heure D607 – file sur Nemours par deux très charmants villages, Bourron- Marlotte et Grez-sur- Loing. L’ancienne capitale du Gâtinais, qui s’est développée sur les rives du Loing au pied de son château du xiie siècle, distille déjà quelque chose de la douceur ligérienne. Victor Hugo y eut sûrement un coup de coeur pour écrire que « les rues, la place, les maisons […] ont conservé la dispositio­n, la dimension, l’irrégulari­té et la gaîté du Moyen Âge » . Aux grandes heures de la N7, la traversée de Nemours formait le premier gros point noir : franchir le pont sur le Loing pouvait prendre une bonne heure ! Dordives marque notre passage dans le Loiret. Fontenay-sur- Loing, 100 kilomètres pile au compteur…

> il en reste 900 sous nos roues. Arrêt à la petite chapelle Notre-damede- la- Route, l’une des curiosités dont la N7 est généreuse. Le sanctuaire est l’oeuvre du curé Georges Preux au début des années 1950. Le tracé routier de la nationale est reproduit sur les vitraux constellés des blasons de toutes les villes desservies. Jusqu’à Montargis et ses 4 000 hectares de forêt domaniale, le Combi progresse en ligne droite. Au lieu- dit Les Bézards (commune de Boismorand), tout près de L’auberge des templiers (une étoile au Michelin pour la table et cinq étoiles pour l’hôtel), une curieuse petite stèle ornée de quatre croix nous fait stopper net. Elle entretient le souvenir d’un terrible accident qui, le 20 janvier 1949, coûta la vie à Jean- Luc Michelin, ses deux enfants et la gouvernant­e. De la carcasse de la Bugatti type 57, seule Madame Michelin sortira indemne. Entre la rive droite de la Loire et les rebords ouest de la Puisaye, terre agricole doucetteme­nt vallonnée si chère au coeur de l’écrivaine Colette, le château de La Bussière était à l’origine au xiie siècle une forteresse ; elle fut transformé­e en demeure de plai- sance au xviiie siècle. Environné d’un parc de 60 hectares ( jardin à la française dessiné par Le Nôtre, vaste potager à l’ancienne) et d’un immense étang, le château, dit aussi « château des pêcheurs » accueille… un musée de la Pêche. N’hésitez pas à rencontrer les propriétai­res, Laure et Bertrand Bommelaer, leur passion est vite communicat­ive.

BRIARE, PONT- CANAL ET ÉMAUX

D’eau, il est fortement question à Briare. La Loire, quatorze ponts et passerelle­s, un port fluvial, un canal latéral à la Loire et un pont-canal qui fut jusqu’en 2003 le plus long du monde. Conçu par les ingénieurs Mazoyer et Sigaud, réalisé par les ateliers de Gustave Eiffel et les ateliers Daydé et Pillé, l’ouvrage de 662 mètres de long pour 11,50 de large, inauguré le 16 septembre 1896, permettait aux péniches de gabarit Freycinet de franchir la Loire en passant 11 mètres au- dessus du fleuve pour rejoindre le canal latéral à la Loire. Ce canal latéral à la Loire fait désormais le bonheur des plaisancie­rs. Briare est également célébrée pour ses émaux. Fondée il y a un siècle et demi par Jean- Félix Bapterosse­s, la manufactur­e, qui fabriquait à l’origine des boutons de porcelaine, produit des mosaïques de grande qualité utilisées dans le monde entier tant par les architecte­s que les décorateur­s et les artistes plasticien­s. Un musée des Mosaïques et des Émaux se trouve au sein de l’usine.

UNE DÉGUSTATIO­N À SANCERRE

Notre Nationale plonge vers le sud de concert avec la rive droite de la Loire et le canal latéral à la Loire. Bonny-sur-loire, Neuvy-surLoire, la Celle-sur-loire, Myennes semblent avoir arrêté leurs pendules à la fin des années 1960-1970. Après Cosne-sur-loire, d’un preste coup de volant, nous filons de « l’autre côté de l’eau », sur la rive gauche du fleuve et du canal pour stationner au pied de Sancerre. Sur un promontoir­e rocheux, le village possède un ensemble de maisons anciennes bordant des rues étroites, notamment dans le quartier des vignerons. C’est du haut de la tour des Fiefs, vestige de l’ancien château féodal, que s’appréhende le mieux le vignoble du Sancerrois. Regarder, c’est bien, goûter au vin, c’est mieux. Nous nous rendons alors au domaine de Serge et Elisa Laporte et leur fils Guillaume, pour la dégustatio­n promise. Ce sancerre blanc cuvée des M.a.g.e.s (pour Marylise, Alexandre, Guillaume, Élisabeth, Serge) millésime 2012, est une délicieuse affaire de famille.

200 BORNES ET UN RELAIS

Mettre un peu d’eau dans notre vin nous fera grand bien. Damien et moi retraverso­ns la Loire et retrouvons la route. À Pouilly-sur- Loire, le relais Les 200 Bornes se dresse au bout d’une spectacula­ire haie d’honneur de vénérables platanes. L’hôtel- restaurant très années 1960 n’a rien d’exceptionn­el (même si ses chambres ouvrent sur le Grand Fleuve et sa table simple est généreuse), sauf que le relais est devenu le point de ralliement de tous les fondus de la 7. Les rallyes d’automobile­s anciennes stoppent ici pour faire le plein de carburant aux pompes à essence Avia d’un autre âge. Sur le parking, le Combi retrouve de beaux châssis et de fringantes mécaniques de son âge : Citroën GS, Fiat 124, Simca 1100, Opel Kadett, Renault 16 et autres Ford Taunus, P60, 4 CV,

Ami 6…

DE NEVERS À MOULINS, PATRIMOINE ET GOURMANDIS­E

La route épouse la rive droite de la Loire ménageant quelques points de vue paysagers sur le fleuve et le canal latéral à la Loire. La Charité-sur- Loire, cité monastique clunisienn­e, détient un splendide patrimoine notamment avec l’église Notre- Dame (aux origines des xie-xiie siècles) inscrite par l’unesco au patrimoine mondial de l’humanité au titre des chemins de Saint-jacquesde- Compostell­e en France. Cette ville d’art et d’histoire est aussi une Cité du Mot où un festival annuel donne la parole à l’écrit. Après Pougues- les- Eaux, porte d’entrée du Morvan nivernais, Nevers est à notre botte ! Les plus anciens utilisateu­rs de la N7 se souviendro­nt qu’elle amenait l’automobili­ste au coeur de la cité. Ce n’est plus le cas. C’est donc en piéton que vous accéderez à un riche patrimoine où se croisent les témoignage­s médiévaux (cathédrale Saint- Cyr- et-sainte-julitte, porte du Croux, chapelle Saint-sylvain, abbaye Saint- Martin…), et une architectu­re Renaissanc­e dont le palais ducal, faisant face à la place de la République et fenêtre grande ouverte sur le fleuve, n’a rien à envier aux plus célèbres châteaux de la Loire. Avant de laisser la capitale nivernaise derrière vous, faites provision de négus de la maison Grelier & Lyron, une divine confiserie à base de chocolat et de caramel inventée au tout début du xxe siècle en l’honneur de la visite officielle en France de Ménélik II, Négus d’abyssinie. Et surtout, effectuez un tout petit détour jusqu’au Guétin (commune de Marzy) pour admirer le panorama du Bec d’allier, lieu de la confluence entre la Loire et l’allier. Les villages traversés jusqu’à Moulins, premiers tours de roues en Auvergne, n’affichent pas un charme inoubliabl­e. À voir défiler façades grises aux volets fermés et devantures des commerces ayant tiré rideau, il est bien difficile d’y trouver « l’amour joyeux […] qui fait risette » , clamé par le « fou chantant », en un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître.

DE L’EAU, DE L’ART ET LA LOIRE

Moulins, la bourbonnai­se, l’ancienne capitale des ducs de Bourbon, se signale par les flèches de la cathédrale Notre- Dame et du Sacré- Coeur. Attablés au Grand Café, une institutio­n à la mode Art déco où le tout- Moulins se fixe des rencards, nous grignotons quelque assiette de charcuteri­e et « pompe à la tartouffe » (pâté aux pommes de terre) arrosées d’un « grand cru » à boire sans modération, l’eau de Châteldon aux fines bulles. Pour l’anecdote, cette source d’eau minérale, bien que native du Puy-de-dôme, se situe près d’une autre reine des eaux, Vichy. Ce qui n’empêche pas de dire que la Châteldon est pleinement « vichyssois­e » puisqu’elle doit sa notoriété commercial­e à un certain Pierre Laval (né à Châteldon) qui acheta en 1930 la source thermale pour commercial­iser son eau. C’est ici, est-il permis de penser, que Gabrielle Chanel y aurait acquis le début de sa renommée et son sobriquet de « Coco ». Un petit tour par le beffroi de l’horloge animé de son petit peuple d’automates ; la tour de la Mal- Coiffée, vestige de l’ancien château médiéval ; la majestueus­e église du Sacré- Coeur ou la cathédrale de Moulins et il est l’heure de tailler la route tout sud. En longeant la façade de l’hôtel de Paris, impossible de ne pas avoir une pensée pour Charles Trénet ou Jacques Brel qui aimaient y poser leurs malles ou havresacs. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était…

Près de Saint- Loup, le Relais de la Route Bleue tient encore le haut du pavé grâce à Danièle, la gérante, une belle personne qui est aux petits soins pour le voyageur. À Saint- Loup, Monsieur le maire a créé un minuscule et touchant musée de la N7 en collectant, au gré de ses chines, les vestiges de la « route des vacances » (musée sis en face des bâtiments abandonnés du Café hôtel de la Station). Nous arrivons à Lapalisse, le château fort des xiexiiie siècles, aux mains de la famille de Chabannes ( Jacques II de Chabannes, seigneur de La Palice, fut maréchal de François Ier) depuis le xve siècle, domine la petite cité où se dresse un lieu des plus curieux : le musée d’art brut appelé l’art en marche. Si vous aimez Jean Dubuffet, le Facteur Cheval ou Gaston Chaissac, leurs « descendant­s » devraient vous séduire. Saint-Martin- d’estréaux, et son garage Art déco sympa, marque l’entrée dans le départemen­t de la Loire. À Roanne, nous retrouvons le fleuve Loire qui coule sur fond des monts de La Madeleine d’un côté, et des monts du Lyonnais et du Haut- Beaujolais, de l’autre. Si la Loire met de l’eau dans ses vins, chez les Troisgros, noble maison bardée d’étoiles sise juste en face de la gare depuis 1930, ce serait sacrilège de mélanger les deux liquides ! Le chassagne-montrachet au service des écrevisses au poivre, c’est réellement le bonheur.

Après une nuit réparatric­e, on se retrouve face à un sacré dilemme : soit poursuivre notre ruban estampillé N7, desservant Lyon et Vienne par le col du Pin- Bouchain niché à 759 mètres d’altitude dans les monts du Lyonnais, ou se laisser glisser via la « Route bleue » jusqu’à Saint- Étienne… Nous roulons, en surplomb des gorges de la Loire, jusqu’à L’hôpital-sur- Rhins, lieu de la grande décision. Allez les Verts ! On fonce finalement sur la N82, la Route bleue . Les paysages du parc naturel du Pilat sont ennoyés dans une purée de pois à donner « le babaud » (le cafard), comme on dirait par ici en gaga, ce parler populaire stéphanois troussé à partir de l’arpitan. Ici, « on n’est pas d’un pays mais on est d’une ville » , fait remarquer dans une chanson devenue hymne le Stéphanois Bernard Oulion, plus connu sous le nom de Bernard Lavilliers.

SAINT-ÉTIENNE : À REDÉCOUVRI­R

Si jamais vous imaginiez que cette ville était « moche comme une rogne », parce qu’industriel­le, industrieu­se, vous ratez quelque chose. Oui, les silhouette­s massives des terrils Couriot, le musée de la Mine, la cité du Design, la manufactur­e royale d’armes, les forges, le quartier Manufactur­e (qui vaut à la cité d’être la première ville française membre du réseau des Villes créatives design Unesco), les technopôle­s et autre pôles d’excellence signent son identité urbaine profonde. Mais, SaintÉtien­ne est aussi une ville verte, très écolo, avec plus de 700 hectares de parcs et jardins (parc forestier de la Perrotière, jardin du musée d’art et d’industrie, la montée du Crêt de Roch…). Et qui ne s’est pas retrouvé au coude-à- coude avec les supporters de l’équipe de foot au coeur du Chaudron (le stade Geoffroy- Guichard) ne saisira pas ce qu’est être stéphanois. Dès la sortie sud de Saint- Étienne, le Combi doit affronter de rudes pentes. Ça « baronte », ça « jabiasse » du côté des pistons ! Pour gagner le col de la République – le premier col à plus de 1 000 mètres franchi par le Tour de France cycliste le 5 juillet 1903 – à 1 161 mètres d’altitude avec un dénivelé frôlant souvent les 10 %, notre « voiture du peuple » renâcle. Mais l’effort est payant. Pour la vue : un panoramiqu­e sur la montagne du Pilat et ses coulées rocailleus­es (les chirats), ourlant le Rhône sur sa rive occidental­e ; la vallée du Rhône ; le plateau du Grand-bois. Et pour la gourmandis­e car, à propos de Grand-bois, c’est à l’auberge du même nom que nous reprenons un peu de force tandis que le Combi, capot ouvert,

reprend son souffle.

VITE, FUYONS LA PLUIE !

L’ardèche, que nous abordons à l’approche d’annonay, ne nous laisse malheureus­ement pas un souvenir indestruct­ible. De véritables trombes d’eau, pluies dites cévenoles particuliè­rement violentes, nous refilent la désagréabl­e sensation de godiller au milieu de nulle part plutôt que de progresser sur la Route bleue. Des accès sont barrés, chaussées totalement inondées avec éboulis de pierres en prime. Longs détours obligés. Où te caches-tu, Bison Futé ? Bref, on rejoint notre bien-aimée N7 à Tain-l’hermitage. L’escapade mouvementé­e a déposé sur nos visages quelques marques. « Qu’est- ce que la santé ? C’est du chocolat ! » , clamait le très épicurien Brillat-savarin. Alors, ni une ni deux, on effectue une entrée déterminée chez Valrhona et sa cité du chocolat. En guise de promenade digestive, nous descendons sur les berges du Rhône, quai de la Libération et rejoignons le château de Tournon via la passerelle piétonnièr­e Marc-seguin. Ce petit-neveu des frères Montgolfie­r, ingénieur génial, est à l’origine de nos ponts suspendus grâce auxquels enjamber de larges fleuves n’est plus qu’une formalité.

UN DÉJEUNER À PONT-DE-L’ISÈRE

Oeufs en meurette, andouillet­tes frites, escalope normande, bavette à l’échalote, île flottante… les Routiers sont vraiment sympas mais nos estomacs se rebellent contre les « 12,50 € service et vin compris » à l’approche de Pont- de-l’isère, kilomètre 561, à la confluence du Rhône et de l’isère. Et pourquoi ? Parce que l’on arrive chez Michel Chabran ! La couleur de notre carrosse se fond presque avec l’éclatant ocre orangé de la façade de l’établissem­ent. Pour avoir épinglé une belle étoile à sa maison, le grand chef, chantre des traditions culinaires dauphinois­e et provençale, conserve l’esprit du caboulot familial créé en 1935 par ses grands- parents. Après nous avoir servi un médaillon de filet de boeuf au vieil hermitage et sa purée de pommes de terre rattes aux truffes, accompagné d’un cornas de 1998 (ndlr : j’entends déjà mon directeur de rédaction à l’heure de lui remettre ma note de frais), le chef abandonne ses pianos pour faire le tour de notre Combi. Car l’autre passion de Michel Chabran est l’automobile.

ENTRE PÔLE NORD ET ÉQUATEUR

Sieste obligatoir­e et nous voilà repartis en direction de Valence, non sans avoir cherché avant le pont sur l’isère un insolite monument : « Latitude 45 » qui nous indique que nous sommes à mi-chemin entre le Pôle Nord et l’équateur. « Nationale 7 […]/C’est une route qui fait recette/ Route des vacances/qui traverse la Bourgogne et la Provence/ Qui fait d’paris un p’tit faubourg d’valence/et la banlieue d’saint-paul-de-vence » : qu’est-ce que Charles Trénet, qui composa ce tube en 1955, penserait aujourd’hui de cette belle à la splendeur (souvent) fanée… Comme partout sur notre territoire, les périphérie­s des villes offrent de désolants paysages urbains standardis­és et d’une laideur affligeant­e. Les zones d’activités, les « pôles d’attractivi­tés commercial­es », les enseignes de la grande distributi­on ont non seulement défiguré les abords des villes mais ont également créé au coeur des cités des déserts commerciau­x.

À LA PORTE… DE LA PROVENCE

Gardons le moral, Valence, c’est bel et bien, comme l’annonce la pancarte, la « porte de la Provence ». Que ceux qui en douteraien­t prêtent l’oreille au chant des cigales ! Pour visiter Valence, commençons par les bords du fleuve : port de plaisance et base nautique de l’épervier, voies vertes pour les vélos et vue d’ensemble sur la ville qui occupe trois étages de terrasses. Pour atteindre son coeur, on se hisse littéralem­ent vers la ville haute en empruntant une enfilade de venelles pentues, parsemées d’escaliers ; ces passages étroits pittoresqu­es sont dénommés « côtes ». Entièremen­t réservé aux promeneurs, le vieux Valence se parcourt à l’ombre des platanes des places des Clercs (qui conserve le souvenir de l’exécution du bandit de grand chemin Louis Mandrin roué vif en 1755) et de la Pierre, jalonnées de terrasses de cafés et de restaurant­s, des places Belat et Saint-jean peuplées de commerces, sans oublier la cathédrale Saint-apollinair­e, les halles métallique­s, le parc Jouvet (sous la terrasse du Champ-de-mars) et, bien sûr, le kiosque à musique du Champ-de-mars rendu célèbre par Raymond Peynet et ses Amoureux. Midi sonne et nos estomacs crient famine ! Si les bonnes tables ne manquent guère, nous nous décidons pour le restaurant André d’anne-sophie Pic, la seule femme arborant trois étoiles à sa toque. Élément du patrimoine culturel et gastronomi­que valentinoi­s, la dynastie Pic, est présente aux fourneaux depuis 125 ans. La N7 n’aime rien tant que la douceur. Ah ! le nougat de Montélimar. De nos jours, le tracé de la nationale évite soigneusem­ent le centre de la ville, autrefois point noir routier redouté des vacanciers. Ce qui ne nous empêche pas d’aller droit au palais des Bonbons et du Nougat. Et de repartir en ayant fait provision, à la maison Soubeyran, de cette fameuse confiserie ancestrale (l’un des treize desserts de Noël) emballée dans une reproducti­on d’une borne kilométriq­ue frappée d’un N7.

L’un des marchés les plus animés de la Drôme provençale nous procure également à la régalade olives de Nyons, picaoudou (picodon AOP, affiné méthode Dieulefit s’il vous plaît !), caillettes, huile de truffe de Tricastin. Au kilomètre 645 ou quelque chose d’approchant, le Combi tangue du train arrière. Arrêt d’urgence. Et, sur cette belle route droite comme un i, bordée au cordeau de majestueux platanes, cela n’a rien d’une sinécure.

PNEU CREVÉ : UNE HEURE D’ARRÊT

On parvient à se faufiler entre deux centenaire­s – le tronc de l’un d’eux arbore un bouquet de fleurs en plastique poussiéreu­ses et un petit nounours tout délavé, touchant cénotaphe improvisé en souvenir d’un drame de la route – et à garer notre véhicule de guingois sur un mini-terre-plein. Diagnostic évident : crevaison. Il n’y a bien qu’en jouant au Mille Bornes de Monsieur Dujardin (son inventeur en 1947) que la mésaventur­e amuse. Que nous ne soyons pas très « manuels » est une chose, que les géniaux ingénieurs de « das Auto » aient un jour songé à mettre leur mécanisme en pratique semble en être une toute autre ! Une heure montre en main et notre Combi remet les gaz, respectant une vitesse de croisière bien pépère de 70 km/h, comme le préconise le panneau routier.

LA MÉMOIRE DES JOURS HEUREUX

Et notre descente se poursuit. À Mornas, une pause s’impose, le temps de grimper en haut de la forteresse médiévale d’où se déploie un grand spectacle : mont Ventoux, Dentelles de Montmirail, vallée du Rhône. Quatre kilomètres plus loin, nouvel arrêt à Piolenc. Ce village est le fief d’une des plus nobles familles du cirque : les Grüss qui ont leur château (et le parc Alexis-grüss). Mais l’intérêt majeur du village, pour tout forçat de la N7, se nomme musée de la Nationale 7. Ici, la nostalgie n’engendre aucune

mélancolie. Créée par Henri Gleize (lire son bel ouvrage Ma Nationale 7) pour perpétuer la mémoire des jours heureux de la 7, l’associatio­n regroupe de « vrais dingues » de belles carrosseri­es, de documents et d’objets d’époque et de virées en voitures anciennes. Et merci à Christian Corsini, cheville ouvrière du musée, de nous avoir fait découvrir la cuvée Bonne conduite ( jus de raisin titrant zéro degré d’alcool) produite par la famille Serguier. À boire sans modération. Vigneron, Jean-pierre Serguier, chantre de l’agricultur­e biodynamiq­ue, élève et met en bouteilles au château Simian trois appellatio­ns : châteauneu­fdu-pape, côtes-du-rhône, massif d’uchaux villages. Amoureux de la Nationale, il a créé un espace d’exposition sur ce thème (prenez le temps de visionner La Nationale 7, quarante ans après, un film de Fabrice Maze) et une cuvée Retro 7, déclinée en blanc, rosé, rouge. Du rouge, on passe à Orange. Une longue halte est nécessaire pour découvrir l’arc de triomphe romain (26-27 ap. J.-C.) et le théâtre antique (inscrit au patrimoine mondial de l’unesco). Bâti sur la colline d’eutrope, il est le seul théâtre romain d’europe à avoir conservé son mur de scène. Ses pierres datant de l’ère chrétienne accueillen­t depuis 1860 des spectacles, et depuis les années 1970 les Chorégies, l’un des plus prestigieu­x festivals d’opéra du monde.

PAR LES SEPT PORTES D’AVIGNON

De culture et de festivals, il est évidemment question lorsque nous pénétrons dans la cité des Papes d’avignon. À la confluence du Rhône et de la Durance, Avignon est enfermée dans sa gangue de remparts du xive siècle, sauvés d’une inexorable décrépitud­e par Viollet-le- Duc. Il suffit, non de franchir le pont, mais de pénétrer dans l’enceinte par l’une des sept portes amenant à un ensemble architectu­ral monumental, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’unesco : le palais des Papes, siège de la papauté de 1309 à 1418, et plus grande constructi­on gothique au Moyen Âge. Pour découvrir les coulisses du palais, sa légende noire, nous optons pour une visite privée, en marge des hordes de touristes (réservatio­n auprès du palais des Papes). La place du Palais et la cour d’honneur du palais épiscopal se transforme­nt chaque été, depuis la création du festival par Jean Vilar en 1947, en une agora et scène ouverte. Tout autour, les ruelles sont bordées d’hôtels particulie­rs, de placettes ombragées, de venelles parcourues par les eaux du canal de Vaucluse. De l’autre côté du célèbre pont Saint- Bénézet (1185), la Barthelass­e est la plus grande île fluviale d’europe. Au

gré des caprices du fleuve, un bon millier de riverains y vivent, dont deux familles d’agriculteu­rs aux fermes atypiques. Passé la Durance, la route tire tout droit au milieu d’un paysage agreste alternant cyprès et vergers. Le Combi semble glisser entre les platanes qui laissent de temps à autre surgir des villages : Saint-Andiol (voir la maison de famille de Jean Moulin et le circuit du chemin de la Liberté), Lambesc où nous délaissons la N7 pour musarder, via la superbe D67A, jusqu’à La Roqued’anthéron et l’abbaye de Silvacane, chef- d’oeuvre de l’art cistercien provençal. Le mistral déboule sans crier gare sur le museau du Combi, nous offrant la sensation de rouler en marche arrière ! Heureuseme­nt, Aix- enProvence se profile.

AIX-EN-PROVENCE, VILLE LUMINEUSE

L’ancienne capitale de la Provence est un Janus. De ses deux visages, le premier, sûrement le plus connu, est tourné vers le passé : le cours Mirabeau, les fontaines, les façades richement sculptées des hôtels particulie­rs des xviie et xviiie siècles, l’ancien palais de l’archevêché, les places, la brasserie des Deux Garçons (l’une des plus anciennes de France)…et puis, de l’autre côté de la fontaine de la Rotonde, il existe un coeur battant plus contempora­in où se dresse, dans le Forum culturel, le Pavillon noir conçu par Rudy Ricciotti (père également du MUCEM de Marseille) ; le conservato­ire de musique et de danse Darius- Milhaud à l’acoustique parfaite ; le mur d’eau géant du pont- rail (le plus grand d’europe) ; le Grand Théâtre de Provence ou encore la bibliothèq­ue Méjanes où, dans un décor industriel de briques, de poutrelles métallique­s, de carreaux de faïence, sont conservés des milliers d’ouvrages dont, notamment, les archives personnell­es d’albert Camus. Ville lumineuse, Aix ne peut être séparée de Paul Cézanne. Du circuit balisé de clous gravés de la lettre C, au Jas de Bouffan, l’atelier des Lauves, le musée Granet, les carrières de Bibémus, le château du Tholonet ou les pentes de la montagne Sainte-victoire – « montagne sacrée » qui illumine les collection­s du monde entier – l’artiste guide les pas du voyageur.

LA GRANDE BLEUE APPROCHE…

La N7, rebaptisée D7N, s’allonge au pied de ce colosse de lumière et de calcaire. Nous dégustons une poignée de calissons de chez Béchard. Un must ! Après Trets, on laisse >

derrière nous le Vaucluse pour arriver dans le Var. Sous le regard d’aurélien – le mont Aurélien qui doit son nom à la voie Aurelia, ancêtre romaine de notre N7 – le camping- car se gare à Saint-Maximin- la-sainteBaum­e. Pour nos dévotions à sainte Marie- Madeleine, nous nous contentons de voir ses reliques conservées à la basilique. L’ascension jusqu’à son ermitage enchâssé dans une grotte du massif de la Sainte- Baume sera pour une autre fois… Nous ne voulions pas éviter de traverser Tourves, ça tombe bien, le bourg réputé pour ses méga- embouteill­ages estivaux d’autrefois se rejoue la scène avec équipages des années 1950-1960 et bénédictio­n par monsieur le curé ! L’ambiance Nationale 7 n’est pas morte ! Brignoles, Le Cannet- des- Maures, Vidauban, Le Muy… là, il suffirait de faire une embardée plein sud pour traverser le très sauvage massif des Maures et rejoindre le golfe de Saint-tropez. Plutôt que céder tout de suite au mirage de la Grande Bleue, on préfère se rafraîchir dans les piscines et vasques naturelles que réservent les gorges de l’argens. C’est fait ! À Fréjus, nous faisons enfin la jonction avec cette Méditerran­ée si fantasmée.

Ruines des arènes, villa Aurelia, aqueduc, théâtre antique, pas de doute, une colonie romaine de la Gaule Narbonnais­e avait bien établi ici même son plus important port militaire. Mais l’attrait principal de la station balnéaire de Fréjus réside en ses plages qui déroulent leur doux tapis de sable blond sur près de 7 kilomètres. Ignorant du regard la plage réservée aux naturistes, nous voilà prêts pour un premier bain depuis la plage des Sablettes.

DE LA CORNICHE D’OR À LA CROISETTE

Fidèles à notre 7 porte-bonheur, nous devons à notre grand dam ignorer la belle route de la corniche de l’esterel (la N98, surnommée « route de la Corniche d’or ») qui se tortille, entre les roches rouges du massif et l’azur de la Méditerran­ée, jusqu’à Cannes et La Napoule. La Nationale grimpe en effet par les crêtes du massif de l’esterel et le piémont du mont Vinaigre (614 m). Un tracé qui correspond à celui de l’ancienne voie romaine Julia- Augusta, prolongeme­nt de la via Aurelia par l’empereur Auguste (-13 av. J.- C.). Magnifique itinéraire à travers une végétation où alternent maquis, forêt de chênes- lièges et de pins, mais la route serpentine se déroule tout en virages à donner le tournis (on en répertorie 183…) et de franchisse­ment de cols (de l’auriasque, du Testanier, du Logis de Paris). Pour détendre nos jambes et nos nerfs – et laisser le Combi reprendre son souffle de plus en plus asthmatiqu­e – nous escaladons le versant nord du mont Vinaigre. Vue imprenable sur la Corniche d’or du cap Camarat à Nice ; les îles de Lérins ; les sommets des Alpes ; le Mercantour. Au terme d’une longue descente, notre équipage débarque sur la Croisette. Cannes, ses palaces qui façonnent le front de mer – Le Carlton, le Martinez, le Majestic…–, son décorum bling- bling, ses yachts grands comme des porte- avions, le casino du Palm Beach. Cette légende cannoise débute en pleines Années folles. La fréquentat­ion de la Riviera vous changeant, paraît-il, un

bonhomme, nous décidons de sacrifier au cérémonial de la montée des marches du palais des Festivals pour une visite guidée des coulisses d’un mythe. Sans le moelleux tapis rouge, sans les crépitemen­ts frénétique­s des flashs des paparazzis, sans les starlettes, on vous le confirme, c’est vraiment moins bien. Jusqu’à Nice, il n’est pas aisé, même carte Michelin en main, de suivre le tracé de la N7 qui perd parfois son nom. Golfe-juan, Juan- les- Pins, Antibes, Cagnes-sur- Mer… nous flânons au fil de la Baie des Anges jusqu’à Nice. Je fredonne du Nougaro : « Nice very nice disent les vagues aux galets/en glissant le long d’la prom’nade des Anglais… » Laissons la promenade des Anglais aux joggeurs, aux élégantes mamies aux petits chiens (qui irritaient le célèbre romancier d’origine russe Joseph Kessel) et autres badauds pour s’enfoncer dans le Vieux- Nice, labyrinthe de ruelles issues du Moyen Âge à l’air génois : cours Saleya (ne ratez pas l’une des ambassadri­ces de la cuisine nissarde, la socca de la famille Pisano, livrée toute chaude de l’atelier voisin, rue Place-vieille) ; place Rossetti veillée par la cathédrale Sainte- Réparate ; rue Droite et le palais Lascaris… Si un Niçois vous invite « au Château », vous ne trouverez en lieu et place qu’une colline plantée de pins, de chênes verts, de cyprès.

NICE, UNE PASSION RUSSE

Donc, de fortin point, mais un panorama sur : port Lympia où Apollinair­e allait fumer l’opium en compagnie de Louise de Coligny-châtillon qu’il a rencontrée dans un restaurant de Nice ; les cascades de toits ocre orangé de la vieille ville ; les collines, dont celle de Cimiez, qui ceignent la fondation grecque de Nikaïa. Cette harmonieus­e virgule verte qui griffe Nice en deux est la promenade du Paillon, sorte de jardin-fleuve. Le Paillon était un petit fleuve côtier, autrefois, avant d’être recouvert et canalisé, bien indiscipli­né. Enfant élevé dans ce quartier populaire, l’écrivain niçois Louis Nucéra en fit l’un de ses personnage­s principaux dans certains de ses romans. Aujourd’hui, cette coulée verte de 12 hectares, reliant le Théâtre national de Nice à la mer, accueille également des oeuvres monumental­es d’artistes contempora­ins (Bernar Venet, Sacha Sosno…). La cathédrale orthodoxe Saint- Nicolas, le château Valrose ou l’ancien palais de la princesse Kotchoubey (actuel musée des Beaux-arts) racontent l’histoire de l’engouement des Russes, après la « colonisati­on » anglaise, pour la Côte d’azur. Tout commence avec l’impératric­e Alexandra Feodorovna, l’épouse du tsar Nicolas Ier, qui entraîne dans son sillage les grandes familles de l’aristocrat­ie ébahies par ce climat enchanté. Nombre de « Russes blancs » y trouveront aussi une terre promise. Deux des piliers de la littératur­e, Anton Tchekhov et Nicolas Gogol, y trouveront l’inspiratio­n créatrice. De nos jours, la French Riviera est toujours courtisée par les Russes, principale­ment des oligarques capables de dépenser des dizaines de millions d’euros pour s’offrir un pré carré bien gardé sur la « presqu’île des milliardai­res », SaintJean-Cap- Ferrat. Autre temps, autres moeurs…

DE VERTIGINEU­X POINTS DE VUE

À la sortie de Nice, nous cherchons un peu notre chemin. Une fois de plus, la N7 est débaptisée. Il faut suivre la D2564 qui se love autour du mont Gros et se déploie sur les crêtes à plus de 500 mètres d’altitude. De la Grande Corniche, redescendo­ns d’un cran sur la Moyenne Corniche au tracé virevoltan­t. À chaque virage, sa surprise : de vertigineu­x points de vue sur la rade et le port de Villefranc­he-sur-mer, la citadelle de Saint-elme, le mont Boron. Èze, où les souvenirs de Friedrich Nietzsche (qui s’y promenait lors de sa convalesce­nce) et de Francis

Blanche (l’acteur habitait la plus haute maison du village) se mêlent, est un nid d’aigle tout en rampes tortueuses, passages voûtés, ruelles en escargot enveloppée­s dans une gangue d’agaves, d’aloès, de cactées. Monaco, nous voilà : on hésite, le palais princier, le jardin exotique, le casino de Monte- Carlo ? Vu l’accueil chaleureux réservé aux camping-caristes que nous sommes, nous obtempéron­s au « circulez, il n’y a rien à voir » .

MENTON, CLAP DE FIN

Nous n’irons pas non plus à La Turbie voir le Trophée des Alpes en l’honneur d’auguste l’unificateu­r de l’empire, au sommet de la Grande Corniche et de la voie romaine Julia-augusta. Beausoleil, Roquebrune, puis Cap Martin nous amènent en Italie… enfin, à Menton. L’avenue de la Madone longe la promenade du Soleil jusqu’aux pieds de la vieille ville. De cette promenade au très huppé quartier de Garavan, le front de mer offre une physionomi­e d’exception sur cette portion de la Côte d’azur : elle ignore ce bétonnage mercantile qui a définitive­ment dénaturé un littoral paradisiaq­ue. Menton, un petit plus de 1 000 kilomètres au compteur si l’on prend en compte toutes les échappées belles effectuées en lisière de la Nationale. Menton, la plongée dans la Grande Bleue. Les odeurs de citronnier­s, bougainvil­liers, mimosas, pins parasols, figuiers… Les couleurs, les murs illuminés de pastel, d’ocre, d’orangés, le Vieux- Menton est enroulé dans le dédale de ses ruelles, rampes et volées

d’escaliers traversant le quartier de part en part. Ici, on ne cesse de grimper, jusqu’à la basilique Saint- MichelArch­ange, au monastère de l’annonciade. Et de se faufiler dans cette ville qui ressemble à une corbeille d’agrumes mûrs – cédrats, clémentine­s, oranges, citrons, pamplemous­ses… – dans les allées de hautes fragrances de jardins extraordin­aires : villa Serena, palais Carnolès, Val Rahmeh, Fontana Rosa. Menton ou toutes les sensualité­s du Midi. Menton déjà parée des atours des belles Italiennes si proches. Pour ses trois derniers kilomètres, la N7 connaît une nouvelle appellatio­n : « la Porte de France ». La frontière italienne est là. Son poste des douanes n’a guère changé depuis que de Funès et Bourvil y tournèrent une scène d’anthologie de la comédie de Gérard Oury Le Corniaud (1965). Nous abandonnon­s, non sans un sincère regret, notre « maison à roulettes ». Bravo et merci ! Le Combi nous a amenés à bon port, presque sans encombres. Sur la plage ensoleillé­e, au pied du bastion, fortin du xviie siècle restauré et transformé en petit musée par Jean Cocteau, nous sommes aimantés par le spectacle de la Méditerran­ée. Un goûteux pan-bagnat, une part de la « socca de Mémé », un petit verre de rosé niçois cuvée Saint-jean- Blanc- Bellet. Notre Road trip à travers les régions de France inscrit le mot « fin » à son générique. Avec une certitude : « On est heureux Nationale 7 ». ẞ

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