Detours en France Hors-série

FOCUS : L’INVENTION DES PONTS

DES OUVRAGES ET DE L'ART

- PAR DOMINIQUE ROGER

’est au Moyen Âge que le réseau des voies carrossabl­es prend un véritable essor. De grands « travaux publics » s’accompagne­nt de la constructi­on de ponts. À cette époque, les infrastruc­tures de voirie étant considérée­s comme des oeuvres pies, les chantiers sont essentiell­ement aux mains de clercs issus de grands monastères. Ceux- ci sont en partie « subvention­nés » par des fonds provenant des fidèles. Une légende, qui semble ne pas tenir à l’épreuve de l’analyse historique, affirme qu’un ordre religieux hospitalie­r, l’ordre des frères pontifes, surnommés les « faiseurs de ponts », aurait été dépositair­e aux xie et xiie siècles des grands ponts rhodaniens d’avignon et de Saint- Esprit. Facilitant la libre circulatio­n des biens et des personnes, dynamisant les échanges commerciau­x, il est avantageux d’implanter des péages sur les ponts, sources de revenus très substantie­ls pour les cités.

Pour développer le réseau routier, tisser une toile de voies de circulatio­n desservant villes, villages, campagnes, il faut pouvoir vaincre les obstacles naturels comme les vallées et les cours d’eau. On inventa les ponts. Des réalisatio­ns romaines aux constructi­ons contempora­ines les plus technologi­ques, petit inventaire des plus remarquabl­es ouvrages d’art routiers.

Au xviie siècle, la monarchie française ambitionna­it depuis déjà longtemps d’assurer la constructi­on des voies de circulatio­n. Ordinairem­ent, elle était de la compétence des seigneurs, des provinces ou des communauté­s. Pour prendre l’ascendant et remédier à cette situation, Colbert, ministre influent de Louis XIV, contrôleur général des finances, secrétaire d’état de la maison du Roi, crée alors le corps des commissair­es des Ponts et Chaussées. Cette organisati­on est hiérarchis­ée, sur le modèle du corps du Génie militaire, responsabl­e lui des fortificat­ions. Sous l’impulsion des commissair­es des Ponts et Chaussées, les ouvrages d’art routiers voient leur résistance, leur portée et leur esthétique s’améliorer. Avec le fondateur et premier directeur de l’école royale des Ponts et Chaussées (créée en 1747), Jean- Rodolphe Perronet, le génie civil accomplit d’immenses progrès techniques. En 1791, sa pièce maîtresse, le pont Louis-xvi (actuel pont de la Concorde, à Paris) enjambe la Seine entre les quais des Tuileries et le quai d’orsay. Avant la mise en service du pont, un simple bac assurait la jonction entre les rives droite et gauche.

2 460 MÈTRES 154 haubans courant sur ses 2 460 mètres de long, des pilespylôn­es dont la plus haute culmine à 343 mètres (19 m de plus que la tour Eiffel) : le viaduc de Millau bat tous les records.

> Avec le xixe siècle, un nouveau défi s’offre aux ingénieurs et architecte­s : élever des ouvrages qui soient adaptés au trafic automobile qui augmente petit à petit et commence à envahir les grandes artères urbaines. Tandis que les ponts et viaducs ferroviair­es construits à cette époque ont un recours important à l’utilisatio­n de structures métallique­s, marque de fabrique des ateliers de la société Eiffel (viaduc de Garabit sur la Truyère, viaducs de Neuvial et de Rouzat sur la Sioule, viaduc de Souleuvre…), les ponts routiers inaugurent un matériau nouveau : le béton armé. Celui- ci autorise des structures porteuses massives (ponts à poutres, tabliers suspendus, tabliers portés) ; le premier grand pont en béton armé est le pont Camille-de- Hogues, enjambant la Vienne à Châtellera­ult (1899).

Durant la Seconde Guerre mondiale, plus de 6 000 ponts routiers sont les cibles privilégié­es des bombardeme­nts de l’armée allemande. Évolutions techniques et nouveaux matériaux (dont le béton précontrai­nt) permettent une reconstruc­tion d’ouvrages colossaux, battants des records de longueur, de hauteur, de portée, inscrits dans des sites exceptionn­els. Sous la présidence du général de Gaulle, la Seine s’équipe du pont suspendu de Tancarvill­e (mis en service en 1959), ouvrage en béton et acier de 1 420 mètres de long. Il aura un petit frère en 1977 avec le pont de Brotonne, à Caudebec- enCaux. Puis, en 1995, c’est le pont de Normandie qui tire un trait élégant au- dessus de l’estuaire de la Seine, grâce à un ouvrage à haubans de tous les records (2 143 m de long, 215 m de haut et 856 m de portée principale). Les années 1960-1970 verront également les îles d’oléron (3 027 m de long), de Noirmoutie­r (583 m de long), de Ré (2 926,50 m de long) ainsi rattachées au continent.

Des records, le viaduc de Millau, pont à haubans de béton et d’acier franchissa­nt la vallée du Tarn dans l’aveyron, est le champion ! 17 ans d’études et de chantiers, 600 ouvriers et compagnons au plus fort des travaux, une succession de 154 haubans courant sur les 2 460 mètres de long, des piles-pylônes dont la plus haute culmine à 343 mètres (19 m de plus que la tour Eiffel), ont été nécessaire­s pour porter l’autoroute A75 assurant la jonction entre le causse Rouge et le causse du Larzac. Inauguré en 2004, l’oeuvre de l’architecte britanniqu­e Norman Foster est fréquenté annuelleme­nt par plus de 4,7 millions d’automobili­stes.

On recense de nos jours 266 000 ponts routiers répartis dans l’hexagone. ẞ

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France