Detours en France Hors-série

LA ROUTE DES GRANDES ALPES

- PAR DOMINIQUE LE BRUN

VOICI SANS AUCUN DOUTE L’ITINÉRAIRE LE PLUS PRESTIGIEU­X DONT ON PUISSE RÊVER EN FRANCE. DES BERGES DU LAC LÉMAN AUX RIVAGES DE LA MÉDITERRAN­ÉE EN LONGEANT QUASIMENT L A LIGNE DE CRÊTE DES ALPES ! PLUS DE 700 KILOMÈTRES, 17 GRANDS COLS, L A TRAVERSÉE DE TROIS PARCS NATURELS NATIONAUX : DE THONON- LES- BAINS À MENTON, IL FAUT PRÉVOIR UNE PETITE SEMAINE.

C’est une route authentiqu­ement historique que celle aujourd’hui appelée des Grandes Alpes. À l’époque de sa conception, dans les années 1900, les prospectus de la ligne de chemin de fer Paris- Lyon- Méditerran­ée vantaient « La Route des Alpes et du Jura » par services automobile­s PLM, de Nice à Belfort. Les gérants de la compagnie avaient bien compris que, pour attirer la clientèle, il fallait lui proposer des continuati­ons au voyage en train. Ainsi naquirent les auto- cars, longues automobile­s découverte­s à six rangées de banquettes qui, à partir des gares de plaine, remontaien­t les vallées alpines et gravissaie­nt les cols. En 1911 fut ainsi conçu l’itinéraire dit « Route des Alpes », qui reliait entre eux tous les grands cols. Et c’est ici que commence l’histoire, car l’état français, en qualifiant ces routes de « nationales », les prit du coup en charge, ouvrant des chantiers qui faisaient travailler la main- d’oeuvre locale, tandis que l’aspect stratégiqu­e de ce programme d’équipement justifiait l’interventi­on de bataillons de chasseurs alpins. Pour dire la dimension de cet immense chantier : les travaux s’achevèrent seulement en 1937, avec l’ouverture du col de l’iseran. Pour faciliter la lecture, nous avons divisé cet itinéraire en cinq tronçons, de grand col en grand col. Ces parties ne doivent surtout pas être considérée­s comme des suggestion­s d’étapes, ces dernières dépendant de paramètres aussi divers que la puissance du véhicule utilisé, les conditions météorolog­iques, l’état de la route et de la circulatio­n…

DU LAC LÉMAN AU COL DES ARAVIS

Entre Thonon- les- Bains (372 m) et le col des Aravis (1 498 m), on traverse tout le départemen­t de la HauteSavoi­e, sillonnant les pays du Chablais et du Faucigny pour atteindre celui des Aravis. C’est le voyage aux alpages ponctués de chalets fleuris, terroir d’origine de l’abondance, la célèbre vache laitière qui, avec la tarine (quant à elle, originaire de Tarentaise) fournissen­t deux fromages fameux : l’abondance, dans le Chablais, et le reblochon, dans les Aravis. Si les paysages donnent parfois l’impression de parcourir des cartes postales, il ne faut pas s’y tromper : ce n’est point pour séduire le touriste, mais tout simplement parce que la Haute-savoie a su conserver son authentici­té. Et c’est peut- être dans ses vieilles stations de sports d’hiver que l’on s’en rend le mieux compte, ainsi Morzine, le Grand- Bornand (et son marché au reblochon) et la Clusaz. La hâte de s’attaquer aux cols alpins ne doit pas faire oublier le charme de Thonon, ville thermale au bord du Léman, qu’il s’agisse de sa plage,

de son port ou des parcs autour du château. On pourra ensuite s’engager dans les spectacula­ires gorges du Pont du Diable. À ne pas manquer en cours de route : le coup d’oeil sur la chartreuse du Reposoir (après Scionzier) et le panorama depuis les cols de la Colombière (1 613 m) et surtout celui des Aravis où la vue s’ouvre sur le massif du Mont- Blanc, le toit de l’europe !

DU COL DES ARAVIS AU COL DE L’ISERAN

En franchissa­nt le col des Aravis, on est passé de HauteSavoi­e en Savoie, et avec les massifs du Beaufortai­n et de la Tarentaise, on entre dans les pays de la haute montagne. Et quel contraste entre montagne artificiel­le et sanctuaire de la nature sauvage ! La première est le domaine des grandes stations de sports d’hiver d’altitude : les Arcs, La Plagne, Courchevel, Méribel, Les Menuires et Val Thorens ... Les embouteill­ages pendant les vacances d’hiver ont fait la réputation de la Tarentaise. Le sanctuaire alpin est le parc national de la Vanoise, que longe la Route des Grandes Alpes. La traversée du massif du Beaufortai­n est décrite par le menu dans l’itinéraire consacré au tour du mont Blanc (page 78). Entrons donc directemen­t en Vanoise. Comme la route s’élève au-dessus de Bourg-saint-maurice, l’ambiance minérale de la haute montagne s’impose. Ici, tout semble démesuré, à commencer par le barrage de Tignes décoré d’une fresque de 12 000 mètres carrés ! Puis avant Val-d’isère, la vue depuis le téléphériq­ue du Rocher de Bellevarde, qui laisse apercevoir le versant italien du mont Blanc. Et ensuite le Belvédère de la Tarentaise où la vue porte sur l’ensemble des sommets de la Vanoise. Encore une série de virages, et voici le col de l’lseran, à 2 770 mètres d’altitude. Même en plein été, il y fait frais dès que le soleil se cache et que souffle le vent.

DU COL DE L’ISERAN AU COL DU GALIBIER

Le col de l’iseran nous fait passer dans la vallée de la Maurienne, longeant maintenant le flanc sud de la Vanoise, après avoir fait une halte au Belvédère de la Maurienne où le panorama est à couper le souffle avec, dans l’alignement du village de Bonneval-sur-arc, la silhouette en forme d’enclume de l’albaron (3 638 m). L’arrêt à Bonneval s’impose, pour apprécier combien ce village a su conserver son cachet ancien. À voir aussi, Vincendièr­es et la vallée d’avérole où se succèdent hameaux et oratoires, jusqu’à un refuge, au pied de l’albaron. Un autre détour s’impose à Lanslebour­g-mont- Cenis, où la route nationale 6 monte vers le col et le lac du Mont- Cenis : si l’été, elle donne accès au val de Suse, en Italie, l’hiver, elle devient une piste de ski

de descente ! Au fur et à mesure que par une route large et facile, on descend la vallée, l’atmosphère de la plaine l’emporte sur celle de la haute montagne à laquelle on s’était habitué : À Saint-michel-de-maurienne, on n’est plus qu’à 654 mètres d’altitude ! C’est pourquoi la pente est forte et les villages nombreux pour atteindre, en moins de 12 kilomètres, les 1 566 mètres du col Télégraphe puis la station de Valloire. Et ce n’est encore rien puisque, dans la foulée, nous attend le col du Galibier. Avec 2 646 mètres d’altitude, il réserve le même climat de haute montagne que celui expériment­é à l’iseran, mais peut-être les derniers lacets de la route paraissent-ils plus raides encore ?

DU COL DU GALIBIER AU COL DE VARS

Du départemen­t de Savoie, nous passons à celui des Hautes- Alpes, franchissa­nt tout de suite le col du Lautaret (2 057 m) où une longue halte s’impose. Son jardin alpin réunit 2 000 plantes d’altitude en provenance de massifs du monde entier, tandis que le massif de la Meije et ses pics majestueux à plus de 3 800 mètres valent aussi le coup d’oeil. Descendant ensuite vers le Briançonna­is, on longe la face nord- est du parc national des Écrins, défilant au pied de la Barre des Écrins et du Pelvoux. Pour ses remparts et sa citadelle, Briançon mérite l’étape : bien sûr, on remontera la Grande Gargouille, et au bout de la rue d’asfeld, on appréciera la porte de la Durance et son fabuleux point de vue sur les vallées. Du Briançonna­is, le col de l’izoard (2 361 m) donne accès au massif du Queyras, et c’est peut- être ici que l’on mesure le mieux les différence­s d’ambiance entre Alpes du Nord et du Sud : les escarpemen­ts sont plus prononcés tandis que le climat montre clairement une influence méditerran­éenne. La descente de l’izoard, parmi les éboulement­s desséchés de la Casse Déserte, en est caractéris­tique. L’itinéraire de la Route des Grandes Alpes ne pénètre pas dans le Queyras ; il serait dommage de ne pas faire le détour par Saint-véran, un des plus beaux villages de toutes les Alpes, mais aussi réputé commue le plus élevé d’europe,

avec ses 2 040 m d’altitude. On descendra ensuite les gorges de la Combe du Queyras jusqu’à Guillestre où la route remonte, raide, vers le col de Vars. Notez, dès les premiers virages, la vue sur la remarquabl­e forteresse de Mont- Dauphin, une des plus belles réalisatio­ns de Vauban. Au col de Vars (2 111 m), on entre dans les Alpes- de- Haute- Provence.

DU COL DE VARS À LA MÉDITERRAN­ÉE

Au pied du col de Vars, on descend la vallée de l’ubaye et à Barcelonne­tte, on penserait avoir retrouvé les pays de plaine. Mais non, car en amont de la charmante petite ville, on s’engage dans une route étroite, plus sinueuse et plus raide que tout ce que l’on a pu connaître jusqu’alors. C’est la route de la Bonnette, réputée la plus haute de France, même si le col éponyme se trouve à « seulement » 2 715 mètres d’altitude. Et si ensuite, on roule dans les Alpes- Maritimes, on est loin d’en avoir fini avec la montagne. D’ailleurs, on traverse le parc national du Mercantour : sous le col, Saint-Dalmas- le-selvage, Saint-Étienne- de-tinée et Auron sont le point de départ vers les plus sauvages de ses sanctuaire­s naturels. Au bout des gorges de Valabres, après Saint-sauveur-surTinée, on rejoint le col Saint- Martin (1 504 m), porte de La Vésubie. Parce que les habitants de la côte viennent

3 800 MÈTRES Une halte au col du Lautaret (2 057 m) s’impose. Son jardin alpin réunit 2 000 plantes d’altitude en provenance de massifs du monde entier, tandis que le massif de la Meije et ses pics majesteux à plus de 3 800 mètres valent aussi le coup d’oeil.

volontiers en été y chercher un peu de fraîcheur, la vallée de La Vésubie est surnommée la Suisse niçoise. On y trouve de vrais paysages alpestres (en montant à la Madone de Fenestre depuis Saint- Martin-vésubie, par exemple). Plus au sud, le col de Turini est le dernier col vraiment montagnard du grand voyage commencé sur les rives du lac Léman. Si son altitude n’est que de 1 604 mètres, la route y est particuliè­rement étroite, sinueuse et escarpée ; il n’est pas déplacé de recommande­r ici la plus grande prudence. Mais de ne pas hésiter non plus à faire le détour par le massif de l’authion qui offre, depuis ses 2 078 mètres, un panorama exceptionn­el sur le sud des Alpes. Après un arrêt à Sospel, le col de Castillon marque le début de la plongée vers la mer puisque, à 706 mètres d’altitude, il n’est éloigné de Menton que de 24 kilomètres à vol d’oiseau. Aussi, en découvrant le port de Menton au pied de la vieille ville, la Promenade du Soleil au- dessus de la plage, les parcs et jardins à la végétation luxuriante, on a peine à admettre que ce grand voyage à travers les sommets alpins n’était pas un rêve. ẞ

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