Detours en France Hors-série

LA ROUTE ROYALE NICE TURIN

NICE-TURIN

- PAR PHILIPPE BOURGET

225 KILOMÈTRES SÉPARENT LES DEUX VILLES. SUFFISANT POUR PASSER DE LA DOLCE VITA AZURÉENNE AU DYNAMISME PIÉMONTAIS, EN REMONTANT L A VALLÉE DE L A ROYA. CAR L’E74 FRANCO- ITALIENNE, DEPUIS BREIL- SUR- ROYA SE FAUFILE AU PIED DES FALAISES, LONGE LE MERCANTOUR, AVANT DE FRANCHIR LE TUNNEL DE TENDE ET DE REJOINDRE VERNANTE, LE VILLAGE DE PINOCCHIO. RESTE À DÉVALER LES ALPES PIÉMONTAIS­ES VERS CUNEO, SALUZZO ET MONDOVI, AVANT DE RETROUVER LA MAGNIFICEN­CE TURINOISE.

Un itinéraire en immense « dos d’âne ». C’est le cheminemen­t que nous vous proposons de Nice à Turin, depuis le rivage méditerran­éen jusqu’à la plaine du Pô, en passant par la haute échine alpine. Cette route fut royale car elle reliait l’ancien comté de Nice à l’ex- capitale du royaume de PiémontSar­daigne, Turin. Une route du sel et des étoffes. Une voie diplomatiq­ue, aussi. Nice et la Roya ne furent rattachées à la France qu’en 1860. Les sensations éprouvées en roulant sur la sinueuse D2204 sont multiples. À la sortie de Nice, vous apercevrez des villas récentes accrochées aux versants, un habitat résidentie­l construit un peu à l’emporte-pièce. Elles démontrent l’attractivi­té brouillonn­e de la métropole niçoise. Une ville que vous aurez sans doute arpentée au préalable, en arrivant dans la région. La grâce de la promenade des Anglais et du vieux Nice ne souffre en effet aucune entorse.

DE CANTARON À VINTIMILLE

Il faut donc dépasser Drap pour commencer à apercevoir les signes d’un paysage plus virginal. Cantaron, puis L’escarène, rappellent avec leurs maisons groupées au-dessus du Paillon le calfeutrag­e habituel des bourgs alpins. La route s’élève et une fois franchi le col de Braus (1 000 m), Sospel s’affirme comme le véritable premier témoin de ces Alpes-maritimes, bercées par l’azur méditerran­éen mais déjà empreintes de rigueur montagnard­e. À pied (aire de stationnem­ent ombragée près de la cave coopérativ­e), vous appréciere­z les places Saint-nicolas et Saint-michel et leurs maisons anciennes, séparées par le vieux pont à péage jeté sur la Bévéra. Poursuivon­s plein nord, en direction de Breil-surRoya (à 22 km). La D2204 se fait sinueuse, à flanc de versant, franchissa­nt les cols du Pérus (659 m) et de Brouis (875 m). À droite, depuis votre poste de conduite, la vue plonge sur la vallée boisée de la Roya et la route de Vintimille.

SAORGE, « VILLAGE TIBÉTAIN »

Comme les communes du secteur, Breil-sur-roya mérite une halte… pédestre. La touche italienne est déjà là. Place à arcades, façades colorées : pas de doute, nous y sommes ! À voir aussi : l’orgue orchestral de l’église. Au xixe siècle, les villages de la Roya, tous savoyards, se sont offert de magnifique­s instrument­s pour transcrire les airs d’opéra en vogue et attirer les fidèles par leur luxe baroque. Après Breil, vous entrez dans le corridor de la Roya, route spectacula­ire (la D6204) taillée dans le roc de la vallée, au pied du Parc national du Mercantour. Soudain, une apparition : Saorge. Bâti en amphithéât­re, ce « village tibétain » des Alpes du Sud se compose de ruelles en dédale sur trois niveaux, des passages voûtés, des escaliers, des maisons médiévales. Une poignée de kilomètres en amont, engagez-vous à droite, à hauteur de Saint-dalmas-de-tende, sur la route qui mène à La Brigue. Un village « bout du monde » et peu fréquenté. De l’autre côté des lignes de crêtes dénudées, c’est l’italie, zone frontalièr­e et théâtre d’anciennes contreband­es. La Brigue et son splendide orgue orchestral (dans l’église) est le dernier village, avec Tende, à avoir été rattaché à la France, en 1947.

BENVENUTI IN ITALIA !

À Tende, bourg frontalier, déambulez dans la vieille ville, jalonnée de maisons aux linteaux armoriés et habillées de schiste, dominée par le clocher lombard de l’église Notre - Dame-de-l’assomption. C’est encore loin l’italie ? La route s’élève à travers la forêt de Caïros, laissant entrevoir sur les crêtes les vestiges de forts militaires, reliquats de l’imposant système défensif italien du xixe siècle Et soudain, c’est le noir… Celui du tunnel de Tende, étroit corridor blafard de 3 kilomètres, débouchant en Italie. Avant la fin du percement du second « tube », prévue en 2019, il faudra conduire avec prudence (le tunnel est fréquemmen­t fermé la nuit

pendant ces travaux). Benvenuti in Italia ! La route dévale le versant transalpin en lacets, traverse la station de Limone Piemonte et parvient à Vernante. Stop ! Ce village d’apparence anonyme abrite des dizaines de fresques murales à la gloire de Pinocchio. L’illustrate­ur de la célèbre marionnett­e, Attilio Mussino, a vécu ici. Pour lui rendre hommage, des habitants ont accepté que les façades de leurs maisons soient peintes de scènes « pinocchies­ques ». L’E74 dévale ensuite jusqu’à Cuneo, important chef-lieu de province et ville-phare du Piémont. À voir entre deux ristretti : sa célèbre piazza Galimberti et sa via Roma à arcades.

LA BASSE MONDOVI, LA HAUTE SALUZZO

Deux petits « écarts de conduite » sont bienvenus pour s’imprégner des richesses piémontais­es : Mondovì, 23 000 habitants et Saluzzo, 17 000 habitants. Les maisons en brique rouge de Mondovi, ses vieux commerces, son indicible animation « à l’italienne », sont surplombés par une ville haute aux tours conquérant­es, que l’on rejoint par un charmant funiculair­e. À Saluzzo aussi la brique est reine. Comme à Mondovì, la ville haute fait écho à la basse, dans les ruelles, palais, arches en ogive, tours, balcons et terrasses de cafés. Un vrai bonheur, surtout quand les habitants descendent dans les rues. Turin, 60 kilomètres au nord de Saluzzo, clôt l’itinéraire. Baroque et corsetée, la capitale piémontais­e échappe aux clichés habituels sur l’italie désordonné­e. Une métropole de charme pour achever un périple haut en couleur et en richesses historique­s. ẞ

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