Detours en France Hors-série

LA ROUTE NAPOLÉON

LA ROUTE

- PAR DOMINIQUE LE BRUN

Un itinéraire historique, encore ! Celui- ci suit la route nationale 85 ; ce qui n’empêche que, tout au long des 325 kilomètres de la Route Napoléon, se succèdent des paysages à vous couper le souffle et des villes qui mériteraie­nt bien plus que le temps d’une simple étape… Et cela commence dès l’arrivée à Golfe-juan où l’empereur déchu retrouva la terre de France. D’un côté le cap d’antibes sous la verdure de la Garoupe ; de l’autre la pointe de la Croisette qui annonce Cannes ; et à quelques encablures du rivage, Sainte- Marguerite et Saint- Honorat, les enchantere­sses îles de Lérins. Pas de doute, pour ses retrouvail­les avec la France, l’empereur avait choisi un des plus extraordin­aires sites de la côte méditerran­éenne.

DE CANNES À GRASSE

La Route Napoléon traverse Cannes mais, faut-il le préciser, c’est seulement vingt ans après le passage de Napoléon qu’un aristocrat­e anglais, Lord Brougham, s’installa en ces lieux et fit venir ses compatriot­es : ainsi naquit la French Riviera, future Côte d’azur, avec Cannes pour fleuron. La ville présente aujourd’hui deux visages dont le plus connu est celui du célébrissi­me festival de cinéma, avec pour haut lieu la Croisette, ce front de mer où se succèdent les palaces, séparés de la plage par un rideau de palmiers et de pelouses. Il faut l’avoir parcourue, mais voyez donc aussi le vieux Cannes, avec son quartier du Suquet dont la tour du Guet offre un panorama unique sur la baie, les îles de Lérins et le massif de l’esterel. L’itinéraire historique passe par Le Cannet et Mougins (ne pas y manquer le musée de l’automobile) et pour entrer dans Grasse, on fera le détour par le village de Cabris. En plus de bénéficier d’un point de vue unique sur l’arrière-pays cannois, on passera par le plateau où Napoléon fit halte. À Grasse, la tradition veut que la parfumerie remonte à Catherine de Médicis, qui s’y fournissai­t en gants particuliè­rement souples et qu’elle appréciait parfumés. Aujourd’hui, le musée internatio­nal de la Parfumerie consacre Grasse comme capitale des « nez », et la visite de la célèbre parfumerie Fragonard s’impose. Mais il ne faut pas manquer non plus les jardins somptueux, tels ceux de la princesse Pauline et le parc de la villa Noailles.

EN 1814, L’EUROPE COALISÉE CONTRE NAPOLÉON LE CONTRAINT À S’EXILER SUR L’ÎLE D’ELBE. MAIS, APPRENANT QUE LE RETOUR DE L A ROYAUTÉ EST LOIN DE FAIRE L’UNANIMITÉ, IL DÉCIDE DE REVENIR EN FRANCE POUR REPRENDRE LE POUVOIR. DÉBARQUÉ AVEC UN MILLIER DE SOLDATS À GOLFE-JUAN LE 1ER MARS 1815, IL FAIT ROUTE VERS PARIS VIA L A VALLÉE DE LA DURANCE ET GRENOBLE. SUIVONS SON ITINÉRAIRE.

DE GRASSE À DIGNE-LES-BAINS

Après Grasse, l’ambiance de la Côte d’azur s’estompe, et après le somptueux panorama du Pas de la Faye, à 1 000 mètres d’altitude et 22 kilomètres de la Méditerran­ée à vol d’oiseau, elle ne paraît plus qu’un lointain souvenir. Car la route serpente désormais parmi d’immenses plateaux sauvages entaillés de ravins et de gorges où s’enfoncent des routes étroites. Enfin, au terme d’une série de virages particuliè­rement prononcés, la nationale franchit le col de Luens (1 054 m), qui annonce Castellane. Occupant un cirque montagneux au croisement de vallées sur le Verdon, Castellane mêle sa personnali­té d’ancien site stratégiqu­e et son charme de petite ville provençale. La place Maréchal-sauvaire, aux arcades sympathiqu­es, y offre un point de départ idéal pour explorer les ruelles piétonnes aux maisons provençale­s bien conservées. Étape de choix sur la Route Napoléon, Castellane se trouve aussi à une douzaine de kilomètres seulement des hallucinan­tes gorges du Verdon. Pourquoi ne pas s’offrir un détour par leur route de corniche ? En vérité, la Route Napoléon offre à présent, jusqu’à Digne, des points de vue tout à fait grandioses, tout en accumulant virages et dénivelés, notamment au col des Lèques (1 148 m). C’est pourquoi Digne-les- Bains paraîtra tout à fait bienvenue. Plus tout à fait provençale, mais pas non plus alpine, la préfecture des Alpesde-haute-provence est la capitale de la lavande, dont les

champs colorent le plateau de Valensole voisin. Mais ce sont ses sources thermales, connues depuis l’antiquité, qui ont fait la réputation de Digne-les- Bains : ses eaux sorties de terre à 40 °C dans le vallon des Eaux Chaudes sont souveraine­s pour soigner les rhumatisme­s.

DE DIGNE-LES-BAINS À GAP

En aval de Digne, la Bléone offre le paysage typique de ces rivières dont les multiples bras cascadent entre des bancs de galets blancs comme neige. Peu à peu, la vallée s’élargit, annonçant la confluence avec la Durance. On y arrive juste après Malijai, et l’on repère alors, sur la gauche, une curiosité géologique : les Pénitents des Mées, des rochers ainsi sculptés par l’érosion qu’ils évoquent une procession de moines encapuchon­nés. Pour remonter maintenant la vallée de la Durance jusqu’à Sisteron, nous vous suggérons de quitter la N85 avant Château-arnoux-saint-auban, pour longer la rivière par sa rive gauche, via Volonne. Sans pour autant quitter l’itinéraire historique, la route départemen­tale 4 s’avère plus calme, et surtout pleine de charme. Et voici Sisteron, postée en sentinelle sur l’étroit défilé par lequel se glisse la Durance, marquant la limite entre la Provence et le Dauphiné. Ici, on quitte le pays des oliviers pour trouver les terrasses alluviales plus propres à la culture fruitière. Bien entendu, cette frontière naturelle fut de tout temps fortifiée ; la vieille ville, au pied de sa citadelle, s’organise sous la forme d’un labyrinthe de ruelles, rampes et escaliers où l’on s’égare à loisir pour découvrir ici et là des vues magnifique­s sur la Durance. Mais le plus spectacula­ire reste la citadelle, avec notamment son escalier de 365 marches creusées dans le roc. Quelques kilomètres avant Tallard, la N85 quitte la vallée de la Durance pour se diriger, plein nord, vers Grenoble. Très vite, les paysages évoluent. À Gap, si l’altitude demeure modeste ( 750 m), on se sent clairement aux portes des Alpes. Dès la sortie de la ville, la route grimpe rudement pour atteindre, en moins de 8 kilomètres, l’altitude de 1 248 mètres au col Bayard. Cette fois, la vraie montagne est atteinte, et si l’on veut un point de vue sur les Écrins, une petite route, à gauche immédiatem­ent après avoir atteint le col, monte aux 1 696 mètres du col de Gleize.

DU COL BAYARD À GRENOBLE

À partir du col Bayard, on peut qualifier la N85 de route à grand spectacle. Large et parfaiteme­nt enrobée, alternant de longues lignes droites et des séries de virages prononcés, elle se glisse d’abord, majestueus­e, entre le massif du Dévoluy, à gauche, et celui des Écrins, sur la droite. Et comme cette montagne fascine – n’a-t- elle pas le statut de parc national ? – nous ne saurions trop vous recommande­r d’en approcher les sommets en vous enfonçant, au niveau de Saint- Firmin, dans le Valgaudema­r. Vous suivrez l’étroite D985A qui, de chapelle en oratoire et en hameau, conduit à la Chapelle- en-valgaudema­r en passant sous les 3 564 mètres du pic d’olan. Après SaintFirmi­n, la route Napoléon retrouve l’ambiance des pays de plaine, et bientôt nous attend un rendez-vous avec l’histoire. On peut dire que c’est à l’entrée du bourg de Laffrey, sur la berge occidental­e du lac qui s’allonge entre les contrefort­s du Taillefer et la montagne du Conest, que se joua le retour de Napoléon. Ce resserreme­nt était bien choisi par l’état-major de Louis XVIII pour arrêter la petite armée impériale. On appelle aujourd’hui Prairie de la Rencontre le lieu où un bataillon de fantassins mit en joue Napoléon qui s’avançait vers eux, sans arme, à la tête de quelques grenadiers portant le fusil sous le bras. L’histoire veut qu’il ait ouvert sa légendaire redingote pour décou- vrir sa poitrine et s’exclamer : « Je suis votre Empereur ! S’il en est parmi vous qui veuille tuer son général, me voici ! » Alors les soldats royalistes s’écrièrent « Vive l’empereur ! » et rejoignire­nt les rangs de sa troupe. « Jusqu’à Grenoble, j’étais aventurier ; à Grenoble, j’étais prince », lit- on dans les Mémoires de Napoléon. Car après la scène de fraternisa­tion de Laffrey, c’est le 7e régiment de ligne en son entier qui fit son ralliement pour marcher sur Grenoble. Les autorités royales avaient fermé les portes de la ville, mise en état de défense. Mais une émeute ouvrière dégagea la porte de Bonne, par laquelle l’armée de l’empereur fit une entrée triomphale, le cortège se dirigeant ensuite vers l’auberge des Trois Dauphins (7, rue Montorge) devenue par la suite Auberge Napoléon. C’est un excellent point de départ pour visiter la ville ! Car à deux pas se trouvent le jardin de ville (ainsi que la gare de départ du téléphériq­ue de la Bastille), et la place Grenette qui constitue le coeur battant du vieux Grenoble. Puis, par la Grande- Rue, on rejoindra les quais de l’isère avec, sur la rive opposée et accessible par la sympathiqu­e passerelle Saint- Laurent, le musée Dauphinois. ẞ

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