Detours en France Hors-série

LA FRANCHE-COMTÉ

LES MILLE VISAGES

- PAR PHILIPPE BOURGET

PASSIONNÉS DE PAYSAGES CAMÉLÉONS ET DE VILLAGES, VOUS ALLEZ ÊTRE GÂTÉS ! SANS JAMAIS ÊTRE NOYÉS DANS LA FOULE, VOUS SILLONNERE­Z DES PLATEAUX AGRICOLES, DES VERSANTS BOISÉS, DES TERRITOIRE­S LACUSTRES, DES VALLÉES PERDUES, DES FORÊTS PROFONDES… VOUS TRAVERSERE­Z DES BOURGS AU PATRIMOINE SURPRENANT ET FEREZ HALTE DANS DES VILLES À L’HISTOIRE SINGULIÈRE, BELFORT, CHAMPAGNEY, LUXEUIL- LES- BAINS, DOLE. 370 KILOMÈTRES DANS UNE RÉGION TRÈS NATURE. AVEC LE SENTIMENT DE DÉCOUVRIR UNE FRANCE QUI NE FAIT PAS DE BRUIT MAIS QUI, À TRAVERS SES SUBTILITÉS, SAIT SE FAIRE ENTENDRE.

La citadelle de Belfort (90) fut édifiée par Vauban en 1687. La porte de Brisach permet, elle, de franchir les fortificat­ions conçues par Vauban et d’accéder à la vieille ville.

Ce n’est pas la région à laquelle on pense en premier. Question d’image, paraît-il. De météo, parfois. Pourtant, l’été en Franche- Comté est impeccable : il ne fait pas trop chaud et on respire sur les hauteurs. Pour le reste, la nature et les villes sont le plus souvent généreuses. Nous proposons donc de commencer ce périple par l’une des cités les plus emblématiq­ues de la région, Belfort. La richesse de son patrimoine en dit long sur l’histoire de cette ville d’influences, passage naturel entre monde rhénan et latin et agglomérat­ion charnière entre Franche- Comté et Alsace. Un verrou héroïque, aussi, qui sut résister lors du siège de Belfort, en 1870-1871. Sa citadelle imprenable illustre sa bravoure, tandis que son dynamisme industriel souligne sa dimension populaire. Le Pentagone, coeur de ville cerné de fortificat­ions, planté au pied du fameux Lion, intrigue. L’alchimie entre la rigueur militaire et le grès rose, le contraste entre la symétrie urbaine et la désinvoltu­re des terrasses, l’absence de bruit automobile. Cela ne ressemble à rien de connu. Dans ce périmètre sévère, le noyau médiéval et le quartier haussmanni­en jouent des coudes. Au-delà de la rivière Savoureuse, les quartiers ouvriers et leur population cosmopolit­e prédominen­t. En témoignent les cités HLM construite­s autour des bâtiments d’alstom, locomotive de l’emploi local. C’est en effet ici que sont fabriquées les rames de TGV.

DU TERRITOIRE DE BELFORT À MONTBÉLIAR­D

En levant la tête, on distingue la ligne bleue des Vosges. Le signal est clair : il est temps de prendre la route et d’aller à la rencontre du plus petit départemen­t français de province, le Territoire de Belfort. Personne ne peut douter que 610 km² puissent cacher une telle diversité. Profitant de sa situation charnière, le départemen­t est le seul du pays à accueillir deux massifs, le Jura et les Vosges. La N1019 se

dirige vers le sud et la frontière suisse (à 25 km de Belfort). Juste avant la douane, à droite, la D50, route de campagne, vous permettra de jouir d’une vue élargie sur le plateau calcaire de Croix, avec ses champs céréaliers et ses prairies à vaches montbéliar­des. Les villages semblent ici oubliés. Plaqués le long de la frontière, Lebetain, Villars-le-sec, Croix, affichent une ruralité tranquille et visiblemen­t prospère. Seule « anomalie » : la présence de puits à balancier, les mêmes qu’en Afrique ! Une petite pause ? Garez-vous au lieu-dit Les-pas-au-diable, à la sortie de Villars-le-sec, en direction de Lebetain (D50). Une aire de pique-nique avec tables aménagées dans la forêt vous attend. Depuis Croix, remontez ensuite au nord, par la D50 puis la D39, jusqu’à Montbouton : la vue embrasse les premiers contrefort­s du Jura (au sud), des Vosges (au nord), ainsi que la plaine de Montbéliar­d (à l’ouest).

CAP SUR LES VOSGES MÉRIDIONAL­ES

Changement d’ambiance après Delle (à 10 km de Montbouton). En empruntant vers l’est la D26, vous entrez, après Faverois, dans un secteur d’étangs marqué par la présence des mennonites. Chassés de Suisse au

xviiie siècle, ces protestant­s rigoureux ont façonné la terre et créé de vastes domaines, préfiguran­t ce qu’ils feront au xixe siècle aux États- Unis. Leur souvenir est rappelé par une chapelle et un cimetière, au bord de la D26, avant Suarce. Ce secteur franchi, vous pénétrez, par la D13, dans le Sungdau belfortain. Un avant-goût d’alsace, déjà tourné vers le Rhin. À Recouvranc­e, les premières maisons à colombages signent l’influence de la région voisine. Mais le propos est bien de rester en Franche- Comté ! Alors cap sur le Ballon… d’alsace, qui malgré son nom appartient – en partie – à la région franc- comtoise. De retour à Belfort, les D13, D5 puis D465 filent au nord vers Giromagny. Sapins et mélèzes bordent l’agréable route en lacets qui grimpe vers ces Vosges méridional­es (aire pour camping- cars à Lepuix-Gy). Elle débouche au sommet, à 1 247 mètres, sur des paysages de chaumes, à la frontière de quatre départemen­ts (Vosges, Haute-saône, Haut-rhin et Territoire de Belfort). Garé le long de la route, vous en profiterez pour vous balader au col, avant d’aller déguster une tarte aux myrtilles (en saison) ou un repas marcaire (menu montagnard) dans l’une des auberges du Ballon.

DE CHAMPAGNEY À BEULOTTE-LA-GUILLAUME

Direction ensuite la Haute-saône. Après avoir apprécié la fraîcheur des cascades du Rummel et du Saut de la Truite, la minuscule D12, prolongée par la D4 (attention, prudence !) dévale les replis ouest des Vosges pour gagner Champagney. Vous y découvrire­z son étonnante histoire, celle d’un village parmi les seuls en France à avoir exprimé, en 1789, sa solidarité avec les esclaves, au plus fort de la traite négrière. La Maison de la Négritude en témoigne. 5 kilomètres plus loin, voici Ronchamp. Impossible de tourner le dos à ce site religieux, sa chapelle construite par Le Corbusier et son récent couvent. Peu après, à Grattery, débute sur la D73 un itinéraire vers l’un des territoire­s les plus secrets de l’est français, le plateau des Mille Étangs. Au volant, vous trouverez vite un petit air de Scandinavi­e à cette région isolée, piquée d’étangs, de gîtes de pêche et de fermes massives à longs toits. Entre Mélisey, au sud (à 10 km de Ronchamp) et Faucogney-et-la- Mer, au nord, en passant par Écromagny, il faudra s’égarer de part et d’autre de la D73 et de la D72 pour pénétrer cette contrée d’étangs, séparés de tourbières, de forêts, de calvaires et de hameaux. Nul doute que vous dénicherez un espace pour garer prudemment votre camping- car, du côté de Melay ou Beulotte-la-Guillaume, afin de profiter en toute liberté de cette atmosphère lacustre si particuliè­re.

DE LUXEUIL AU LAC DE VESOUL-VAIVRE

Cette digression au pays des Mille Étangs vous a rapproché de Luxeuil-les- Bains (16 km à l’ouest de Faucogneye­t-la- Mer, par la D6). Il est l’heure d’aller découvrir cette cité dotée d’une étonnante histoire. Après avoir garé votre camping- car dans l’une des deux aires réservées (rues Gambetta ou Grammont), une demi-journée suffit pour découvrir le patrimoine luxovien. Qu’apprend- on ? Que cette cité de 7 000 habitants doit tout à un moine irlandais, Saint- Colomban. Arrivé au vie siècle, il fonda à Luxeuil une école monastique. Quinze siècles et des aménagemen­ts plus tard, la ville en porte toujours l’héritage, avec l’ancien palais abbatial (c’est aujourd’hui la mairie), la basilique Saint- Pierre (au remarquabl­e buffet d’orgue), le cloître (en grès rose des Vosges) et l’ancienne abbaye, devenue collège. De cette prospérité, il reste aussi une architectu­re civile peu commune, comme en témoigne

la Tour des Échevins et la Maison du cardinal Jouffroy (xvie siècle). Si l’on vous dit encore que Luxeuil… les Bains abrite un centre thermal de remise en forme, vous déciderez peut- être de prolonger votre séjour. À moins que vous ne préfériez la tranquilli­té du lac de Vesoul-vaivre, un plan d’eau de 150 hectares situé aux portes de la préfecture de Haute-saône (37 km au sud de Luxeuil).

LA VALLÉE DE L’OGNON ET SON PATRIMOINE

Le moment est venu d’entamer l’avant-dernière étape de notre itinéraire. Par la D64 et la D486, depuis Luxeuil, en direction de Villersexe­l (à 42 km), vous entrez dans la vallée de l’ognon, un affluent de la Saône jalonné de cités comtoises, de châteaux et d’un patrimoine inédit. Chaque commune ou presque possède une demeure historique : Villersexe­l, au style Louis XIII orgueilleu­x ; Rougemont, une tour carrée émergeant au-dessus du village perché ; Sauvagney, un bâtiment au long toit encadré de deux tours ; Montbozon, une maison forte du xvie siècle ; Fondremand, un fier donjon roman au coeur du village vigneron ; Moncley, un château à la parfaite symétrie néoclassiq­ue. En roulant vers le sud-ouest par de petites routes champêtres, au plus près de la rivière, vous croiserez d’autres villages arborant d’étonnantes fontainesl­avoirs et… des mairies-lavoirs. Datant du xixe siècle, les premières sont d’inspiratio­n grecque, les secondes témoignent de la volonté de rapprocher les lieux d’informatio­n et les espaces de sociabilit­é. Vous apercevrez les unes et les autres à Fontenois-lès-montbozon, Etuz, Boult, Gézier-et-fontenelay et Cussey-sur-l’ognon. Il faudra bien finir par quitter cette vallée. Le pas de côté s’effectuera à Pesmes (à 90 km de Villersexe­l), place forte perchée dotée d’un patrimoine splendide de maisons nobles et de portes défensives.

DOLE, ANCIENNE CAPITALE DU COMTÉ

La fin du parcours approche ! Elle vous emmène plein sud, par la D475, jusqu’à Dole, dans le Jura (à 25 km de Pesmes). Sans nul doute la plus belle ville de la région. Car l’ancienne capitale du comté, riche de son pouvoir passé (parlement et université ont été actifs dès le xve siècle), a conservé de beaux hôtels particulie­rs, autour de la collégiale Notre-dame et de l’hôtel-dieu. La ville natale de Pasteur, joyau patrimonia­l, n’a rien d’une cité aseptisée ! ẞ

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