Detours en France Hors-série

L’ÂME CATALANE

DE COLLIOURE À L’ANDORRE

- PAR PHILIPPE BOURGET

CET ITINÉRAIRE PROPOSE DES PAYSAGES, UN PATRIMOINE ET DES TERROIRS SURPRENANT­S. LE PARCOURS TRAVERSE PERPIGNAN AVANT DE REMONTER L A VALLÉE DU TÊT. AU- DELÀ DE VILLEFRANC­HE- DE- CONFLENT, DÉBUTE L’ASCENSION VERS LE PLATEAU DE CERDAGNE, « ÎLE MONTAGNEUS­E » ENTRE FRANCE ET ESPAGNE. ELLE SE TERMINE AU PIED DU COL DE PUYMORENS.

Collioure, un soir d’été. Oubliez vite l’idée de pénétrer le village en camping-car, noyé qu’il est sous le flot des touristes. Route de Madeloc, une petite aire de stationnem­ent fera l’affaire, avant de partir, à pied ou à vélo, découvrir la cité. Bienvenue alors sur la côte Vermeille ! Le littoral rompt ici avec l’atonie rectiligne du Languedoc et livre au pied du schiste pyrénéen son plus bel écrin. Autour du Château Royal et de l’ancien phare fortifié (devenu clocher de l’église), le village affiche une harmonie rare. Maisons pastel, rues hautes et basses à balcons fleuris : l’atmosphère méditerran­éenne, quoique dérangée par la foule en saison, n’a pas échappé aux artistes.

DE COLLIOURE À PORT-VENDRES

Dans le sillage de Paul Signac, des peintres débarquent à Collioure au début du xxe siècle. Subjugués par la couleur, Matisse et Derain y inventeron­t le fauvisme. Le musée d’art moderne de Collioure (fermé le mardi d’octobre à mai) décrypte joliment cette épopée. À moins de vouloir saisir au vol des effluves plus populaires, en s’arrêtant quatre kilomètres au sud à Port-vendres (vous y croiserez des pêcheurs au lamparo et des navires fruitiers…), nous vous invitons à prendre la route de Perpignan. La D914 contourne Elne, mais vous pouvez marquer l’arrêt dans cette cité pour visiter le cloître roman et la cathédrale Sainte- Eulalie. Ils témoignent du statut de siège épiscopal de la ville, titre conservé jusqu’en 1602.

PERPIGNAN, FIEF DE LA CATALANITÉ

À travers le pare-brise, Perpignan se détache progressiv­ement sur fond de paysages de vignes, âpres et caillouteu­ses. Elles produisent des vins du Roussillon aromatique­s et charpentés, dont quelques caves, croisées en bord de route, vous feront découvrir les subtilités. Voici le fief de la catalanité en France, l’ancienne capitale des Rois de Majorque et d’aragon. Son tissu urbain très dense oblige à abandonner le véhicule pour découvrir la ville à pied. En une demi-journée, vous aurez le temps d’écumer le centre ancien. À voir : le palaisfort­eresse des Rois de Majorque, au style gothique médiéval (splendide vue depuis la tour de l’hommage sur la ville, les Corbières, le Canigou, les Albères…) et les monuments du quartier médiéval Saint-jean (Le Castillet, la Loge de Mer, le palais de la Députation, l’hôtel de Ville, la cathédrale SaintJean-baptiste, le cloître-cimetière Campo Santo, les maisons nobles de marchands drapiers…). Les plus curieux pousseront la balade, en journée, jusqu’à Saint-jacques, pour arpenter le plus grand quartier gitan de France.

EN ROUTE SUR LA N116 JUSQU’À PRADES

Cap désormais à l’ouest, vers la vallée de la Têt. La roulante N116 livre de part et d’autre du bitume des terres calcaires rudes, où pointent de beaux villages perchés. Après Ille- sur-têt, dominée par le gros clocher roman de l’église Saint- Étienne, vous apercevez sur votre droite Eus. On ne peut pas mieux résumer l’architectu­re perchée et fortifiée qui a prévalue dans la région depuis des siècles. Garé au pied du bourg, vous profiterez de la tranquilli­té de ce village parmi les plus ensoleillé­s de France, dominant magnifique­ment la vallée. À 5 kilomètres, Prades mérite aussi une pause. Ne serait- ce que pour ses rues pavées de marbre rose. Les amateurs de musique apprendron­t que le grand violoncell­iste catalan Pablo Casals a trouvé refuge ici sous le régime franquiste. Un musée lui rend hommage, ainsi qu’un festival, chaque année en juillet- août (du 26/ 7 au 13/8/ 2016).

DE VILLEFRANC­HE- DE- CONFLENT JUSQU’AU PLATEAU DE MONT- LOUIS

La vallée se resserre ? C’est normal car vous arrivez, toujours par la N116, à Villefranc­he- de- Conflent. Un bijou de village fortifié, au confluent de la Têt et du Cady. Stationné au pied des murailles (parking à droite en arrivant de Perpignan, un autre est à la sortie du village, direction Andorre), vous flânerez avec plaisir dans ce bourg à l’architectu­re militaire, dont les remparts protègent un quadrilatè­re de rues bordées de commerces et de jolies maisons médiévales. Un charme qui lui a valu son inscriptio­n sur la liste du patrimoine mondial de l’unesco en 2008, au titre des fortificat­ions de Vauban. Et puisqu’une forteresse en cache une autre, dans ce verrou jadis parfait pour défendre les frontières françaises

face à l’ennemi aragonais ou espagnol, vous lèverez la tête et apercevrez le fort Libéria, accroché à flanc de roc, 200 mètres au- dessus des remparts. Un escalier souterrain de 1 000 marches y grimpe. Bon courage ! Reste à se hisser, cette fois, au coeur des Pyrénées. En direction de Mont- Louis, à 30 kilomètres de Villefranc­he, la nationale se fait soudain aérienne. Depuis le véhicule, des villages- éperons, Jujols, Oreilla, Llar… surgissent à droite, sur les versants, l’air inaccessib­le. Après avoir traversé des bourgs de fond de vallée (Olette, Thuès…) et négocié plusieurs lacets – un plaisir de conduite panora- mique ! –, voici enfin le plateau et Mont- Louis. Le paysage change radicaleme­nt. Finis l’ombre portée et les versants abrupts, place au grand soleil et aux espaces dégagés.

DU PLATEAU DE CERDAGNE AU COL DE PUYMORENS

Entre 1 200 et 1 800 mètres d’altitude, la Cerdagne est un plateau isolé agricole, cerné de crêtes pyrénéenne­s (Puigmal, Carlit…). Haut perché depuis votre poste de conduite, vous jouirez sans limite de ce paysage rural, ici des cultures de pommes de terre, là des champs de navets, là encore des prairies à bovins… De loin en loin, vous apercevrez le clocher trinitaire d’une église romane (Sainte- Léocadie, Llo), une chapelle conquérant­e (Sainte- Marie- de- Belloc), des villages de granit et de schiste (Dorres, Valcebollè­re…). Il est facile de découvrir la Cerdagne en camping- car. La N116 et la D618 en font le tour, en moins de 50 kilomètres. Au passage, vous ferez halte à Font- Romeu et dans l’enclave espagnole de Llívia, une survivance du passé. Vous apercevrez aussi le Train Jaune, vénérable micheline parcourant la Cerdagne. Avant de vous échapper vers le col de Puymorens et de rejoindre, peut- être, l’andorre. Le Tour de France y fait étape, les 10, 11 et 12 juillet ! ẞ

www.tourismepy­reneesorie­ntales.com.

Le Train Jaune : 0 800 886 091 (n° vert) ou www.pyrenees- cerdagne.com.

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