Detours en France Hors-série

LE FINISTÈRE

LA BRETAGNE DES EXTRÊMES EN

- PAR PHILIPPE BOURGET

Roscoff exhale un parfum de voyage. Est- ce à cause de la proximité de l’île de Batz ? De la présence d’une gare maritime, où les ferries embarquent passagers et marchandis­es vers l’angleterre et l’irlande ? Ou bien plane-t-il encore l’histoire des Johnnies, qui partaient naguère outre- Manche vendre leurs oignons à vélo ? Il y a un peu de tout cela à Roscoff, port de pêche actif, bourg animé aux splendides maisons de granit. On a connu pire début d’itinéraire ! À peine arrivé et vous voilà plongé dans cet univers singulier entre terre et mer, qui ne va pas vous lâcher jusqu’au Guilvinec. Plein ouest, la D10 file à travers le Léon agricole, en direction de l’aber-wrac’h. De votre poste de conduite, vous distinguer­ez sans peine le clocher de 78 mètres de la chapelle du Kreisker, totem de Saint- Pol- de- Léon. Tout autour, à perte de vue, des champs cultivés de chouxfleur­s, d’artichauts, de pomme de terre, de brocolis, d’oignons, de tomates… Le Léon profite d’un climat doux et de terres limoneuses pour s’afficher comme l’un des premiers jardins légumiers de France. Passé le château féodal de Kérouzéré, la route file jusqu’à Plouescat (à 19 km de Roscoff). L’arrêt est conseillé dans cette station balnéaire aux nombreuses plages, connue aussi pour ses halles du xve siècle. Six kilomètres plus loin, la Maison des dunes de Keremma mérite aussi une visite. Vous découvrire­z ce milieu fragile, sur l’un des plus vastes cordons dunaires de Bretagne (sorties natures et randonnées accompagné­es).

DE ROSCOFF AU GUILVINEC, LE LITTORAL BRETON OFFRE UN PARCOURS EN DENTS DE SCIE DE 350 KILOMÈTRES. LES ROUTES CÔTIÈRES PROCURENT UN SENTIMENT DE LIBERTÉ INÉGALÉ. LE VOYAGEUR Y RENCONTRER­A LA DOUCEUR DES PLAISIRS BALNÉAIRES ET LA DURE RÉALITÉ DES MÉTIERS DE L A PÊCHE. LES CAMPING- CARISTES RECEVRONT ENFIN UN COURS MAGISTRAL D’HISTOIRE BRETONNE.

DE BRIGNOGAN-PLAGES À PLOUGUERNE­AU

Vous voilà arrivés à Brignogan- Plages. Ce nom signe sans conteste la vocation balnéaire de l’endroit mais à la beauté du sable blond, nous associons le charme brut de la pointe de Pontusval, avec ses blocs granitique­s et son menhir de 8 mètres. On vous parlait de traditions, elles surgissent au hameau de Meneham. Protégées de la mer par de hauts rochers, des maisons basses de goémoniers ont été restaurées et abritent des magasins et des ateliers d’artisans. Elles témoignent de l’ancien métier de ramasseur d’algues, assuré jadis par une corporatio­n considérée comme la plus pauvre de la côte. La route est longue, alors poursuivon­s ! 17 kilomètres après Ménéham, la D10 file jusqu’à Plouguerne­au et le phare de l’île Vierge. Un monument de signalisat­ion marine, haut de 83 mètres (record de France). Posé à quelques encablures de la côte, on peut s’y rendre à pied, à marée basse, pour grimper ses 400 marches. De là-haut, vous profiterez du spectacle d’écume et de rocs de la côte finistérie­nne

LA ROUTE DES ABERS JUSQU’AU CONQUET

Vous pénétrez maintenant dans le monde des abers. Un univers de routes assez spectacula­ires (D113, D128, D28), plongeant vers des rivages et des ports secrets, cachés au bord d’estuaires maritimes. L’aber-wrac’h et l’aber Benoît procurent des sensations uniques : un virage ouvre

la vue sur le mât d’un voilier, glissant entre deux versants boisés ; une courbe débouche sur un quai étroit aux maisons de granit, dont l’une abrite – forcément ! – un café ; et l’air vif de la Manche vous saisit soudain, vitres ouvertes, au moment où l’aber s’ouvre vers le grand large. Après l’aber Benoît, la route touristiqu­e se tortille sur plus de 40 kilomètres jusqu’au Conquet. Impossible de citer ici tous les ports, plages, pointes, chapelles, villages, îles et panoramas que vous croiserez le long de cette côte découpée. Sachez que cette portion d’itinéraire suit la mer d’iroise, célèbre pour ses coups de vent. C’est à Portsall que vint s’échouer, tragique souvenir, l’amoco Cadiz, en 1978. Si l’on doit vous conseiller des arrêts, les voici : la chapelle Saint-samson, perchée au-dessus de la mer ; l’aber Ildut et son rocher du Crapaud, frontière « officielle » entre Manche et Atlantique ; Lanildut et son port goémonier ; la pointe de Corsen, cap ouest ultime de la France.

POINTE SAINT-MATHIEU, LE BOUT DU MONDE

Au Conquet, après environ 100 kilomètres parcourus depuis Roscoff, l’envie d’une halte longue vous saisira peut-être. Le parking du parc Beauséjour (près de l’office de tourisme, avec eau, électricit­é et équipement de vidange) vous accueille 4 heures gratuiteme­nt en journée, d’avril à fin septembre. Un bon moyen pour découvrir à pied cette « station verte », ultime agglomérat­ion à l’extrême-ouest de l’hexagone. Vous pourrez y faire de courtes balades littorales, à la pointe de Kermorvan et sur le port. Avant de filer vers Brest, vous clôturerez cette partie d’itinéraire par le pèlerinage obligé à la pointe Saint-mathieu (5 km au sud du Conquet, par la D85). Là, dans cet autre bout du monde où trône une ancienne abbaye ruinée, le cap et son phare (accès possible au sommet) offrent des panoramas uniques sur la presqu’île de Crozon, la pointe du Raz et les îles du Ponant (Sein, Ouessant, Molène).

EN JUILLET, PLUS DE 1 000 BATEAUX EN RADE DE BREST

Voici donc Brest. Une respiratio­n urbaine dans laquelle la mer reste toutefois le sujet majeur. 8 kilomètres de quais concentren­t l’éventail des activités marines : constructi­on et réparation navale, port militaire, de pêche, de plaisance, de commerce, gare maritime, espace éolien offshore… Sans oublier les loisirs, avec Océanopoli­s (10 000 animaux, premier équipement touristiqu­e de Bretagne) et la marina du Château, affichant son quai bordé de cafés et de restaurant­s-terrasses. Preuve de sa vocation marine, la ville accueille cette année « Brest 2016 », un événement nautique organisé tous les quatre ans. En juillet, plus de 1 000 bateaux vogueront sur la rade. Il ne faut pas quitter Brest sans avoir découvert la Ville Haute. Depuis les remparts fortifiés, le cours Dajot domine le port. Au coeur de la ville, la rue de Siam et son récent tramway vous proposeron­t l’éventail à peu près complet des commerces d’une cité de 140 000 habitants. La visite du château médiéval, relooké par Vauban, rappellera les grands faits de l’histoire maritime brestoise, mis en scène dans ce musée national. Le site abrite la Préfecture maritime, poste de commandeme­nt de la Marine pour l’atlantique. Reste à franchir la Penfeld. De l’autre côté du pont jeté sur ce court fleuve, depuis lequel vous apercevrez, en dessous, la ruche de l’ex-arsenal,

La pointe de PenHir sur la péninsule de Crozon (29) est située au sud- ouest sur le territoire de la commune de Camaret-surMer. C’est une des promenades favorites des visiteurs.

voici Recouvranc­e. Le déploiemen­t de l’activité militaire au xviie siècle profita au quartier. Il est aujourd’hui en rénovation, comme en témoigne le projet des Capucins, ensemble d’équipement­s culturels, de loisirs et de bureaux en cours d’aménagemen­t dans l’ancien atelier de constructi­on des navires de la Marine. En automne 2016, un téléphériq­ue devrait même relier Les Capucins au centre-ville de Brest, par-dessus la Penfeld.

DE CROZON À CAMARET-SUR-MER

Prêts à repartir ? Cap au sud vers la presqu’île de Crozon et Camaret-sur- Mer, distant de 68 kilomètres. Vous qui connaissez désormais la typicité du relief granitique risquez d’être surpris. « Coincée » entre la rade de Brest et la baie de Douarnenez, la presqu’île n’est composée que de grès et de schistes, d’où un relief doux piqué de bocage, de landes et de pins maritimes. Un paysage à observer au sommet du Ménez- Hom (parking, puis accès à pied en 5 min), vigie naturelle (330 m) de cette péninsule en forme de trident. N’hésitez pas ensuite à « vous perdre », à rebrousser chemin, au gré de vos intuitions, sur des routes assez étroites (vigilance !). Elles vous conduiront à l’abbaye de Landévenne­c, sur les rives de l’aulne et dans de petits hameaux de pentys (maisons basses, certaines à toits de chaume), tels Kerrou et Rostuden. Vous effectuere­z aussi le tour en véhicule de la pointe des Espagnols, face à la rade de Brest, crochètere­z par Morgat pour voir les anciennes villas balnéaires, avant de vous poser à Camaret-sur- Mer. Voilà la « pépite » de Crozon, avec son port aux maisons serrées posées face à la chapelle de Rocamadour et à la tour Vauban, ouverte à la visite depuis cette année. Pour clôturer le ban, un conseil : poussez prudemment votre véhicule vers quelques caps symbolique­s. Les vues plongeante­s sur la mer et ses falaises offertes depuis les pointes de Dinan, de Pen- Hir ou du cap de la Chèvre, sont fabuleuses. Et pour vous prélasser sur une plage, nous vous conseillon­s celle du Veryac’h, à Camaret (parking au dessus), protégée par des falaises brunes et les rochers du Tas de Pois.

300 MÈTRES Un paysage à observer au sommet du Ménez- Hom (parking, puis accès à pied en 5 min), vigie naturelle (330 m) de cette péninsule en forme de trident.

LES POINTES LEYDÉ, DU MILLIER ET DE BREZELLEC

Reposés ? Cela vaut mieux, car l’étape suivante, le cap Sizun, vous réserve des moments intenses. Après un arrêtvisit­e au magnifique enclos paroissial de Sainte-marie-duMénez-hom, vous filerez par une route tranquille jusqu’à Douarnenez (à 20 km). La pêche n’est plus ce qu’elle était dans ce port sardinier, repaire toujours actif de conserveri­es, mais si vous souhaitez tout connaître de son histoire, il faudra consentir une demi-journée pour visiter le passionnan­t PortMusée (voir encadré) et découvrir, en face, le tout nouveau Centre d’interpréta­tion de l’industrie de la conserve. Roulons vers l’est, à la rencontre de la pointe du Raz. Le littoral nord du cap Sizun est ici incroyable­ment sauvage, avec de hautes falaises violemment battues par les flots. La D7 les longe à distance, aussi faudra-t-il s’engager à droite dans des voies secondaire­s pour les approcher. Vous poserez ainsi votre véhicule à la pointe Leydé, du Millier, de Brézellec… (parkings). Autant d’occasions d’apercevoir goélands ou fous de Bassan et de faire un bout de promenade sur le GR34®, au-dessus des granits cisaillés. Le petit circuit (de 45 min à 1 h) tracé dans la réserve naturelle du Cap Sizun complétera la découverte de ce littoral exceptionn­el, illustré par l’absolue solitude de la chapelle Saint-they, à la pointe du Van.

LE GRAND SITE DE « LA POINTE DU RAZ EN CAP SIZUN »

Juste après la baie des Trépassés ( 30 km depuis Douarnenez), voici la pointe du Raz. Le stationnem­ent

est payant (en saison, à la Toussaint et à Noël, 6,50 € par camping- car) et permet de rejoindre à pied ce Grand Site de France, que vous parcourrez librement sur des chemins aménagés, cernés par l’océan. Au large, l’île de Sein et les phares de la Vieille, d’ar- Men et de Tévennec, se distinguen­t. Ainsi que, dans le raz, le gymkhana insensé des ligneurs de bars, frôlant les rochers contre vents et marées. La côte sud du cap Sizun est soudain plus hospitaliè­re. Finis, ou presque, les rochers, place au sable et aux villages résidentie­ls. La conduite se fait plus touristiqu­e, dans le sens où l’envie de stopper le véhicule pour une pause pique-nique tranquille près du littoral, grandit. N’hésitez pas à vous arrêter à la plage du Loc’h, à Plogoff, ou à celle de l’anse du Cabestan, à Esquibien. Juste après, à 15 kilomètres de la pointe du Raz, Audierne constituer­a une étape agréable pour ceux qui aiment les ports de pêche (ligneurs et fileyeurs) et les petits bourgs commerçant­s.

LE PHARE D’ECKMÜHL À PENMARC’H

Question pêche, justement, nous avons encore mieux à vous offrir ! Il vous faut pour cela filer jusqu’au Guilvinec, à 40 kilomètres d’audierne. Par les D784, D2 et D785, vous entrerez en Pays bigouden, laisserez à droite dunes, étangs et calvaire de Tronoën (vous pouvez cependant y faire un crochet, c’est à moins de 5 kilomètres de la route principale), puis pousserez jusqu’à Penmarc’h. Autour de cette pointe rocheuse, vous gravirez les 300 marches du phare d’eckmühl, observerez la tour fortifiée de la ville et celle, carrée, de Saint- Guénolé. Une balade au port, souvent noyé d’embruns, vous introduira dans l’univers de la pêche, assurée ici par des navires bolincheur­s. L’activité culmine au Guilvinec, où la pêche est un sacerdoce. 90 chalutiers rentrent chaque après-midi livrer leur cargaison, dans une belle effervesce­nce. Un spectacle à ne pas manquer en visitant Haliotika, la passionnan­te Cité de la Pêche. La nature sauvage des côtes finistérie­nnes, non contente de satisfaire les touristes véhiculés par ses paysages spectacula­ires, participe aussi à l’activité humaine et économique de cette Bretagne des confins. ẞ

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