l’histoire d’une restauration exemplaire
Victoire de samothrace Juillet 2014 : la Victoire retrouve sa place en haut de l’escalier Daru. Il aura fallu dix mois pour lui redonner tout son éclat. Cette restauration, la quatrième depuis son arrivée à Paris, aura permis d’en apprendre un peu plus su
Mai 1863 : Charles Champoiseau, vice-consul de France féru d’archéologie, découvre dans le sanctuaire des Grands Dieux, sur l’île de Samothrace, une statue de femme dont il manque le buste, la tête et les ailes. Juillet 2014 : la Victoire de Samothrace réintègre sa place en haut de l’escalier Daru après dix mois de travaux de restauration. Entre-temps, la statue aura retrouvé son buste, ses ailes, et sera devenue une des icônes du Louvre : quel parcours !
le public la découvre en 1866 sans buste ni ailes
On a du mal à l’imaginer aujourd’hui tant sa silhouette nous est familière : en 1866, le public découvre pour la première fois, dans la salle des Caryatides, une Victoire bien mutilée, sans buste ni ailes. Il y a bien des fragments importants conservés dans les réserves, dont une grande partie de l’aile gauche, mais il manque le sculpteur qui pourrait assembler le tout et ajouter des parties manquantes, comme c’était la mode à l’époque. Quelques années plus tard, des archéologues autrichiens révèlent que les vingt-sept blocs de marbre gris, laissés par Champoiseau à Samothrace, ne sont pas les restes d’un monument funéraire dont la statue aurait été la vedette, mais plutôt la représentation d’un navire de guerre. Ce qui fait de la statue une « Nikè », messagère ailée d’une victoire navale : la Victoire de Samothrace vient de renaître en renouant avec sa fonction. Entre 1880 et 1883, une importante restauration donne à la Victoire la silhouette qu’on lui connaît aujourd’hui : le buste, dont il manquait la partie gauche est complété et réajusté sur le corps, l’aile gauche renforcée, et l’aile droite façonnée à partir d’un moulage inversé de l’aile gauche. Les parties manquantes sont réalisées en plâtre et
non en marbre, trop onéreux. C’est à l’issue de ces importants travaux que la Victoire trouve naturellement sa place en haut de l’escalier Daru. Lors de la restauration suivante, en 1933, il est décidé de placer un bloc entre la statue et son socle, de manière à la rendre visible depuis le bas de l’escalier. Et la restauration de 2013-2014 ? « La Victoire n’était pas en danger, juste encrassée, souligne Ludovic Laugier, nouveau conservateur du département des Antiquités grecques et romaines, qui supervisa les travaux alors qu’il était encore ingénieur. Le marbre était si foncé par endroits qu’on aurait pu croire que qu’elle était en bois. » La statue a donc subi un important nettoyage, avec des compresses de pulpe de papier, qui ont absorbé les poussières, puis une finition à l’éponge douce. Un deuxième travail a consisté à remplacer les précédents bouchages, réalisés en plâtre, quelquefois peint, par un mélange de poudre de marbre et de poudre de pierre, dans la teinte la plus proche possible du marbre d’origine.
À l’origine, son Manteau était peint
Mais cette restauration n’aura pas servi qu’à redonner une nouvelle jeunesse à la Victoire. « L’observation avec une lampe à LED (à infrarouges) a mis à jour des traces de pigmentation, invisible à l’oeil et faite de bleu “égyptien” : nous avons donc la preuve que le bas du manteau était peint. Même si cela peut nous paraître aujourd’hui étrange, la plupart des statues de cette époque étaient peintes. » La restauration de 2013-2014 aura également permis de replacer sur la statue et le bateau des fragments qui étaient conservés au Louvre. Le plus important comprend trois plumes qui ont ainsi retrouvé leur place sur la crête de l’aile gauche. Par contre, le mystère reste entier quant à l’artiste qui l’a sculptée, tout comme la victoire qu’elle célèbre : peut-être la bataille de Myonessos en 190 av. J.-C. de Samothrace, Pergame et Rome alliées contre le roi de Syrie, Antioche III. Il est probable qu’une dédicace gravée dans la pierre précisait ces deux points. Mais elle n’a pas encore été retrouvée à ce jour. Tout comme la tête de la statue. Peut-être faudra-t-il attendre la prochaine restauration pour qu’un autre pan du voile soit levé sur la Victoire !