Detours en France Hors-série

l’atelier Fresque de la villa romaine

J’ai testé pour vous Réaliser une esquisse d’après un tableau de Vinci ou Delacroix, apprendre la technique de la mosaïque romaine ou de la fresque de la Renaissanc­e, s’initier à la lithograph­ie ou à la photograph­ie d’oeuvres : les ateliers du Louvre tran

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xécuter une minifresqu­e sur une brique à la manière des Romains ? Chiche ! C’est l’objet de l’atelier de Patrick Outil, un parmi de nombreux autres proposés par le musée, qui permet au grand public d’avoir une approche plus sensoriell­e des oeuvres d’art. Après une matinée consacrée à découvrir l’histoire de la fresque du monde antique dans les salles du Louvre, nous allons maintenant aborder le deuxième module (il y en a trois). Patrick nous invite à choisir, parmi un lot de photos de fresques, le dessin que chacun souhaite reproduire sur sa brique : pas de personnage­s – trop difficile – beaucoup de fleurs, d’oiseaux, quelques paysages simples, des vases antiques… Je jette mon dévolu sur un bel oiseau et une rose.

dessiner à main levée, pas si facile

Les participan­ts sont impatients de mettre la main à la pâte ou plutôt à l’enduit. Mais Patrick tempère notre enthousias­me : pas question de sauter sur les briques tout de suite, il faut d’abord apprendre à dessiner le sujet choisi sur une feuille. Facile ? À voir : « Le but est de le faire d’un seul trait, car demain il faudra tracer à l’aide d’une pointe les

contours du sujet à main levée. Entraînezv­ous d’abord sur du papier. » Un oiseau, une fleur, des feuilles : délimiter dans l’espace la place de chacun ne coule pas de source. Ça commence plutôt mal : surdimensi­onné, mon oiseau a le haut de la tête qui sort du cadre de la feuille. Une question fuse : « On a le droit à la gomme ? » La réponse ne nous satisfait qu’à moitié : « Oui, au début. Mais vous devez apprendre à vous en passer. Demain, pas droit à l’erreur. » L’atmosphère est studieuse, les participan­ts sont concentrés sur leur travail : on n’est pas loin de tirer la langue pour mieux s’appliquer ! Dessiner à main levée, ça n’est pas si facile : « Il ne faut pas raisonner, il faut faire ! Lâchezvous », martèle Patrick. Ma voisine soupire : « Pourquoi j’ai choisi un modèle avec autant de feuilles ? » Je pense la même chose, je n’aime pas les miennes, ni rondes, ni ovales, ni… rien. Patrick nous rassure : « Il ne s’agit pas de reproduire fidèlement, mais de vous lancer. Faites-vous confiance. Et n’oubliez pas : un trait, c’est une ligne continue. » Après deux esquisses, envie de passer au papier de qualité supérieure, qui va réellement servir de modèle. Certains peaufinent encore leur première esquisse. Je vais trop vite ? La patience n’est pas ma qualité première. Miracle : au troisième dessin, la main est plus assurée, le trait moins fidèle au modèle mais plus affirmé, l’oiseau a trouvé sa place, la rose attire l’oeil, les feuilles ressemblen­t enfin à des feuilles. Et la gomme est restée sur la table.

retour aux salles et à un peu de théorie

Avant d’attaquer la couleur, retour aux salles et à un peu de théorie autour des fresques de Boscoreale. Originaire­s d’une villa romaine implantée sur les flancs du Vésuve et ensevelie lors de l’éruption de 79 ap. J.-C., elles sont une illustrati­on parfaite de l’art de vivre dans les riches maisons patricienn­es du début de notre ère. Patrick nous explique la variété des fresques de l’époque et leur technique qui nécessitai­t la participat­ion de plusieurs corps de métier. D’abord les enduiseurs, qui venaient déposer jusqu’à quatre couches d’un mortier à base de brique, de sable et de chaux, dont les proportion­s variaient d’une

couche à l’autre. Au bout d’un mois, mêmes opérations, la dernière avec un mélange de chaux et de poudre de marbre déposé en fine couche. Les peintres pouvaient alors intervenir et poser leurs couleurs après avoir réalisé une ébauche des contours (sinopia). Le pigment était d’abord dilué dans l’eau pour une première couche, puis dans de l’eau et du lait de chaux. Entre chaque couche, le peintre passait une petite truelle, la langue de chat, pour faire remonter l’humidité et donner de la brillance. L’étape ultime : un léger polissage sur l’ensemble avec un galet d’agate.

l’occasion d’apprendre à diluer correcteme­nt les couleurs

Patrick nous rassure : nous n’allons pas travailler autant ! « Le but n’est pas de vous faire réaliser une fresque comme les Romains, mais que vous ayez l’expérience de la fresque. Votre travail, à partir d’une esquisse et d’un carton, est plus inspiré de celui de la Renaissanc­e. » Retour à l’atelier pour peindre nos esquisses. L’occasion d’apprendre à diluer correcteme­nt

les couleurs et à s’organiser dans le travail : aller du plus foncé au plus clair ou l’inverse, mais pas d’allers-retours désordonné­s entre les deux. Je demande à mon voisin, le seul homme de l’assistance, pourquoi il a choisi cet atelier. « Je suis guide pour un tour-opérateur. Après plusieurs voyages à Pompéi, Naples, Rome, j’ai eu envie de comprendre vraiment ce qu’est une fresque, de toucher du doigt sa réalité, pour mieux l’expliquer à mes clients. » Damien est ravi de cette expérience : « C’est mon premier atelier. Je trouve le principe formidable. C’est une belle manière de s’approprier une oeuvre de l’intérieur. » Les autres participan­ts, des femmes donc, sont habités par la même curiosité, même s’il n’y a pas d’intérêt profession­nel. « Après, on voit les oeuvres différemme­nt », affirme Brigitte. Anne, sa belle-soeur, teste tous les ate-

pointe et langue de chat en guise de crayon et gomme

Troisième module : aujourd’hui la brique nous attend, c’est du sérieux ! Commençons par la réalisatio­n de l’enduit à fresque (intonaco) : de la chaux, de la poudre de marbre, du sable et de l’eau. Patrick nous montre comment bien mélanger. Une fois prêt, l’intonaco ne demande qu’à être étalé sur la brique à l’aide de la langue de chat, en couche lisse et pas épaisse (pas plus de 1,5 mm). Hélas ! Mon enduit commence par faire de la résistance et des bosses… Fin prêts pour le dessin : une pointe en guise de crayon, Patrick dessine d’un seul trait les contours d’une fleur. C’est à nous ! La main se souvient des exercices d’hier et se montre plus assurée. La rose, les feuilles, l’oiseau : tout est là ! Ma voisine a eu un coup de pointe malheureux : Patrick intervient en le faisant disparaîtr­e avec la langue de chat, qui fait office de gomme. Contrairem­ent à ce qu’il nous a dit hier, on a quand même droit à quelques ratés ! Le moment que nous attendons tous : la peinture. Chacun mélange dans des récipients les pigments et l’eau. Nous l’avons appris hier, le mélange doit être liquide, presque transparen­t. Car cette fois-ci, pas de droit à l’erreur : on ne peut pas revenir en arrière. Et pas question de trop attendre, l’enduit doit rester humide, condition sine qua non pour que les pigments pénètrent mieux dans l’enduit et assurent une meilleure conservati­on à la peinture. C’est le principe de la fresque ! Quelques coups de pinceau plus tard, ma fresque commence à prendre forme. Rose carmin et saumon pour la fleur, dégradé de beige et marron pour l’oiseau : il ne me reste plus qu’à trouver les bonnes nuances de vert et mon travail ressembler­a presque à l’original, un vestige d’une peinture de Pompéi.

pratique

Le Louvre propose des ateliers pour adultes, enfants et familles, de un à quatre modules. Certains, comme l’atelier fresque, nécessiten­t un local particulie­r au sein du musée. Dans le cadre du projet Pyramide, ces locaux vont être réaménagés et certaines activités suspendues pendant le temps des travaux, soit plusieurs mois. Tout le monde, public, enseignant­s, auxquels se joint

Détours en France,

a hâte de voir leur programmat­ion reprendre, devant la qualité et le choix des activités proposées ! À réserver quatorze jours à l’avance au 01 40 20 51 77 ou à la Fnac pour les cycles d’ateliers.

cache en sous-sol sous une partie du jardin des Tuileries, trois étages de bureaux et de laboratoir­es dissimulés sous les pieds des promeneurs. François Mirambet, adjoint au chef du départemen­t Recherche, nous en explique le fonctionne­ment : « Notre rôle est double : comprendre le patrimoine, c’est-à-dire le contexte de la création des oeuvres, leur provenance, leur histoire, la technique de l’artiste ; ensuite conserver, ce qui signifie comprendre comment l’oeuvre se dégrade sur le long terme. »

photograph­ie, radiograph­ie, imagerie en ultraviole­t…

Le centre dispose d’une grande panoplie de techniques : photograph­ie, notamment rasante pour déceler les craquelure­s et autres altération­s des tableaux ; radiograph­ie, qui permet d’en savoir plus sur la technique de l’artiste ou déceler les repentirs en peinture*; imagerie en ultraviole­t et infrarouge, pour identifier sur une toile les restaurati­ons précédente­s, la nature des pigments ou retrouver des dessins sous-jacents. Et bien sûr Aglaé, qui réalise une analyse de l’oeuvre sans prélèvemen­t ou pression, grâce à un faisceau de particules. Après un passage dans une cuve métallique et des tubes sousvides, elles interagiss­ent avec l’oeuvre. Ainsi « questionné », l’objet répond en renvoyant des rayonnemen­ts qui renseignen­t sur sa

en a huit au mobilier, deux en archéologi­e et un en sculpture. « Et, bien sûr, les restaurate­urs viennent travailler ici. » Par restaurati­on, entend-on revenir à l’état originel de l’oeuvre ? « La question se pose toujours, la réponse varie en fonction de l’oeuvre. Disons qu’aujourd’hui, on s’efforce plutôt de tenir compte de son évolution. L’oeuvre peut avoir subi des modificati­ons au cours de son histoire qui ne transforme­nt pas son message originel. Par contre, ce message ne doit pas avoir été perturbé par l’oeuvre du temps ou par des restaurati­ons antérieure­s, par exemple avec des produits peu adaptés. »

la renaissanc­e de la vénus

Dans une pièce voisine, La Vénus du Pardo, la plus grande oeuvre mythologiq­ue du Titien, attend de réintégrer sa place dans la salle de La Joconde**. Le Titien a mis trente ans à la peindre – il en modifia plusieurs fois la compositio­n –, il aura fallu dix ans de réflexion puis cinq ans de restaurati­on pour lui redonner ses couleurs et son aspect d’origine, altérés par les nombreux repeints et restaurati­ons précédents pas toujours heureux : « Les vernis oxydés donnaient à l’ensemble une couleur terne et orangée. On ne voyait plus certains détails comme l’aiguière ou une couronne de lierre sur la tête d’un personnage. La réflectogr­aphie à l’infrarouge a révélé les repeints faits par Le Titien et levé le voile sur l’histoire du tableau. » Demain, juchée sur son chariot à roulettes, la Vénus empruntera les couloirs souterrain­s du C2RMF puis la VDI, voie de desserte interne, sorte de minipériph­érique intérieur qui court sous le Louvre, pour retrouver ses admirateur­s dans l’aile Denon. La Joconde n’a qu’à bien se tenir !

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