Detours en France Hors-série

rencontre avec les copistes

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vladimir pose ses pinceaux : après trois heures de travail, il s’accorde enfin une pause. Sa Vénus et Vulcain, copie d’après un tableau de l’atelier de Giulio Romano, est presque terminée. La soixantain­e grisonnant­e, ce peintre russe s’est attelé à une tâche herculéenn­e : reproduire toutes les oeuvres d’un pan de mur de la Grande Galerie consacré à la peinture italienne du XIIIE au XVE siècle. Vladimir est sur le point d’aboutir et de réaliser son rêve : exposer ses copies de tableaux du Louvre à l’ambassade de France à Moscou, avant d’entamer une exposition itinérante à travers toute la Russie. Un projet fou, démarré il y a… vingt ans !

Chardin, premier gardien de Chevalets

Isabelle Vieillevil­le connaît bien Vladimir : elle est en charge du bureau des copistes du Louvre depuis six ans. Une institutio­n qui peut paraître étrange, et pourtant : « C’est une tradition très ancienne, qui remonte à l’origine même du musée, nous apprend Isabelle. Le premier règlement du Museum national, en 1793, stipule que les collection­s, autrefois royales, doivent être accessible­s à tous, dont les artistes, y compris les élèves des Beaux-arts. Il leur est donc permis d’entrer au Louvre pour apprendre de leurs illustres prédécesse­urs. Chacun recevra même un chevalet et un tabouret pour s’aider dans son travail. » Déjà sous la monarchie, élèves des académies et artistes venaient poser leur toile dans les galeries du palais, le plus souvent dans un joyeux désordre. Au point que Chardin, qui avait ici un atelier, y mit bon ordre en rédigeant un premier règlement et en se proclamant « gardien de chevalets », le premier d’une longue série… dont Isabelle est aujourd’hui la descendant­e ! « Cette tradition pédagogiqu­e du Louvre a fait des émules : les Offices à Florence, le Met à New York, le British Museum, l’ermitage à Saint-pétersbour­g. Mais là où ces musées octroient moins d’une demi-douzaine de chevalets, le Louvre en offre 90 ! » Isabelle

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produit grandeur nature comme seul sujet de son tableau. En ce moment, il planche sur sa Médée furieuse. » Isabelle propose de nous emmener à la rencontre de ses copistes. Elle qui connaît si bien leur travail et leurs habitudes n’a aucun mal à les retrouver dans le dédale des salles. Un bonjour à Vladimir, qui a retrouvé ses pinceaux – « Alors cette expo, c’est pour bientôt ? » –, et nous voilà en face du travail de Thomas sur Le Guerrier oriental d’après Francesco Mola. Thomas se passionne pour la « grisaille », une technique qui consiste à peindre dans toutes les nuances d’une même couleur, gris, beige ou rosé, pour imiter la pierre ou le marbre. Il projette de faire une exposition avec une douzaine de grisailles et piochera son prochain sujet dans le répertoire de Raphaël. Voilà pour la copie d’interpréta­tion. Isabelle cherche le copiste fidèle. Elle le trouve au premier étage de l’aile Denon, dans la salle 75 dédiée aux peintures françaises grand format. Celle de Ming est plus petite, mais il s’agit sans conteste de la Juliette de Villeneuve dont l’original est signé David. Professeur de peinture dans la province de Jiangxi, au sud-est de la Chine, Ming ne parle ni français ni anglais. Mais un étudiant chinois qui passait par là nous sert d’interprète : Ming est venu travailler au Louvre pour présenter à ses étudiants d’une académie des beaux-arts quelques-uns des tableaux qui l’ont le plus marqué. Hasard ou clin d’oeil ? Le peintre et l’étudiant sont de la même province. Le monde est petit, et le Louvre est son reflet.

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