SECRETS DE TOURNAGE
AU COEUR DE L’ÉMISSION
Nous sommes tous pareils. Parce que nous aimons les émissions de Stéphane Bern, et particulièrement celle qui nous emmène depuis six ans déjà à la découverte des villages de France, nous voulions savoir comment cela se passe derrière les caméras. Claire Carisey, notre reporter, s’est glissée dans les coulisses du tournage au coeur du bourg médiéval de Montchauvet, dans l’agreste vallée de Vaucouleurs (Yvelines). 15 heures, place de l’église de Montchauvet. En ce jour de semaine, le village semble assoupi. Un bruit de moteur trouble le silence de la campagne. Une belle Anglaise, une MG décapotable couleur « British Racing Green », fait une entrée remarquée. C’est lui : c’est Stéphane Bern !
« Déjà ? Il devait arriver vers 16 heures. » Tout sourire, il serre les mains : « C’est bien calme, ici… » Un groupe de marcheurs « faisant » le GR du Pays houdanais se plante devant les caméras : « Nous aussi, on peut jouer dans le film ? » « Impossible », ce n’est pas au programme défini par Valérie Inizan, la directrice de production artistique, et Alex Badin, le réalisateur. « Tant pis, bon tournage ! », lancent les randonneurs en s’éloignant.
AVERSES, GRÊLE ET COUPS DE SOLEIL
« En mai, fais ce qu’il te plaît ? » Ce jeudi 4 du même mois contredit le proverbe, car la météo est capricieuse. Sous une alternance exubérante d’averses, de grêle et de soleil, l’équipe de tournage se fait un peu de mouron… Mais il en faut plus pour impressionner Stéphane Bern. Pour l’heure, décontracté, il s’en remet à son coiffeur et maquilleur attitré, Mickaël Latour. « Ça fait dix-huit ans que je travaille avec Stéph. C’est quelqu’un d’hyper fidèle, il est à la ville comme à l’écran. » En arpentant le village, l’animateur doit rencontrer le premier « fil rouge », comme on dit dans le jargon de la télé quand on désigne les interlocuteurs. « Silence, on tourne ! » Avec l’aisance d’un acteur, il joue avec
la caméra, se penche pour lire le nom sur la boîte aux lettres : « C’est bien ici. Allez, je toque ! » Annick Mouillard apparaît derrière sa porte : « Bienvenue à la maison. Entrez. » Échanges détendus : « On m’a dit que vous étiez la gardienne du village. Dites-moi ça... » « Avec plaisir ! Mais avant, je vais vous présenter mon mari, Raoul. C’est un artiste peintre », précise Annick, avec un brin de fierté.
PATRIMOINE INSPIRANT
Dans un même élan, les deux nouveaux complices traversent la vaste propriété pour atteindre l’atelier, logé dans l’ancienne grange. Au passage, Stéphane Bern ne boude pas son plaisir : « Quel sublime jardin en fleurs ! Regardez ces superbes glycines. Et ce lierre, là, sur les murs… » L’intérieur est dédié à un tout autre art qui l’exalte autant : celui de Raoul, dont les toiles sont inspirées du patrimoine villageois. La discussion est interrompue avec tact par Valérie Inizan, la garante du respect de la feuille de route de l’émission.
UNE HISTOIRE DE CLOCHER
Bras dessus, bras dessous, Stéphane Bern et Annick reprennent leur déambulation. Un léger bruit d’hélice trahit la présence d’un drone. Entre les mains expertes de Bertrand Debeuret, l’engin signe la promesse d’images spectaculaires du village dans son cocon de verdure. Les façades de pierres blanches ou à pans de bois bordant les ruelles constituent autant de haltes. Annick en profite pour révéler que l’envers du décor peut être aussi intéressant que l’endroit, grâce à l’existence de souterrains bien secrets. Une légende rapporte même qu’un trésor aurait été enfoui par des moines dans le village. Sur le parvis de l’église Sainte-marie-madeleine, érigée à partir de 1137, et transformée au xiiie siècle, la guide intarissable nous apprend que « Chagall y a peint une toile. » Un tour d’horizon à l’intérieur permet d’apprécier les voûtes de la nef et du choeur, les vitraux, ainsi que le clocher. Clocher qui a une histoire comme le rappelle Georges Duval, le maire de Montchauvet. L’un de ses prédécesseurs à la tête de la commune se nommait Jean Richepin (1849-1926). Poète sulfureux en ses jeunes années, il est traîné en justice pour sa Chanson des gueux. Ce qu’il ne l’empêche pas d’entrer à l’académie française. Propriétaire du château des Trois-fontaines, à Montchauvet, il en devient le premier magistrat en 1912. Le clocher de Sainte-marie-madeleine est alors écroulé suite à un violent orage survenu dans la nuit du 1er au 2 décembre 1909. Il met tout en oeuvre pour qu’il soit reconstruit et obtient gain de cause en 1913.
«ON EST SORTIS POUR VOIR M. BERN»
Passionné par le « petit » patrimoine rural, Stéphane Bern veut se rendre au lavoir, en bas du village. Las, le temps fait encore des siennes.
Flavie Chancibot, la chargée de production, dégaine un parapluie. Mais l’averse est trop forte, il faut se replier. D’accord, mais où ? Une habitante ouvre prestement la porte de son garage. S’y engouffrent cameramen, perchiste, ingénieur du son… Plus tard, passé le déluge, l’animateur fait une rencontre peu banale au lavoir : Claire Pilo. Intrigué, il l’a ainsi abordée : « Vous êtes jeune, vous vivez à la campagne. Racontez-moi. » « Je suis ostéopathe animalier. Je soigne aussi bien les chevaux, les lapins que les chiens », explique Claire tout en manipulant les antérieurs de Mayotte, le cheval qu’elle doit remettre d’aplomb. Elle suggère : « Je crois que vous êtes sensible à l’art. Vous devriez rendre visite à ma mère : elle travaille la mosaïque. c’est à deux pas d’ici… » Aussitôt proposé, aussitôt accepté. Stéphane Bern rebrousse chemin, suivi d’un cortège de villageois et de l’équipe de tournage qui n’avait pas anticipé la subite visite ! À la tête des Montécalvétiens, une grand-mère et son petit-fils : « On est sortis pour voir M. Bern. Son émission, on adore ! Alors quand il se déplace chez nous, on ne raterait l’événement pour rien au monde ! » C’est souvent derrière un portail, celui d’une grande bâtisse de caractère, que se font les plus belles découvertes. C’est encore le cas avec l’atelier de la céramiste et mosaïste Laurence Pilo. Lorsqu’elle reçoit l’équipe de télé, elle donne un cours. Stéphane Bern observe, pose des questions et veut mettre la main à la pâte ! Avec bienveillance, Laurence le conseille. Et l’animateur-élève de surprendre une messe basse entre Annick et son amie Laurence : « Dis, tu ne crois pas qu’il faudrait lui parler de notre prochaine exposition ? Ça nous ferait une drôle de pub…» Ah, les sirènes de la gloire ! Mais « il est déjà 19 heures », comme l’annonce Valérie Inizan. L’heure de quitter Montchauvet. Demain, nouveau tournage à 150 km de là, à Bellême, dans le Perche. Ce que nous retenons de ce tournage du « Village préféré » ? La spontanéité de l’animateur et l’empathie non feinte qu’il témoigne pour chacun de ses interlocuteurs. Respect, M. Bern.