Detours en France Hors-série

LA ROQUE- GAGEAC

LA FALAISE DORÉE Des maisons à flanc de paroi, tassées entre la Dordogne et la roche calcaire. Des tuiles brunes et des lauzes, partout sur les toits. Une rivière placide, le long de laquelle s’étire le bas-village. Un jardin exotique, un manoir à tour ro

- TEXTE DE PHILIPPE BOURGET

En matière d’harmonie villageois­e, on trouve toujours plus et mieux. Ainsi doivent penser les touristes qui arrivent à La Roque-gageac, après avoir visité les déjà exceptionn­els bourgs de Carennac, Gluges (Lot), Beynac-et-cazenac et Les Eyzies (Dordogne). L’émerveille­ment tient ici à la cohérence totale entre un site géographiq­ue et une architectu­re humaine. La Roque-gageac, 460 habitants, a poussé au pied d’une falaise calcaire qui plonge dans la Dordogne, libérant juste ce qu’il faut d’espace pour que des mains expertes y construise­nt un cadre de vie.

NAGUÈRE, LES GABARRES

Ces bâtisseurs ne l’ont pas fait pour des motifs esthétique­s. Mais parce que la rivière a été, durant des siècles, le moteur économique de ce Périgord profond. Il valait mieux s’y trouver blotti contre plutôt que perché sur les hauteurs, même si les inondation­s ont parfois craché leur violence – comme le prouvent les hauteurs d’eau gravées sur une maison des quais. Jusqu’à la fin du xixe siècle, les gabarres, bateaux traditionn­els à fond plat, ont contribué à l’importante activité fluviale, transporta­nt bois, fer, vin, noix,

UN COCKTAIL VILLAGEOIS EXCEPTIONN­EL, CONSTITUÉ DE PIERRES DORÉES, DE TUILES BRUNIES, DE LAUZES GRISES ET DE DEMEURES ARRIMÉES AUX MINCES REPLATS SOUS LA FALAISE.

châtaignes, fromage et sel jusqu’à Bordeaux. Au retour, chargées d’autres marchandis­es, elles étaient tirées par des boeufs sur les chemins de halage. Il n’en reste plus aujourd’hui que quelques-unes, à vocation touristiqu­e. La batellerie avait besoin de haltes, elles faisaient prospérer commerces et artisanat. La Roque-gageac fut l’une d’elles. C’est à ce moment qu’intervient le talent paysan de savoir fondre, peut-être sans en avoir conscience, l’humain dans ce décor naturel. En utilisant les matériaux du cru, certes. Mais ajouté à l’alchimie qui embellit avec l’âge les fonctions utilitaire­s d’une maison, cela donne ce cocktail villageois exceptionn­el, constitué de pierres calcaires dorées, de toits de tuiles brunies, de lauzes grises, de demeures arrimées aux minces replats sous la falaise. Le tout, lié par des ruelles de charme et des passages sous voûtes.

LE FORT TROGLODYTI­QUE

Il existe un autre motif à l’épanouisse­ment du village. À ses fonctions portuaires s’est ajoutée celle de villégiatu­re, pour les évêques de Sarlat. Ils y bâtirent un château, dont il reste des vestiges au-dessus des maisons, ainsi qu’un fort troglodyti­que, creusé vers le xiie siècle dans la falaise. Grâce à lui et aux remparts, La Roque-gageac, jadis fortifiée, ne tomba jamais aux mains des Anglais ou des protestant­s. Découvrir le bourg impose de prendre le temps de se perdre dans son lacis villageois. L’église au clocher-mur est immanquabl­e. Construite au xive siècle, son toit recouvert de lauzes peut peser jusqu’à 1 tonne au m². La charpente ne résiste que parce qu’elle

est très pentue. La fontaine de l’église, un oratoire et le marché (sous la halle, le vendredi) méritent le détour. Des maisons détruites rappellent aussi que vivre sous une falaise n’est pas sans risque. Comme lors de l’hiver 1957, quand un pan s’effondra sur une partie du village, causant trois morts.

LE CHÂTEAU DE LA MALARTRIE

Trois sites ou bâtiments sont enfin à découvrir pour confirmer pleinement la juste appartenan­ce de La Roque- Gageac au réseau des « Plus beaux villages de France » : le Jardin exotique et le manoir de Tarde (voir encadrés),

ainsi que le château de la Malartrie. Ce dernier, bien que situé sur la commune de Vézac, marque majestueus­ement l’entrée dans le village, lorsque l’on arrive de Beynac-et- Cazenac. De style xve siècle, il n’a été construit qu’en 1901, par un ancien ambassadeu­r de France en Angleterre. Pour jouir pleinement du charme de La RoqueGagea­c, il faut y passer un soir d’été. Posté sur le quai face aux façades illuminées, c’est alors que l’on saisit tout le sens du mot élégance. ẞ

 ??  ?? La falaise se fond littéralem­ent avec le village, ses infrastruc­tures et ses habitation­s (au loin, le donjon du manoir de Tarde).
La falaise se fond littéralem­ent avec le village, ses infrastruc­tures et ses habitation­s (au loin, le donjon du manoir de Tarde).
 ??  ?? L’église NotreDame fut bâtie en 1330. C’était alors la chapelle du château de La Roque-gageac. Elle fit l’objet au cours des siècles de divers ajouts architectu­raux.
L’église NotreDame fut bâtie en 1330. C’était alors la chapelle du château de La Roque-gageac. Elle fit l’objet au cours des siècles de divers ajouts architectu­raux.
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 ??  ?? Le fleuve alimentait jusqu’au xixe siècle une intense activité commercial­e. Aujourd’hui, au village, il ne reste que quelques gabarres à vocation touristiqu­e.
Le fleuve alimentait jusqu’au xixe siècle une intense activité commercial­e. Aujourd’hui, au village, il ne reste que quelques gabarres à vocation touristiqu­e.
 ??  ?? La RoqueGagea­c constituai­t une des haltes dont la batellerie avait besoin. C’est ainsi que le village a prospéré, développan­t commerces et artisanat.
La RoqueGagea­c constituai­t une des haltes dont la batellerie avait besoin. C’est ainsi que le village a prospéré, développan­t commerces et artisanat.
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 ??  ?? La partie la plus ancienne du Jardin exotique se déploie autour de l’église. Gérard Dorin a commencé par des lauriersro­ses avant d’y acclimater des plantes moins familières.
La partie la plus ancienne du Jardin exotique se déploie autour de l’église. Gérard Dorin a commencé par des lauriersro­ses avant d’y acclimater des plantes moins familières.
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