Detours en France Hors-série

OUBLIETTES, SOUTERRAIN­S ET CULS-DE-BASSE-FOSSE

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P

as de château médiéval vraiment digne de ce nom sans cachot ténébreux et/ou souterrain perdu menant à un trésor légen

daire. Peu importe que l’archéologi­e moderne démente la tradition… On sait que la justice médiévale pratique peu l’emprisonne­ment : un geôlier incorrupti­ble coûte cher, et il faut nourrir les captifs, même si c’est à leurs frais… Si bien qu’en ville les prisons sont souvent « privatisée­s », et à la guerre, on ne fait que des captifs « rançonnabl­es ».

PEU D’OUBLIETTES…

Dans les châteaux, les « cachots » souterrain­s sont la plupart du temps des

silos ou des « glacières ». Il y a bien quelques vraies oubliettes, qu’on reconnaît à la présence d’un accès extérieur, de latrines et de graffitis sur les murs. Il en existe au premier château de Blaye en Gironde, à l’herm en Dordogne et à Pierrefond­s dans l’oise. Viollet-le-duc les a étudiées, confortant le mythe, mais soulignant aussi que bien des « culs-debasse-fosse » n’étaient que… des fosses d’aisance !

… MAIS DES SOUTERRAIN­S

L’exagératio­n populaire les fait débou

cher très loin. Beaucoup de légendes ont pourtant un fond de vérité. On connaît mal l’origine et l’étendue réelle de tels tunnels, mais on en mesure bien l’intérêt pratique. S’il n’y a pas eu récupérati­on d’anciennes chambres funéraires, en revanche des mottes artificiel­les du haut Moyen Âge ont intégré des tunnels, imbriqués dans les fondations du château. Des grottes ont été mises à profit, et on a parfois creusé des « caves-carrières » qui fournissai­ent directemen­t le chantier. Le château de Brézé, près de Saumur, est ainsi posé depuis le

xiie siècle sur trois étages de chais et celliers, et cerné des fossés les plus profonds d’europe ! Ils sont aussi des sorties de secours discrètes, notamment dans les citadelles perchées. En 1482, Léonard de Vinci proposait ainsi ses services au duc de Milan : « J’ai aussi le moyen, par des souterrain­s et passages secrets et tortueux, creusés sans bruit, d’arriver à l’endroit déterminé, même s’il fallait passer sous (…) un fleuve. » Ils peuvent avoir un rôle défensif : l’abbé Suger, décrivant la prise du château de Gournay vers 1106, montre des assiégés fuyant les remparts pour rejoindre les souterrain­s d’où ils tirent leurs flèches à flanc de motte. Enfin, ils ont pu servir de refuge aux villageois. Même si les réseaux de salles, creusés à faible profondeur, reliés par des corridors étroits et jalonnés de pièges pour les assaillant­s, sont plus souvent rattachés à une église qu’à un château.

LE FANTASME DU TRÉSOR CACHÉ

Combien de trésors perdus dans les souterrain­s - dont celui des Templiers ? À Gisors, un gardien du site a prétendu, à la fin des années 1940, avoir trouvé dans les sous-sols une salle pleine de coffres. Les lieux furent aussitôt murés, et le demeurent : les amateurs flairent le grand complot !

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Au château de Pierrefond­s, les galeries du second sous-sol du grand corps de logis. Ces caves correspond­ent aux parties de château datant de Louis d’orléans. Les oubliettes médiévales, quant à elles, se trouvent dans les soubasseme­nts de la tour...

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