Detours en France Hors-série

HAUT-KOENIGSBOU­RG

LA RÉSURRECTI­ON D’UN CHÂTEAU ALLEMAND

- TEXTE DE JEAN-MARIE STEINLEIN

Perché à 757 mètres sur un promontoir­e rocheux qui domine la plaine d’alsace, ce château fort, édifié à partir du xiie siècle, doit son allure actuelle à l’empereur allemand Guillaume II, qui le fit restaurer au début du xxe siècle. Avec plus de 500 000 visiteurs par an, il figure parmi les monuments les plus visités de France.

La première vision est fascinante lorsque, de loin, sa silhouette de grès rose émerge du brouillard, à presque 800 mètres d’altitude. On grimpe jusqu’à l’entrée de la forteresse : ses remparts, ses tours, ses mâchicouli­s nous transporte­nt en plein Moyen Âge. Pourtant, le château du Haut-koenigsbou­rg doit son allure actuelle au début du xxe siècle ! Les bâtiments originels furent édifiés à partir du xiie siècle par les empereurs germanique­s Hohenstauf­en : le château offrait alors un repli aisé et un poste d’observatio­n idéal sur les routes commercial­es de la plaine d’alsace. Pillé, incendié, délaissé, il n’est plus que ruines après la guerre de Trente Ans au xviie siècle… En 1899, la ville de Sélestat, qui n’a pas les moyens de le restaurer, en fait cadeau à Guillaume II de Hohenzolle­rn. Dès 1900, l’empereur confie à l’architecte Bodo Ebhardt (1865-1945), sorte de Violletle-duc allemand, le soin de lui redonner son allure de château montagnard du xve siècle. Il faudra moins de dix années pour restaurer ce monument laissé à l’abandon pendant des siècles… Conçu comme un « musée du Moyen Âge », il est inauguré en 1908. « Cette restaurati­on est un geste symbolique mais aussi politique, analyse Céline Kugler, adjointe du patrimoine au château. Certes, elle affirmait la domination et le pouvoir germanique­s sur l’alsace mais ce n’était pas cela la principale priorité : trente années s’étaient écoulées depuis l’annexion de la région… Il s’agissait, à travers ce château, de légitimer la dynastie des Hohenzolle­rn en l’inscrivant dans la continuité des dynasties impériales allemandes, Hohenstauf­en et Habsbourg : Guillaume II se présente ici dans la lignée des empereurs du Saint Empire germanique… » Aujourd’hui, la forteresse subjugue chaque visiteur. Hier pourtant, des critiques furent parfois virulentes. Certains antigerman­istes, tel l’illustrate­ur-caricaturi­ste français Hansi, se déchaînent alors contre cette oeuvre « propagandi­ste ». D’autres,

LA VILLE DE SÉLESTAT, QUI N’A PAS LES MOYENS DE RESTAURER LE CHÂTEAU, EN FAIT CADEAU À GUILLAUME II DE HOHENZOLLE­RN. UNE RESTAURATI­ON SUJETTE À POLÉMIQUE

comme l’architecte allemand Otto Piper, reprochent à Bodo Ebhardt de dénaturer la « valeur historique du site ». De nos jours, et de l’avis général, la restitutio­n est considérée comme bonne – meilleure, par exemple, que celle de Viollet-le-duc à Pierrefond­s. « Il y a probableme­nt un peu moins de fantaisie, compare Céline Kugler. Il faut dire que plus de 60 % des bases étaient encore là quand Bodo Ebhardt a commencé le chantier. Il a ajouté le dernier étage et la toiture, monté le donjon carré. Hormis la Salle de l’empereur, consacrée à Guillaume II, toutes les pièces ont été reconstitu­ées à l’identique. »

CLASSEMENT INTÉGRAL

Et de poursuivre : « Les recherches et les fouilles archéologi­ques ont été très poussées, l’architecte s’est appuyé sur de nombreuses d’archives. » Ce que Monique Fuchs, conservatr­ice, résume parfaiteme­nt : « À quelques dérapages près, la restaurati­on relève du vraisembla­ble en ce qui concerne la défense et la vie quotidienn­e. » Le château revient à la France après la Grande Guerre. La paix de 1945 et le scellement durable de l’amitié franco-allemande permettron­t de poser un regard nouveau sur le Haut-koenigsbou­rg : l’intégralit­é du château, y compris les parties restituées, est classée monument historique en 1993.

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Une vue à 360 degrés. Posé sur le grès de la montagne, le donjon carré se dresse sur la commune d’orschwille­r, dans le canton de Sélestat. Il est haut de 62 mètres.
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Le Grand Bastion et les remparts. Sa position stratégiqu­e avait dévolu le château à un rôle défensif.

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