LA CHAÎNE DES PUYS SUR LA CENTAINE DE VOLCANS, HUIT SONT DES DÔMES, QUATRE-VINGTDIX DES CÔNES, UNE DIZAINE DES MAARS.
LE CHEMIN DES CRATÈRES
À l’ouest de Clermont-ferrand, la chaîne des Puys forme un exceptionnel ensemble d’une centaine de volcans. Les monts Dôme aux formes harmonieuses sont nés de la violence du feu. En plein coeur de Clermont-ferrand, l’image est saisissante. En arrière-plan de l’insolite cathédrale de pierre de lave noire se dessine la silhouette reconnaissable entre mille du puy de Dôme. Bienvenue au pays des volcans ! À l’ouest de la capitale de l’auvergne, l’exceptionnelle chaîne des Puys s’étire sur une quarantaine de kilomètres : une centaine de volcans s’élèvent dans un alignement Nord-sud. Cet ensemble modelé par le feu, il y a quelques milliers d’années, compose un des paysages les plus fascinants de France. Le volcanologue Jacques-marie Bardintzeff ne nous contredira pas, lui qui a exploré les volcans les plus explosifs au monde mais qui, chaque année, revient dans ces tranquilles monts Dôme, au point de se définir comme un « Auvergnat d’adoption ».
UNE TERRE À EXPLOITS
« On y parcourt un véritable musée du volcanisme à ciel ouvert. Sur la centaine de vol
cans, huit sont des dômes, quatre-vingt-dix des cônes, une dizaine des maars. Voici un terrain d’exploration fantastique et assez rare pour le volcanologue en herbe, s’enthousiasme-t-il. Et ces puys ont l’avantage d’offrir des randonnées accessibles aux enfants comme aux personnes plus âgées. » Comment ce paysage
s’est-il formé ? « La chaîne des Puys s’est développée sur un plateau granitique à environ 1 000 mètres d’altitude, lui-même au-dessus du plateau de la Limagne. Il y a cent mille ans, des fractures se sont ouvertes dans ce plateau, du magma en est sorti et a commencé à former,
à chacune de ses évolutions, un petit volcan : un puy. Il en existe de tous les âges. Les plus
jeunes ont juste 8 000 ans », explique-t-il. Le symbole de cette chaîne, c’est bien sûr le puy de Dôme, culminant à 1 465 mètres d’altitude. On ne pouvait y accéder qu’à pied, avant que ne soit mis en service, en 2012, un petit train, le Panoramique des Dômes : il faut compter 15 minutes de voyage ferroviaire. En revanche, 45 minutes de marche sont nécessaires au départ du col de Ceyssat par le chemin des Muletiers, pour atteindre un époustouflant panorama à 360 degrés sur la région. Par temps clair, on peut même distinguer le mont Blanc ! Le puy de Dôme exerce une telle attraction que les hommes ont toujours voulu y réaliser des exploits, à l’image d’eugène Renaux, qui parvint à poser son avion sur son sommet en 1911, moins de six heures après
son départ de Paris. En 1964, ce sont les champions cyclistes Poulidor et Anquetil qui s’y affrontèrent dans un duel homérique, au coude-à-coude, lors du Tour de France…
DE LA GLACE, MÊME EN ÉTÉ
Et Jacques-marie Bardintzeff de poursuivre : « Le puy de Dôme a toujours été un lieu symbolique. La construction de l’observatoire au xixe siècle a d’ailleurs permis de découvrir les vestiges d’un vaste temple dédié à Mercure, le dieu des Voyageurs et du Commerce. Aujourd’hui encore, c’est un lieu de pèle
rinage. » Prenons la direction du nord. Voici le puy de Côme qui culmine à 1 250 mètres d’altitude. On le reconnaît aux hêtres et résineux qui s’alignent avec régularité sur ses pentes, jusqu’à son sommet dégarni. L’accès au cratère est interdit par un décret municipal. Sa cheire (ancienne coulée de lave) est une des plus importantes d’auvergne : elle s’étend sur plusieurs kilomètres jusqu’à la ville de Pontgibaud. Dans la forêt près du village de Bannières se dévoilent de superbes vestiges de cette longue « rivière » de lave noirâtre et chaotique. À mesure qu’on progresse dans l’éboulis formé de gros blocs moussus, la température descend et, bientôt, au fond d’une petite dépression, voilà qu’on se surprend à claquer des dents ! Dans les interstices des
blocs, on trouve même de la glace, y compris
l’été. « On se servait de ces glacières naturelles pour l’affinage du saint-nectaire, raconte
Marc Mazataud, notre guide. En fait, le mécanisme de l’évaporation permet l’absorption des calories de la chaleur latente ambiante, ce qui produit du froid. Plus c’est humide et plus il fait chaud, plus l’eau s’évapore et plus il y a de glace entre les blocs… » Le voisin du puy de Côme est le gracieux puy Pariou. Il présente un des plus beaux cônes de scories et, surtout, le plus grand cratère de la chaîne des Puys : 317 mètres de diamètre pour près de 100 mètres de profondeur. Pour découvrir sa morphologie complexe (deux cratères
emboîtés), nous grimpons par le versant Sud, par un escalier de bois. Au sommet, à 1 209 mètres, une vue magnifique dévoile le puy du Clierziou. Une fois au fond du second cratère, recouvert d’une fine pelouse, la sensation de se rapprocher du ventre du volcan nous étreint ! Mais nous ne sommes pourtant pas au bout de notre voyage au centre de la Terre : au puy de Lemptégy, on pénètre littéralement dans les entrailles du volcan.
LES VOLCANS POURRAIENT SE RÉVEILLER
Après la Seconde Guerre mondiale, le site s’est transformé en carrière à ciel ouvert, nombre de villes détruites ayant eu besoin de matériaux, particulièrement de scories volcaniques, pour fabriquer des parpaings et sabler les routes. Le cône a ainsi été raboté par les machines exploitant la pouzzolane, jusqu’à évider le cratère et révéler l’intimité du volcan. Le long d’un sentier de près de 2 kilomètres, on observe de nombreuses bombes volcaniques – fragments projetés de lave fluide –, les deux cheminées issues des deux volcans qui s’y sont succédé, les coulées, les cendres, les lapilli… Une initiation à la géologie dans un décor idéal ! Les éruptions volcaniques ont pétri le paysage de quantité de chefs- d’oeuvre. Ainsi, à Montrodeix, près du col de la Moreno, des orgues basaltiques présentent des stries verticales d’une régularité saisissante, comme sculptées par l’homme ! Un peu plus au sud, le puy de la Vache vaut le détour pour son paysage incroyablement lunaire : scories noires et rouges, pouzzolane et chaos rocheux… Compter une heure de marche pour monter au sommet, à 1 167 mètres. Avec ses bombes volcaniques, le cratère égueulé offre un décor qui semble venir d’un autre monde. Cette ambiance post- cataclysmique peut se révéler inquiétante, surtout quand on sait qu’une nouvelle éruption est possible. « Des volcans de cet âge-là pourraient se réveiller. Ce n’est pas d’actualité mais ce n’est pas impossible. Ils sont potentiellement actifs car, pour être sûr qu’un volcan est bien éteint, il faut un recul d’au moins cinquante mille ans. Mais, rassure Jacques-marie Bardintzeff, le moindre soubresaut, la moindre anomalie thermique ou sismique seraient tout de suite repérés. » Nous pouvons continuer à arpenter les monts Dôme sans crainte ! ∫