LE CAP DE LA HAGUE
Loin de la centrale de traitement des déchets nucléaires, La Hague est un pays à la beauté sauvage et éclatante, d’une exceptionnelle diversité de paysages. À 30 kilomètres de Cherbourg, cette petite terre greffée à la proue du Cotentin dégage une sensation de bout du monde.
Gros temps aujourd’hui à la pointe de Goury, à l’extrême Nord-ouest de la presqu’île du Cotentin. Quelques badauds, le corps plié pour lutter contre le vent, sont venus
admirer la « tempête ». Seuls les goélands semblent vraiment à l’aise ici, défiant les éléments déchaînés. Bienvenue au cap de La Hague, pays sauvage, figure de proue du département de la Manche. L’endroit est méconnu. Sa beauté étrange émane en partie de la lande austère qui sert d’écrin à des prés plongeant vers la mer, zébrés de murets de pierre sèche… Un petit bout d’irlande en Normandie ! Peu d’habitations à Goury, un hameau qui s’avance dans la mer : un port miniature, un phare de granit enraciné sur un rocher, l’ancienne maison de ses gardiens et un drôle d’abri octogonal. À l’intérieur, prêt à se jeter à l’eau, le Mona-rigolet, le canot tous-temps des bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Car ici, la mer a causé des ravages : une imposante croix rappelle, notamment, la catastrophe du sous-marin
Vendémiaire, entré en collision avec un navire en 1912. Ce jour-là, 24 marins sont emportés dans les courants violents du raz Blanchard – c’est ainsi que l’on nomme le bras de mer qui sépare cette pointe de l’île d’aurigny ( Alderney), à une dizaine de milles de là.
LES EXIGENCES DU « FINISTÈRE LE PLUS PROCHE DE PARIS »
Le patron du Mona Rigolet, Rémi Leparmentier, des centaines d’interventions au compteur, raconte que « l’endroit est le siège de
courants parmi les plus forts d’europe. La vague de la marée qui emplit et vide la Manche heurte les hauts-fonds et provoque des courants qui atteignent facilement les 10 noeuds lors des grandes marées. Lorsque le vent souffle contre les courants, ça peut être terrible : la mer enfle de façon désordonnée et met en péril toutes les embarcations. Pour être sauveteur, il faut rester humble et respecter la mer. » Pour apprécier le cap de la Hague, il faut aussi l’aimer, la mer. Car, ici, elle « vous barre la route, on ne va plus nulle part, comme sur une île », écrit Claudie Gallay dans son roman à succès Les Déferlantes. Les petites routes, qui sillonnent un
paysage à la fois beau et désolé, débouchent toujours sur la mer et sur d’inattendues découvertes, tel Port Racine. Cet abri naturel et lilliputien de l’anse Saint-martin fait le bonheur des amateurs de photos avec ses barques de pêche colorées, amarrées au bout de longs cordages ! Le poète et scénariste Jacques Prévert, qui passa ses derniers jours dans le coin, à Omonville-la-petite, parlait du cap comme du « Finistère le plus proche de Paris ». Il est vrai que l’on s’y sent un peu au bout du monde, surtout les jours de brouillard ou de tempête !
LES CACHES DES CONTREBANDIERS AU CREUX DES FALAISES
En empruntant le Sentier du littoral – le GR223 –, on peut ressentir comme rarement la fureur de la mer, notamment en haut des falaises du nez de Jobourg, qui surplombent une réserve naturelle. Elles figurent parmi les plus hautes d’europe occidentale : 130 mètres. Yves Cottebrune, de l’association À la découverte de la Hague, emmène, à marée descendante, les amateurs explorer de mystérieuses grottes nichées dans leurs entrailles. Seulement submergés lors des grandes marées, ces abris ont, jusqu’au xixe siècle, servi aux contrebandiers de caches pour leurs marchandises illicites (tabac, sel…) en provenance des îles Anglo-normandes, comme Aurigny. Des générations de contrebandiers y planquèrent leurs « pouquetons de p’tun » (ballots de tabac) et autres marchandises illicites en toute sécurité. Si le parcours pour y accéder est difficile car il faut descendre la falaise abrupte puis enjamber des roches glissantes, la récompense est au bout : on pénètre dans d’étroites cavernes aux parois tapissées de lichens et de mousses qui, à la
PEU D’HABITATIONS À GOURY, UN HAMEAU QUI S’AVANCE DANS LA MER, UN PORT MINIATURE, UN PHARE DE GRANIT ENRACINÉ SUR UN ROCHER, L’ANCIENNE MAISON DE SES GARDIENS ET UN DRÔLE D’ABRI OCTOGONAL.
lumière de la lampe, scintillent de mille feux. Un peu plus au sud, toujours sur le Sentier du littoral, au détour d’un virage, la baie d’écalgrain se découvre : une plage de sable et de galets enserrée entre deux falaises jonchées de bruyères et de genêts. Un lieu grandiose. Bientôt, c’est l’anse de Vauville. Et, du haut du village de Biville, encore un spectacle d’exception : un massif dunaire aux allures de paysage lunaire, étrangement cabossé, dont on dit que c’est un des plus vieux d’europe. « Ce sont les
dunes les mieux préservées du Cotentin. Personne ne s’y aventurait car elles ont longtemps servi de champ de tir pour l’armée », explique Sébastien Houillier, garde du Conservatoire du littoral. Un petit chemin conduit au pied des dunes jusqu’à la mare de Vauville.
150 ESPÈCES D’OISEAUX
Protégée par un petit cordon de sable, cette lagune d’eau douce est une réserve naturelle de 60 hectares, idéale pour observer les oiseaux (quelque 150 espèces ont été recensées). D’ici, lorsque le soleil a rendez-vous avec la dune, le spectacle s’anime : jeu d’ombres et de lumière, mouvement du paysage en relief, décor immense… Le cap de La Hague offre ainsi un tourbillon de sensations fortes, enivrant, iodé, revigorant. C’est un pays où aussi, grâce au Gulf Stream, il fait étonnamment doux, comme le prouvent les jardins des maisons de granit dans lesquels d’inattendues plantes exotiques s’épanouissent.
Office de tourisme : 45 rue Jallot, 50440 BeaumontHague. 02 33 52 74 94. www. lahaguetourisme.com