Detours en France Hors-série

LES MONTS D’ARRÉE

PAR L ES CRÊTES SECRÈTES

- TEXTE DE DOMINIQUE ROGER Parc naturel régional d’armorique : 15 place aux Foires, 29590 Le Faou. 02 98 81 90 08. www.pnr-armorique.fr Office de tourisme : 14 avenue du Maréchal-foch, 29400 Landivisia­u. 02 98 68 33 33. www.ot-paysdeland­ivisiau.com

Situés à la frontière des anciens évêchés de Léon et de Cornouaill­e, les finistérie­ns monts d’arrée offrent une pelisse de bête sauvage, une sorte de toundra où la lande est caressée à rebrousse-poil par les vents. Les crêtes et les tourbières piégeuses constituen­t un décor fantasmago­rique où rôdent, dit-on, l’ankou et de bien curieuses créatures.

La traversée de cette longue arête de schiste et de grès peut commencer au pied du monastère cistercien du Relecq. Le sommet des roches du Relecq (358 mètres) atteint, progressez vers Roc’h ar Feunteun. En contrebas, les eaux du lac de Saint-michel sont d’un calme étonnant. C’est là pourtant que palpite le coeur du Yeun Ellez, une zone de tourbière et de marais s’ouvrant sur le Youdig (la « petite bouillie »), animé de feux de tourbe spontanés. La légende y situe une des portes de l’enfer celte… Jadis, on menaçait les enfants turbulents de les livrer au ki du ar yun (le « chien noir du marais »). Des ombres, des branches qui couinent et, dit-on, les maouezed-noz (les « femmes de nuit ») qui sortent nuitamment pour aller lessiver les suaires des défunts aux lavoirs des vivants. Malheur à ceux qui les croiseraie­nt ! Du Yeun, peuplé d’oiseaux, dont de magnifique­s butors étoilés, la rivière de l’ellez s’échappe par une percée à travers le chaos du Rusquec et la vallée de Saint-herbot. Quittez ce « puits de l’abîme » pour remonter vers Roc’h Trédudon et le Roc’h Trévezel (384 mètres). Ce sommet à la noire denture schisteuse est une table d’orientatio­n naturelle : au nord, le plateau du Léon ; plein ouest, la rade de Brest ; au sud, la montagne SaintMiche­l ; à l’est, la baie de Morlaix. Le MenezMikel – le mont SaintMiche­l de Brasparts (380 mètres) – est en vue. Son ascension par le go hent (le « vieux chemin ») n’est pas aisée. Au sommet, la lande recouvre la terre pierreuse d’un tapis végétal, où l’or des ajoncs et le mauve des bruyères se détachent du vert. Arc-boutée dans sa carapace de granit, voyez la chapelle Saint-michel ( xviie siècle). L’archange étant réputé protéger les âmes de l’enfer. Une communauté druidique se réunit sur l’ancien mont Kronan, du nom du dieu de la Vie, pour de rituelles cérémonies. On vous demandera sûrement si, dans votre périple, vous avez vu l’ankou, la « Grande Faucheuse » : prenez alors un air grave. Dans ce pays, on ne plaisante pas avec la mort. ∫

LA LANDE RECOUVRE LA TERRE PIERREUSE D’UN TAPIS VÉGÉTAL, OÙ L’OR DES AJONCS ET LE MAUVE DES BRUYÈRES SE DÉTACHENT DU VERT.

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Des landes et des rocs. Les monts d’arrée ? C’est Anatole Le Braz, écrivain et historien du folklore breton, qui en parle le mieux : « Des montagnes qui n’en sont plus mais se souviennen­t de l’avoir été… »

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