Detours en France Hors-série

PARIS AU FIL DE LA SEINE

AU FIL DE L A SEINE

- TEXTE DE SOPHIE DENIS, HUGUES DEROUARD, DOMINIQUE ROGER

Et si c’était la plus belle avenue de Paris ? Sur quinze kilomètres, la Seine se tortille dans son lit, divisant la capitale en deux rives. Pour découvrir la Ville lumière, rien de tel que d’emprunter une embarcatio­n de la compagnie Batobus, pour une balade avec escales. Vu du fleuve, le spectacle parisien s’apprécie comme jamais.

Au pied du pont d’iéna, le port de la Bourdonnai­s s’active. Il est 10 heures du matin, Batobus et Bateaux-mouches s’apprêtent à appareille­r. Un dernier regard sur la tour Eiffel et l’esplanade du palais de Chaillot, et les amarres sont larguées direction le jardin des Plantes. Le trimaran fend le chemin d’eau, offrant une découverte inédite de la ville. À droite, rive Gauche, le musée du Quai- Branly, conçu par l’architecte Jean Nouvel. Rive opposée, les masses cubiques du Palais de Tokyo recèlent des pièces majeures de l’art contempora­in. Le quai d’orsay longe l’esplanade des Invalides en contrebas, puis passe au pied du monumental péristyle à colonnade de l’assemblée nationale. À l’origine, il y avait un édifice, le Palais-bourbon, érigé pour la fille de Louis XIV et de madame

de Montespan, duchesse de Bourbon. C’est à Napoléon Ier que l’on doit le bâtiment actuel où siègent les députés. Le commandant de bord de la navette fait remarquer à ses passagers que les petites embarcatio­ns qui traversent le fleuve avec force remous de moteur sont celles qu’utilisent « les hommes politiques regagnant le ministère de Bercy. Via la Seine, c’est plus rapide : il n’y a pas d’embouteill­age ! » Passé sous la passerelle piétonnièr­e Léopold-sédar-senghor, reliant d’une seule enjambée métallique le jardin des Tuileries au musée d’orsay, le bateau s’amarre quai Anatole-france pour une escale au musée. Inaugurée à l’occasion de l’exposition universell­e de 1900, l’ancienne gare fut, quarante années durant, la tête de ligne de la Compagnie du Chemin de fer de Paris à Orléans. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle est peu à peu désaffecté­e puis promise à la démolition, jusqu’à ce que le président Valéry Giscard d’estaing ne décide de la transforme­r en un espace culturel consacré aux arts du xixe siècle… Avant de reprendre la navette fluviale, faites un crochet par le musée Rodin, installé dans l’hôtel Biron ( xviiie siècle). Et Saint-germain-des-prés n’est pas si loin, même si l’intelligen­tsia a déserté les lieux…

IMMORTELS, VERT-GALANT ET ARCHITECTU­RE AUDACIEUSE

Retour sur le fleuve. Péniches grand gabarit, barges et pousseurs, canots pneumatiqu­es de la Brigade fluviale ou des sapeurs-pompiers, Bateaux-mouches, bateaux de plaisance… la Seine vit à cent à l’heure. Sur le pont des Arts, les badauds vous gratifient d’un petit signe de

la main, tandis que votre attention est captée par le dôme de l’institut de France. Ce palais que Louis Le Vau, Premier Architecte du roi Louis XIV, éleva dans l’axe de la cour Carrée du Louvre, située rive Droite, abrite la bibliothèq­ue Mazarine et les cinq Académies où se réunissent, entre autres, les Immortels. Telle une proue verdoyante, le square du Vert-galant, dominé par la statue équestre d’henri IV, annonce l’île de la Cité. La navette la contourne par babord, s’engouffran­t sous le Pont-neuf, le plus ancien de la capitale. Sa constructi­on s’étira sur près de trente années (de 1578 à 1607). Le flanc Sud de la Cité est bordé par le quai des Orfèvres. Attenant au Palais de justice, le numéro 36 qui a accueilli jusqu’à récemment la fine fleur de la police et inspire toujours les grands noms du roman noir. La Concierger­ie, vestige du palais des Capétiens, tournée côté Nord de l’île, et la Sainte-chapelle, magnifique sanctuaire érigé par saint Louis au xiiie siècle, enchâssée dans l’enceinte du palais, méritent la visite. Laissant le Boul’mich (boulevard Saint-michel), clé d’accès au Quartier latin, d’un côté, et les tours de Notre-dame de l’autre, le Batobus passe sous le pont de l’archevêché, longe les hôtels xviie et xviiie siècles des quais d’orléans et de Béthune de l’île Saint-louis. Avant d’arriver au jardin des Plantes, voyez l’institut du Monde arabe, architectu­re audacieuse signée Jean Nouvel et Pierre Soria, dont la façade Sud possède des dizaines de moucharabi­ehs qui s’ouvrent et se ferment comme les diaphragme­s d’un appareil photograph­ique en fonction des mouvements du soleil.

LE BATOBUS CONTOURNE L’ÎLE DE LA CITÉ PAR BABORD, S’ENGOUFFRAN­T SOUS LE PONT-NEUF, LE PLUS ANCIEN DE LA CAPITALE. SA CONSTRUCTI­ON S’ÉTIRA SUR PRÈS DE TRENTE ANNÉES.

LE PLUS BEAU BOULEVARD DE PARIS

Demi-tour, toute ! Au jardin des Plantes, le Batobus repart vers son port d’attache, en naviguant cette fois le long de la rive Droite. Dans le sens du courant, les rives – toujours très fréquentée­s – et leurs monuments, classés au patrimoine mondial de l’unesco entre les ponts Sully et Iéna (jusqu’à Bir-hakeim pour la rive Gauche), défilent : l’hôtel de Ville ; la haute tour Saint-jacques de style gothique flamboyant ; la place du Châtelet avec le Théâtre de la Ville et celui du Châtelet ; le quai de la Mégisserie où se côtoient animalerie­s et pépiniéris­tes ; les bâtiments Art déco de la défunte Samaritain­e, grand magasin fondé par Ernest Cognac en 1869 ; Saint-germainl’auxerrois, en face du Louvre, l’ancienne paroisse des rois de France. Après avoir dépassé le Louvre et les jardins des Tuileries, le Batobus accoste au port des Champs-élysées, entre les ponts Alexandre-iii et de la Concorde. L’escale ne peut mieux tomber, nous avons rendez-vous avec un « homme du fleuve », l’architecte de la mer Jacques Rougerie, concepteur d’océanopoli­s à Brest ou de Sea Orbiter, laboratoir­e océanograp­hique flottant. Il nous reçoit dans sa péniche reconverti­e en lieu de vie et de travail : « La Seine ? C’est le plus beau boulevard de Paris ! Vu du fleuve, Paris est totalement différent. Le fleuve dégage quelque chose de profondéme­nt sensoriel, qui me manque lorsque je dois dormir à terre. » La visite du quai terminée, remontez, via le cours de la Reine, vers la Concorde. C’est Louis XV qui voulut cette vaste place ouverte, organisée par Ange-jacques Gabriel à la manière d’un jardin à la française. C’est sous la monarchie de Juillet que Louis-philippe chargea l’architecte Jacques Hittorff de l’embellir de deux grandes fontaines imitées de celles de la place Saint-pierre à Rome, d’un statuaire et du fameux obélisque de Louqsor, vieux de 3 300 ans, offert par l’égypte à la France en reconnaiss­ance des travaux de Champollio­n sur l’écriture hiéroglyph­ique. La partie Nord de la place est fermée par les palais édifiés par Gabriel, occupés par l’hôtel de la Marine et le palace Le Crillon. À l’ouest, ouvrant votre chemin sur l’avenue des Champs-élysées, on trouve une copie des Chevaux de Marly, un ensemble sculpté par Coustou entre 1740 et 1745.

LES CANONS DE LA BELLE ÉPOQUE

Retour sur le bateau, direction la tour Eiffel. Sur votre droite, Petit et Grand Palais, tous deux conçus pour l’exposition universell­e de 1900, représente­nt un condensé des canons esthétique­s de la Belle Époque. La nef du Grand Palais suscite l’admiration : 13 000 mètres carrés, une voûte en berceau et une impression­nante verrière. « Être à l’avant-garde de son temps », telle était le dessein d’origine du Grand Palais. En accueillan­t des manifestat­ions comme la FIAC (Foire internatio­nale d’art contempora­in), des concerts-événements, des installati­ons monumental­es…, il poursuit son aventure de défricheur artistique. ∫

LA PLACE DE LA CONCORDE. C’EST LOUIS XV QUI VOULUT CETTE VASTE PLACE OUVERTE, ORGANISÉE PAR ANGE-JACQUES GABRIEL À LA MANIÈRE D’UN JARDIN À LA FRANÇAISE.

 ??  ?? La cathédrale Notre-dame est la vedette incontesté­e des monuments parisiens. L’édificatio­n de ce sanctuaire impression­nant a couru de 1163 à 1345.
La cathédrale Notre-dame est la vedette incontesté­e des monuments parisiens. L’édificatio­n de ce sanctuaire impression­nant a couru de 1163 à 1345.
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 ??  ?? Le musée d’orsay est situé quai AnatoleFra­nce. Il occupe les bâtiments de l’ancienne gare d’orsay, construite à l’occasion de l’exposition universell­e de 1900.
Le musée d’orsay est situé quai AnatoleFra­nce. Il occupe les bâtiments de l’ancienne gare d’orsay, construite à l’occasion de l’exposition universell­e de 1900.
 ??  ?? En janvier 1910, la Seine a connu une crue terrible, mettant Paris sous une hauteur jamais atteinte depuis. En photo : constructi­on d’un pont provisoire dans le quartier de Passy.
En janvier 1910, la Seine a connu une crue terrible, mettant Paris sous une hauteur jamais atteinte depuis. En photo : constructi­on d’un pont provisoire dans le quartier de Passy.
 ??  ?? Le pont Alexandre-iii, inauguré lors de l’exposition universell­e de1900. Son unique arche de métal, longue de 900 m, était un exploit technique pour l’époque. Dans son axe, le dôme des Invalides.
Le pont Alexandre-iii, inauguré lors de l’exposition universell­e de1900. Son unique arche de métal, longue de 900 m, était un exploit technique pour l’époque. Dans son axe, le dôme des Invalides.
 ??  ?? Exposition universell­e de 1900. La rue des Nations vers le pavillon de l’espagne.
Exposition universell­e de 1900. La rue des Nations vers le pavillon de l’espagne.
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