LES CHÂTEAUX RENAISSANCE
NOUVEL ART DE VIVRE EN VAL DE LOIRE
1453 : la guerre de Cent Ans s’achève. En Italie notamment, l’effervescence intellectuelle et les grandes découvertes ont déjà fait tomber bien des murs, au propre comme au figuré. La France a du retard à rattraper : dans le « val des rois », le changement s’inscrit dans la pierre. Avec éclat.
Adieu douves et pont-levis, herses, mâchicoulis. Les dernières traces de féodalité
s’effacent. Désormais l’autorité ne s’établit plus par l’intimidation mais au travers du faste et du confort. Les fossés se transforment en jardins, les tours en pavillons d’angle, les meurtrières en lumineuses baies à meneaux. Une architecture souriante qui concerne aussi les villes mais assez peu les églises : sa frivolité laissait de marbre, apparemment, les tenants de l’élévation gothique. L’influence italienne, que François Ier aurait rapportée d’italie dans ses bagages en même temps que Léonard de Vinci (la réalité est évidemment plus complexe), se superpose en France à une tradition gothique bien ancrée. À l’inverse des Italiens, on aime la verticalité, les hautes toitures, les lucarnes effilées, les tourelles d’escalier. Les premiers châteaux Renaissance tendent à déguiser ou compléter
des murs hérités du Moyen Âge sous un aimable décor à l’italienne. Ce que Benvenuto Cellini qualifiait de « mauvaise manière
française ». Les exemples ne manquent pas à Blois, Amboise, Azay-le-rideau, Villandry… Dans un second temps apparaissent des édifices marqués par un souci nouveau d’unité de style et de symétrie. Mais on y retrouve quand même le plan quadrangulaire des forteresses, à l’instar de Chambord, de son donjon central carré, de ses tours d’angle et de sa double enceinte.
Lucarnes et toitures. Ces dernières comptent parmi les éléments les plus originaux de la Renaissance française. L’époque raffole des hautes toitures, que l’ardoise abondante du val de Loire encourage : celles de Chambord, complexes et variées, semblent une démonstration de savoir-faire. Les lucarnes, déjà appréciées du gothique, se superposent, s’entourent de pilastres et de frontons ouvragés, accentuant la verticalité des lignes. De même que les hautes et fines cheminées et les lanternons, librement inspirés des petits temples ronds de l’antiquité, qui cohabitent avec quelques gargouilles grimaçantes et inutiles. Vieille habitude ou accès de nostalgie ?
Vue sur la Cour. La célèbre douceur du climat angevin explique peut-être le succès de ce trait particulier de l’architecture italienne : l’abondance des balcons, loggias, terrasses et galeries ouvertes, qui servent moins à la circulation qu’à la promenade et, surtout, à voir et à être vu. La façade des Loges, à Blois, en est le meilleur et le plus précoce exemple avec ses deux étages de loggia en anse de panier, surmontés sous le toit d’un promenoir en auvent rythmé de colonnes, le tout donnant à l’époque sur de vastes jardins. On soupçonne l’architecte italien Dominique de Cortone de s’être inspiré de la cour d’honneur du Vatican, réalisée pour le pape Jules II. Citons aussi la galerie fermée, à deux étages, qui habille le pont de Diane à Chenonceaux, la galerie couverte à toit-terrasse aux avant-postes de Chambord, ou celle du rez-de-chaussée d’amboise, qui contredit les grosses tours médiévales. L’horizontalité, pour une fois, triomphe.