AUTUN
LE VOYAGE À SAINT- LAZARE
Autour de l’an mil, le moindre osselet d’un saint est une mine d’or : rien n’enrichit tant qu’un bon pèlerinage. C’est ce à quoi pense l’évêque d’autun en choisissant d’honorer saint Lazare, le Ressuscité, à la fin du xe siècle. La maison de Dieu se doit d’être aussi une bonne affaire…
C’est un vrai fric-frac : en janvier 1998, en pleine cathédrale, on a forcé la châsse de saint Lazare et volé son crâne sacré, ne laissant que tibias, côtes et vertèbres… Sait- on seulement qui était ce Lazare ? Comme disait Calvin, s’il fallait croire tout ce que l’on dit, « chaque apôtre aurait plus de quatre corps… » Ajoutant que des saint Lazare, il en connaissait trois : « l’un est à Marseille, l’autre à Autun, le troisième à Avallon. […] Ceux d’autun en ont eu gros procès à l’encontre de ceux d’avallon ; mais après avoir beaucoup despendu d’argent […] ils ont tous deux gagné leur cause… »
SAINT LAZARE OU L’ENJEU D’UN GRAND PÈLERINAGE
À Autun, l’évêque Gérard ne sait qu’une chose : le pèlerinage de Vézelay, qui s’est approprié Marie Madeleine, marche du tonnerre. Alors, pour le concurrencer, il négocie avec Marseille le transfert de Lazare*, qu’il installe en 972 dans sa vieille cathédrale, Saint-nazaire. Le succès dépasse-t-il les espérances ? Toujours est-il que, de 1120 à 1146, on bâtit en toute hâte une église pour le saint. À l’avant de sa triple nef en berceau, ornée d’arcs à peine brisés et de pilastres cannelés – un archétype roman inspiré de Cluny – le vaste narthex piqué de deux tours sera ajouté au siècle suivant, de même que les arcs-boutants de la nef ; la flèche flamboyante est du xive siècle. Le plan n’est pas celui des églises de pèlerinage, à déambulatoire ; néanmoins, on y transfère les reliques en grande pompe dès 1147. Un temps, Nazaire et Lazare se partagent le siège cathédral : l’une en été, l’autre en hiver. Puis la doyenne s’efface. Elle sera rasée en 1783 : le style roman, alors, n’a vraiment plus la cote. Dans la cathédrale, les chanoines recouvrent le choeur de marbre et la mosaïque de la nef d’un dallage neuf, démantèlent le jubé, le tombeau du saint et le portail latéral (le bas-relief de la Tentation d’ève sera retrouvé en réemploi dans un mur). Le grand por-
tail historié est noyé dans le plâtre, protégé ainsi de facto de la Révolution qui vient. En 1837, Stendhal s’émeut du manque d’intérêt autunois pour les monuments antiques, mais dédaigne la cathédrale : « Combien cette sculpture attriste l’oeil […] ! Quelle laideur, grand Dieu ! », écrit-il. Heureusement, Viollet-le-duc est d’un autre avis, et s’attaque après Vézelay à la restauration d’autun. De nombreux chapiteaux remplacés par des copies peuvent s’admirer depuis dans la salle capitulaire. Jusqu’en 1948, il ne manqua au tableau que la tête du Christ, qu’on croyait perdue. Mais le jeune père Grivot, qui allait devenir le plus érudit et truculent spécialiste de l’art roman, en essaya une, chipée dans les réserves du musée. Il avait l’oeil : le fils de Dieu a retrouvé sa tête.
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