Detours en France Hors-série

QUIMPER

- TEXTE DE DOMINIQUE ROGER

La constructi­on de la basilique cathédrale Saint-corentin ne fut pas un long fleuve tranquille. Commencée au xiiie siècle, elle ne verra ses dernières pierres, celles des deux flèches, posées que

dans la seconde moitié du xixe siècle. Une histoire certes mouvementé­e, mais l’un des plus beaux sanctuaire­s gothiques qui réunit un saint, Corentin et un roi de légende, Gradlon.

Édifiée à l’emplacemen­t d’un ancien sanctuaire roman ( xie siècle), la constructi­on de la cathédrale quimpérois­e, dédiée à NotreDame et à saint Corentin, premier évêque de Quimper, s’est allongée dans le temps. Si la première pierre date du xiiie siècle (1239), avec l’édificatio­n du choeur sous le règne de saint Louis, c’est sous Napoléon III que la cathédrale connaît son point d’orgue avec l’érection des flèches ( 1854-1856). L’accumulati­on des problèmes techniques et des troubles d’origine politique retardent le chantier, tant et si bien que les voûtes ne seront achevées qu’en 1410. Quatorze années supplément­aires vont être nécessaire­s pour entreprend­re les travaux de la nef. Là, les architecte­s s’aperçoiven­t que l’axe de la nef ne correspond pas à celui du choeur…

LE COEUR DU PATRIMOINE RÉGIONAL

En dépit de ces ajouts stylistiqu­es successifs, Saint-corentin a belle allure. Depuis le parvis, on découvre un grand portail à sept voussures sculptées d’angelots, au tympan ajouré. Si la plupart des statues de saints ont disparu, il subsiste un riche armorial, faisant des portails de la cathédrale une des plus intéressan­tes pages héraldique­s d’armorique : hermines ducales, lion des Montfort (portant la bannière de Bretagne), armes des barons de la Cornouaill­e... À l’intérieur, le grand vaisseau mesure 92 mètres de long. La nef du xve siècle est illuminée par dix grandes fenêtres flamboyant­es occupées par des vitraux (fin xve siècle), oeuvre de l’école des maîtres verriers quimpérois. Autour du choeur se déploient des chapelles décorées de fresques.

QUIMPER ET LA LÉGENDE DE GRADLON

Le palais des évêques voisin (aujourd’hui Musée départemen­tal breton), plusieurs fois remanié jusqu’au milieu du xviie siècle, sert de

résidence aux prélats. Ce petit monde de chanoines s’enserre dans des fortificat­ions, dont il reste de rares vestiges (la tour Nevet). La ville épiscopale est née. Face à elle, de l’autre côté du Steïr – affluent de l’odet -, se tient l’autorité ducale, qui installe ses propres attributs de pouvoir : la prison, l’auditoire de justice, les fours banaux, un moulin. Une corporatio­n de commerçant­s profite de cette concentrat­ion d’intérêts et prospère. La balade en coeur de ville, au patrimoine joliment préservé, dévoile cette dichotomie. La cathédrale Saint-coren- tin trône au milieu du quartier religieux. Si ses flèches de pierre de 76 mètres de haut dominent aujourd’hui la ville, c’est grâce au « sou » de saint Corentin, « un sou par habitant » que réclama Monseigneu­r Graveran aux fidèles. Entre les deux flèches de granit se dresse la statue équestre du roi Gradlon (qui remplaça une première détruite à la Révolution), oeuvre du sculpteur lorientais Lebrun. Le roi Gradlon, posé sur son cheval entre les deux tours, peut enfin se consoler d’avoir perdu sa fille Dahut et sa belle cité d’ys, engloutie au large de Douarnenez… On ne saura jamais ce que représenta Kemper pour Gradlon, le roi de Cornouaill­es qui la créa. Fut-il fier d’avoir trouvé ce site propice à l’établissem­ent d’une capitale, mieux protégée que ne l’était Ys ? Ou bien fut-ce pour lui une déchéance, qui venait s’ajouter à la douleur d’avoir perdu sa fille bien-aimée ? La statue équestre qui se dresse entre les flèches de la cathédrale peut se lire de deux façons. Les uns y verront le glorieux roi jetant son dévolu sur ce fond de l’estuaire de l’odet. D’autres remarquero­nt que le roi paraît abattu, pensif, fatigué. Sa monture elle-même semble prise de crainte... Il est vrai qu’ils sortent d’une rude aventure. La restaurati­on menée pendant vingt ans, de 1989 à 2008, a restitué l’éclat du « gothique flamboyant » de la cathédrale. †

 ??  ?? (Finistère) est l’une des plus anciennes cathédrale­s gothiques de Bretagne. L’unique portail, à sept voussures sculptées d’angelots, est encadré de deux hautes tours (76 mètres), percées de baies jumelées. Entre les deux flèches de pierre, édifiées au xixe siècle grâce « au sou de saint Corentin », la statue équestre du roi Gradlon, a le regard rivé sur sa lointaine ville d’ys. Saint-corentin à Quimper
(Finistère) est l’une des plus anciennes cathédrale­s gothiques de Bretagne. L’unique portail, à sept voussures sculptées d’angelots, est encadré de deux hautes tours (76 mètres), percées de baies jumelées. Entre les deux flèches de pierre, édifiées au xixe siècle grâce « au sou de saint Corentin », la statue équestre du roi Gradlon, a le regard rivé sur sa lointaine ville d’ys. Saint-corentin à Quimper
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La nef de SaintCoren­tin n’est pas dans l’axe du choeur… Erreur de calcul ou acte délibéré ? L’intérieur de la cathédrale a bénéficié d’une restaurati­on qui lui a rendu ses couleurs du xve siècle.
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La Fuite de Gradlon, d'evariste-vital Luminais, (1884). Le roi Gradlon abandonne sa fille au raz-de-marée qui engloutit Ys, sur les conseils de saint Guénolé.

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