RITES ET SYMBOLES : UNE SOCIÉTÉ INITIATIQUE
Bien que le compagnonnage partage avec la franc-maçonnerie un fonds commun de symboles et de légendes, en partie empruntés aux bâtisseurs de cathédrales, il s’en distingue par bien des aspects. Qu’on la qualifie de secrète ou de discrète, cette « société » propose à ses membres, ouvriers et artisans d’exception, une démarche initiatique où perfectionnements professionnel et intellectuel sont liés.
Pour qu’il y ait compagnonnage, il faut qu’existe un rite. Cet ensemble de textes légendaires, de symboles, de mots de passe, de cérémonials ou de coutumes encadre la vie du compagnon. Le compagnonnage est bel et bien une société initiatique qui propose à ses membres de progresser sur les plans technique et personnel.
UN LONG CHEMIN D’APPRENTISSAGE
L’ouvrier qui souhaite rejoindre le mouvement compagnonnique doit accepter de se plier à certaines règles. Les lacunes documentaires ne permettent cependant pas de décrire la vie des compagnons avant le xviiie siècle. Après une période d’observation, le nouveau venu prend le titre d’« aspirant » au cours de la cérémonie de « l’adoption ». Recevant une canne, des couleurs (ruban) sans inscription ni motif et un sauf- conduit (le « carré ») qui lui permet d’être reconnu lors de ses déplacements, l’ouvrier s’engage alors sur la voie de l’apprentissage. Après avoir effectué des progrès dans son métier, l’aspirant évolue et accède au statut de « compagnon reconnu » par la cérémonie de l’affiliation. Muni d’une nouvelle canne et de nouvelles couleurs, il poursuit son chemin
vers le statut de « compagnon fini », qui lui sera accordé une fois qu'il a produit de ses mains un ultime chef- d’oeuvre.
DES OUTILS DEVENUS DES SYMBOLES
Une société initiatique développe des codes et un langage symbolique dont le sens véritable échappe au profane. Le compagnonnage ne fait pas exception à la règle. Outre qu’il permet de communiquer en toute discrétion, le symbole alimente également des réflexions à visée philosophique. Chez les compagnons, les outils et les signes, souvent hérités des bâtisseurs de cathédrales, se sont imposés comme socle de ce langage. Si le compas véhicule les notions de précision et d’esprit divin, l’équerre symbolise la recti- tude, le niveau transmet les idées d’équilibre ou d’égalité, tandis que le labyrinthe représente la progression…
DES LIENS AVEC LA FRANCMAÇONNERIE
Le compagnonnage partage de nombreux symboles avec la franc-maçonnerie. L’explication est simple : cette société philosophique, apparue au xviiie siècle, a amplement puisé ses symboles dans l’univers des constructeurs du Moyen Âge, sans que le compagnonnage y soit pour quelque chose ! En revanche, il est indéniable que la franc-maçonnerie a ensuite influencé rites et légendes compagnonniques.
SALOMON ET LE PÈRE SOUBISE : DEUX DES TROIS FONDATEURS LÉGENDAIRES
À l’image de la franc-maçonnerie, le compagnonnage s’est cherché des origines extraordinaires que la science historique lui refuse. Ces légendes, expliquant par le merveilleux les origines du mouvement, servent également de guide symbolique au compagnon. Ce dernier peut choisir entre trois principaux rites, chacun placé sous le patronage d’un personnage réputé fondateur : Salomon, le père Soubise et maître Jacques. Pour les uns, le roi Salomon aurait accueilli sur le chantier du temple de Jérusalem l’architecte Hiram, avec lequel il aurait favorisé le repérage des ouvriers méritants, les divisant en trois catégories : apprenti, compagnon et maître (l’infiltration de cette légende par des thèmes maçonniques est flagrante). D’autres compagnons ont choisi pour fondateur le père Soubise, mais sans s’accorder sur son identité. Il s’agirait pour les uns d’un compagnon d’hiram, alors que d’autres l’habillent en bénédictin du Moyen Âge ayant découvert les plans du temple de Salomon.
MAÎTRE JACQUES, UN TEMPLIER COMME TROISIÈME FONDATEUR IMAGINAIRE
Entre homonymes et confusion, la voie est étroite, d’autant plus que la troisième légende met en scène un « maître Jacques » aux multiples visages. Se cacherait derrière ce personnage – au choix – un compagnon du père Soubise, Jacques le Mineur, Jacques le Majeur ou Jacques de Molay, le dernier maître de l’ordre du Temple. Pourquoi un tel personnage ? Parce qu’on se plaît encore à imaginer les templiers en grands bâtisseurs ayant favorisé la création de confréries d’ouvriers. Une idée reçue à la peau dure ! †