10 QUESTIONS AVANT DE PARTIR
SYLVAIN VAISSIÈRE
Sylvain Vaissière est membre de l'ACIR, l'Agence des chemins de Compostelle, qui réunit des collectivités territoriales, des hébergeurs, des offices de tourisme et des associations en lien avec le pèlerinage jacquaire en France. Il livre de précieuses recommandations.
1- D’OÙ PARTIR ?
Sylvain Vaissière. La tradition veut que l’on parte… de chez soi! pour rejoindre un des grands itinéraires français qui convergent vers le Camino Francés, à Puente la Reina en Navarre.
Les Chemins sont vivants, chacun a sa personnalité, ses difficultés, ses humeurs, ses délices. Certains, comme le Chemin du Puy et le Camino Francés, sont équipés pour faciliter le cheminement (nombreux hébergements, balisage du sentier, guides pratiques) et permettent de marcher à son rythme. D’autres itinéraires offrent de goûter à ce qui nous reste d’espaces d’aventure : le Chemin d’Arles, par exemple. Les explorateurs prendront des routes alternatives pour s’éloigner des foules de pèlerins ou visiter un lieu particulier, dont ils se sentent sentimentalement ou spirituellement proches. La variété des itinéraires ouverts laisse un large choix en fonction de ses désirs et de ses aptitudes
physiques. Chacun doit se sentir libre de construire sa propre itinérance.
2- EST-IL PRÉFÉRABLE DE PARTIR SEUL OU D’ÊTRE ACCOMPAGNÉ ?
S.V. En principe, la pérégrination vers Compostelle est une démarche individuelle.
Certains préféreront marcher solitairement et d’autres auront besoin de partager chaque instant avec un compagnon. Les rencontres inopinées, en cours de voyage, ne sont pas rares sur les itinéraires les plus fréquentés. Partir à deux, ou plus, est possible. Il est évident que les groupes trop importants auront des problèmes pour loger toutes les personnes au même endroit.
3- À QUEL MOMENT PARTIR ?
S.V. Les meilleures périodes sont le printemps et l’automne, en raison des conditions météorologiques favorables et de l’affluence raisonnable sur les Chemins.
En hiver, le froid et la fermeture de nombreux gîtes demandent une préparation spécifique. L’été, les fortes chaleurs et la surfréquentation des itinéraires peuvent rendre le cheminement douloureux. Certains parcourent l’intégralité du Chemin jusqu’à Compostelle (compter deux mois de marche environ au départ des grandes voies). D’autres préféreront découper leur parcours par tranches de quinzaine de jours, chaque année.
4- COMMENT NE PAS SE PERDRE ET ÊTRE SÛR DE SUIVRE UN CHEMIN DE COMPOSTELLE ?
S.V. Les parcours sont de plus en plus pourvus en signalétique et en guides pratiques. Les chemins de Saint-Jacques ont été définis comme « Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe » en 1987.
À ce titre, un logo positionnel spécifique a été conçu. Il s’agit d’une coquille jaune sur fond bleu que l’on retrouve apposée au long des Chemins. Les itinéraires sont également parfois homologués en tant que GR® par la Fédération française de la Randonnée; ils bénéficient alors d’un balisage directionnel blanc et rouge. En Espagne, le balisage est complété d’une flèche jaune, peinte sur de nombreux supports. La coquille Saint-Jacques sous toutes ses formes est également utilisée pour signaler le Chemin. Enfin, les populations locales et les offices de tourisme peuvent aider.
5- QUEL ÉQUIPEMENT PRÉVOIR ?
S.V. Il faut partir avec un équipement allégé à son maximum.
Le poids du sac à dos est un facteur décisif lors d’une marche de plusieurs semaines. On considère qu’un sac à dos doit peser autour de 6-8 kg (ou 10 % du poids du marcheur). De simples chaussures de marche, dans lesquelles on se sent bien,
paires de doubles chaussettes contre le frottement, des nu-pieds pour le repos le soir, un drap de couchage ou un duvet suivant la saison, une ou deux affaires de rechange, un nécessaire d’hygiène et de soins allégé, une protection contre la pluie, un vêtement chaud contre le froid, un couvre-chef, la créanciale, un guide pratique, un carnet de route, une carte de crédit, la Carte européenne d’assurance maladie qui dispense l’avance de frais médicaux en Europe (à se procurer auprès de sa Caisse d’assurance maladie). Le parcours est jalonné de commerces : le marcheur pourra donc compléter son équipement selon ses besoins.
6- QUELLE PRÉPARATION PHYSIQUE FAUT-IL POSSÉDER AVANT LE DÉPART ?
S.V. Le dénivelé, la météo ou le manque d’hébergement rendent les étapes parfois difficiles.
Partir à Compostelle est accessible à toute personne en bonne santé. Pour ceux n’ayant pas l’habitude de marcher de façon intensive, il est conseillé de se tester lors d’une journée ou deux de marche, en portant le sac à dos. Cela ne peut que favoriser le déroulement de la pérégrination à venir. Une bonne préparation et le respect de son corps peuvent éviter les abandons et permettre d’anticiper les problèmes qui ne manqueront pas de survenir.
7- QUELS SONT LES RISQUES SUR LE CHEMIN ?
S.V. On marche 6 heures par jour, en moyenne. Cela équivaut, environ, à 25 kilomètres.
Les premiers jours sont les plus difficiles. Il s’agit de marcher à son rythme et de s’arrêter lorsque l’on en ressent le besoin. Une des particularités propres à la marche au long cours est que l'organisme s’habitue à ce rythme au bout de 8 à 10 jours. Prendre soin de son corps est très important. Quelques conseils: toujours boire sans soif (cela évite tendinites et déshydratation) ; manger sainement ; disposer de ravitaillement et d’eau avec soi ; s’octroyer des temps de repos. Et s’arrêter si nécessaire une journée entière pour se délasser. Les Chemins sont relativement bien entretenus, balisés et pensés en fonction de leur usage pédestre: ils ne présentent pas de danger particulier. Ensuite, comme dans tout voyage, il convient de veiller à ses affaires personnelles, le soir, lors de la halte.
8- OÙ SE RESTAURER ET DORMIR ?
S.V. Les Chemins disposent d'équipements très variés, offrant tous les types de confort.
En France, les lieux d’hébergement sont des gîtes municipaux, gîtes d’étape, chambres d’hôtes, hôtels, campings. En Espagne, un réseau Albergues y Refugios (« auberges et refuges ») offre le gîte, en dehors des structures hôtelières classiques. Ils sont accessibles aux pèlerins munis d'une créanciale et proposent des services minimums (matelas, douches). Les Chemins les plus fréquentés sont les plus équipés. Pour se restaurer dans les villages traversés, en plus des petites épiceries où l'on peut acheter de la nourriture, certains restaurants affichent un menu réservé aux jacquets.
9- À COMBIEN REVIENT LE PÈLERINAGE ?
S.V. Le budget nécessaire dépend du niveau de confort recherché. Une chambre d’hôtes tout confort coûte entre 30 et 60 €, la chambre double par nuit. En gîte, il faut compter entre 5 et 15 € la nuitée. À cela, il faut ajouter le prix de la nourriture (en-cas et repas de midi).
Dans certains gîtes espagnols, le principe du Donativo (« participation libre ») est mis en place. Par courtoisie et respect, il convient de laisser quelques euros. En raison d’abus, cette tradition, qui permet l’entretien des gîtes, tend à disparaître.
10- COMMENT REVENIR DE SAINT-JACQUESDE-COMPOSTELLE ?
S.V. Je conseillerais de terminer son périple, loin des foules de pèlerins, par trois jours supplémentaires de marche aux confins de l’Europe. Le jacquet arrivera alors à Cabo Fisterra (« cap Finisterre »), un bout du monde qui surplombe l’océan Atlantique. La coutume voulait qu'on y ramasse une coquille Saint-Jacques en signe d’accomplissement du pèlerinage. Le retour en France depuis Santiago de Compostela (« Saint-Jacques-deCompostelle ») peut s’effectuer en train ou en autocar. Toute l’année, un train par jour (deux trains en été) permet de gagner Irún, à la frontière franco-espagnole, en douze heures. En autocar, plusieurs compagnies très organisées proposent le retour sur les grandes villes espagnoles ou françaises. Comparé à l’autocar, le train présente l’avantage de permettre de dégourdir ses jambes durant le long trajet. À partir d’Irún ou d’Hendaye, les grandes lignes ferroviaires desservent la France.