Detours en France Hors-série

PARIS

NOTRE-DAME, LA PUISSANCE ET LA GLOIRE

- TEXTE DE VINCENT NOYOUX

À la contempler, en majesté sur l’île de la Cité, on pourrait croire que les bras de la Seine ne se sont écartés que pour l’accueillir. En 1163 démarrait son édificatio­n, vaste et rude chantier qui vit l’art gothique s’épanouir. Ce style architectu­ral atteint ici la perfection – technique comme spirituell­e. Voici l’histoire de la cathédrale de l’archidiocè­se de Paris.

Que s’est-il passé au coeur du Moyen Âge? Pourquoi, en plein art roman, ce besoin de bâtir de nouvelles cathédrale­s qui n’étaient pas encore qualifiées de « gothiques » ? Selon Roland Recht, historien de l'art, « dans l’architectu­re occidental­e, à un moment donné, les évêques, les chanoines et les chapitres ont souhaité faire de la cathédrale l’expression du pouvoir épiscopal. Le gothique est né, “gothique” et “cathédrale” sont devenus quasiment synonymes. » Comment se présente l’île de la Cité avant que s’y élève Notre-Dame ? Au ive siècle, l’enceinte fortifiée de l’île abrite le port de marchandis­es de Paris, alors appelé Lutèce. Au début de l’ère chrétienne, existait sous l’emplacemen­t du parvis et de la cathédrale une basilique, dédiée à saint Étienne, de grande dimension. À l’est de cette basilique se trouvait déjà une première église NotreDame. La conversion de Clovis au christiani­sme vers 498 et son choix de Paris comme capitale du royaume franc vont consolider le diocèse. Celui-ci est situé dans la partie orientale de l’île, consacrée au spirituel, alors que le temporel, avec le palais des Rois, est dévolu à la partie occidental­e.

INVENTER UN LIEU UNIQUE

De l’époque paléochrét­ienne au xive siècle, quand l’évangélisa­tion de l’Europe est stabilisée, l’augmentati­on massive de fidèles et l’accueil de pèlerins créent de nouveaux besoins. Au début du xiie siècle, on assiste à

un bouillonne­ment d’idées dans le Bassin parisien. On sort du roman, on invente autre chose. On avance, à tâtons, d’un chantier à l’autre. Plutôt que de construire des églises séparées, dédiées aux baptêmes ou à la prière, on bâtit un seul édifice, la cathédrale.

EN 1235, LA CATHÉDRALE EST ACHEVÉE

C’est l’évêque de Paris, Maurice de Sully, qui s’en charge. Avec l’aide d’architecte­s anonymes, il conçoit un plan audacieux. On voit apparaître la voûte sur croisée d’ogives, les nefs sont de plus en plus hautes, elles comportent plus d’ouvertures que de mur, ce qui signifie des dépenses excessives. « Le roi était loin d’être la ressource principale, précise encore Roland Recht. Les fonds venaient de l’évêque, des chanoines. Promulguer les indulgence­s favorisait la rentrée d’argent. Et puis on faisait appel à des seigneurs, à des aristocrat­es qui avaient les moyens de payer une chapelle, de faire l’offrande de quelques vitraux. » À plusieurs reprises, l’argent vient à manquer et les travaux sont arrêtés. Tous les ouvriers étaient payés à la tâche: quand il n’y avait plus de moyen de les rémunérer, ils étaient débauchés. La première pierre est posée en 1163. Les fondations sont établies dans un sol marécageux; il faut creuser parfois jusqu’à 8 mètres pour atteindre un sol stable. Charpentes et échafaudag­es proviennen­t des ressources forestière­s de l’évêque ; la pierre calcaire des carrières de la rive gauche est transporté­e par la Bièvre jusqu’à la Seine. Pour que les matériaux arrivent plus aisément sur le chantier, une artère de plus de 6 mètres de large, partant du portail de l’ancienne basilique, est percée dans un quartier très peuplé : la rue Neuve-Notre-Dame. Maurice de Sully participe directemen­t à l’organisati­on du chantier. À Paris, on trouve des tailleurs de pierre, des sculpteurs, des verriers qualifiés… Le choix d’édifier le bâtiment à l’est de la basilique Saint-Étienne permet de commencer la constructi­on de la nouvelle église par le chevet et le choeur, si bien que les offices ne seront jamais interrompu­s. En 1235, à l’exception des chapelles et des arcsboutan­ts, la cathédrale est achevée. Jusqu’à la première moitié du xiiie siècle, Notre-Dame de Paris restera le plus grand édifice religieux du monde occidental, à l’image du pouvoir du plus grand évêque du domaine royal, l’évêque de Paris. †

 ??  ?? La rose sud, immense vitrail de 13 mètres de diamètre, fut offerte par le roi Saint Louis. Elle a été conçue par les maîtres d’oeuvre Jean de Chelles et Pierre de Montreuil, en 1260.
La rose sud, immense vitrail de 13 mètres de diamètre, fut offerte par le roi Saint Louis. Elle a été conçue par les maîtres d’oeuvre Jean de Chelles et Pierre de Montreuil, en 1260.
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D’étranges créatures sculptées sont postées tout autour de NotreDame. Les gargouille­s sont des éléments utilitaire­s, parties prenantes de l’édifice dès l’origine. Placées à l’extrémité des gouttières, elles évacuent l’eau de pluie, en la tenant éloignée des murs.
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de la cathédrale mesurent 15 mètres de long.
Ils ont été ajoutés un siècle après la pose de la première
pierre.
Les arcsboutan­ts du choeur de la cathédrale mesurent 15 mètres de long. Ils ont été ajoutés un siècle après la pose de la première pierre.

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