Detours en France Hors-série

TOULOUSE

LE RÊVE INACHEVÉ

-

Saint-Étienne n’a pas la magnificen­ce de sa voisine, la célèbre basilique Saint-Sernin. Allure biscornue, architectu­re atypique, la cathédrale déroute. « Peu de monuments présentent une succession aussi dissemblab­le de leurs éléments de constructi­on, par la date et le style, que la cathédrale toulousain­e. Aucune autre peut-être n’inquiète autant le visiteur, même expériment­é, par les problèmes se dressant à chacun de ses pas », commentait l’archéologu­e Jules de Lahondès, au xixe siècle. Remontons le temps. Fin xie siècle, une cathédrale est élevée dans le style roman par l’évêque Isarn. Début xiiie siècle, elle est reconstrui­te dans un style gothique sous l’impulsion de l’évêque Foulques. Alors que l’Église est en croisade contre l’hérésie cathare, sa nef unique fait office de salle à prêcher. Le bâtiment, alors, est novateur. Il mêle influences méridional­es et rigueur cistercien­ne (Foulques appartient à l’ordre de Cîteaux).

AMBITIONS ARCHITECTU­RALES À LA BAISSE

On retrouve cette rigueur dans le dépouillem­ent des parois de brique, la beauté et la puissance des lignes, ou la rareté des éléments décoratifs. Changement de cap architectu­ral en 1271. En même temps que l'extinction de la lignée des comtes de Toulouse, la cité entre dans le giron du royaume de France. L’évêque Bertrand de l’Isle-Jourdain, qui a visité les plus belles cathédrale­s du nord de la Loire, veut pour sa ville un monumental édifice, dans le style gothique rayonnant,

Étrange édifice que cette cathédrale de brique et de pierre… Saint-Étienne réunit deux ensembles. L'un typique du gothique méridional, puissant et austère; l'autre inspiré par les grands sanctuaire­s du Nord, élancé et lumineux. élancé. À l'est de l'église de Foulques, est alors bâti un immense choeur, particuliè­rement lumineux. À l’origine, l’église précédente devait être détruite mais, en raison de la soudaine réduction de la taille du diocèse et du manque d’argent, les bâtisseurs ont dû réviser leurs ambitions.

UN GRAND ORGUE, COMME SUSPENDU

Ainsi, au lieu des 40 mètres prévus, la nouvelle nef s’élève à moins de 30 mètres, bien loin des cathédrale­s septentrio­nales. D’où ce résultat aujourd’hui: Saint-Étienne est le produit de la coexistenc­e de ces deux styles gothiques. Le sanctuaire dispose ainsi de deux nefs. À leur jonction, un monumental pilier. Il devait servir à soutenir un transept qui n'a jamais été réalisé. C’est à cet endroit que repose Pierre-Paul Riquet (1609-1680), qui a conçu et mis en oeuvre le canal du Midi. Au xviie siècle, la cathédrale s’embellit. Parmi les éléments intéressan­ts, on remarquera un retable baroque représenta­nt la Lapidation de saint Pierre, un grand orgue comme suspendu au mur, ainsi que de superbes stalles en noyer sculptées. La grande cathédrale rêvée des bâtisseurs médiévaux n'est toujours pas terminée. Bien des architecte­s, au xixe siècle, ont voulu « achever » l’édifice. Il fut envisagé de démolir la nef construite sous Foulques mais, par manque d’argent une fois encore, le projet fut abandonné. Par bonheur, car le visiteur découvre aujourd’hui les deux visages de Saint-Étienne, reflets de la tumultueus­e Histoire médiévale de Toulouse.

 ?? TEXTE DE HUGUES DEROUARD ??
TEXTE DE HUGUES DEROUARD
 ??  ?? Pour l'essentiel, Saint-Étienne a été bâtie au xiiie siècle.
Toutefois, le chantier s'est étiré sur des siècles et a mélangé les styles qui l'habillent, la dotant de ce supplément
d'âme qui sied à la maison de Dieu.
Ci-dessus : La beauté du choeur
est rehaussée des stalles (1613) sculptées par Monge, Morizot
et Béhorri.
Pour l'essentiel, Saint-Étienne a été bâtie au xiiie siècle. Toutefois, le chantier s'est étiré sur des siècles et a mélangé les styles qui l'habillent, la dotant de ce supplément d'âme qui sied à la maison de Dieu. Ci-dessus : La beauté du choeur est rehaussée des stalles (1613) sculptées par Monge, Morizot et Béhorri.

Newspapers in French

Newspapers from France