La machinerie des Grandes Eaux
Tout au long de son règne, Louis XIV a voulu des jeux d’eau toujours plus nombreux et sophistiqués. Lances, jets, bouillons, cascades, nappes, gouffres devaient montrer sa puissance au monde. Le parc
comptait jusqu’à 1600 jets d’eau (quatre fois plus qu’aujourd’hui), consommant 6 300 mètres cubes par heure. La quête de l’eau finissait par relever de l’épopée. En effet, c’était tout le paradoxe du site : une zone
marécageuse, mais qui manquait d’eau vive. Et Versailles était situé à 142 mètres au-dessus de la Seine, distante de dix kilomètres. Il fallait donc entreprendre des travaux pharaoniques pour pomper l’eau, l’acheminer et la stocker en hauteur, des travaux qui ne suffisaient jamais. L’étang de Clagny, la Bièvre, les plateaux de Trappes et d’Arcy, différents étangs, et enfin la Seine, avec la machine de Marly, étaient mis à contribution. Les Francine, intendants des fontaines royales de 1623 à 1784, régnaient sur le réseau souterrain du parc. Héritiers de ce métier, les 13 fontainiers de Versailles graissent les 80 vannes, nettoient les bassins, mettent hors gel, restaurent le cuivre et le plomb, ouvrent et ferment les vannes en fonction de la musique. Ils gèrent 35 kilomètres de canalisations (dont 20 d’origine), faisant jaillir 9 000 mètres cubes d’eau dans les 55 bassins, en synchronisation avec la musique. Ils maîtrisaient à la fois les techniques
du xviie siècle, telles que la soudure à la louche, et les technologies de pointe. Le métier de fontainier, dont le savoir se transmet de génération
en génération, est reconnu comme un métier d’art depuis mars 2014.