LA FOLLE HISTOIRE DU MYTHE CATHARE
Dans les années 1200, en pleine hérésie cathare donc, plusieurs romans de chevalerie reprennent le thème de la quête du Graal. Objet magique, il reste invisible à qui est indigne de l’approcher, mais nourrit miraculeusement celui à qui il est donné de percer le secret. Quant à la version chrétienne du Graal (le calice ayant contenu les dernières gouttes du sang du Christ), on peut l’analyser comme un chefd’oeuvre de propagande. Le message : reprendre ce trésor sacré aux hérétiques, qui l’auraient détenu à Montségur et l’auraient évacué au dernier moment. L’affaire tournant d’ailleurs à la farce, puisque le supposé Saint Graal, récupéré par le roi d’Aragon, aurait été réclamé par le pape à qui on aurait livré un faux. Parmi cette littérature, le Parzifal, de Wolfram von Eschenbach, précise que le Graal est caché dans un château de la « Terre Gaste » (la terre désolée) qui a pour nom Montsalvage. L’auteur ajoute que son récit a pour origine le pays occitan.
Les siècles passent. À la fin du siècle dernier, les romans de chevalerie et l’héraldique reviennent à la mode. Richard Wagner compose sa fameuse Tétralogie, et on sait qu’il séjourne à l’époque en terre albigeoise : est-il venu chercher l’inspiration là où naquit peut-être son Parsifal originel (1882) ?
C’est sans doute ce que pense, vers 1930, l’écrivain allemand Otto Rahn, auteur de La Croisade contre le
Graal. Cette recherche très discutable, à force de coïncidences acrobatiques entre la littérature médiévale et l’Histoire, conclut que Montsalvage est en fait Montségur, et que le trésor des cathares est le Graal.
Ici interviennent les nazis. On ne sait pas trop quel rapport existait entre Rahn et le parti hitlérien: l’écrivain a disparu pendant la guerre, exécuté, semble-t-il, par la Gestapo. On sait bien, en revanche, quelle fascination Montségur continue d’exercer sur les âmes exaltées, nourries d’une littérature ultra-droitisante. On en conclut généralement que l’armée allemande aurait voulu connaître le secret de la force des cathares, êtres d’élite s’il en est pour s’être montrés capables d’un tel sacrifice. Puéril ? Malheureusement pas plus que l’ensemble de la doctrine nazie.
Plus fou encore : et si le Graal de Wolfram von Eschenbach (une pierre précieuse tombée du ciel) avait effectivement un pouvoir magique ?
Dans la mesure où on peut trouver dans l’architecture de Montségur des éléments d’un calendrier solaire, d’aucuns n’ont pas hésité à voir dans le Graal un cristal qui, en recevant la lumière solaire à un moment précis de l’année, se transformait en un rayon chargé d’énergie. De là à affirmer que les cathares ont inventé le laser…